vendredi 10 octobre 2008

Vendredi (sans son Île)


Puisque mourir d’amour n’est plus de mon âge, je me tue à l’ouvrage.

C’est vendredi, ça devrait en soi être une bonne nouvelle.

Mais comme je me suis retrouvé dans mon magasin préféré à acheter un livre ça c’est moins bon signe. Ça veut dire que je cache une petite déprime que je sens le besoin de soulager par un petit bonheur.

Écouter de la musique tout à fait à mon goût dans mon ipod n’a pas empêché une larme chaude et salée de quitter mon œil gauche et de se faufiler sur ma joue à mon insu. J’en ai été le premier surpris. Mon corps qui ne répond plus de mon cerveau. Déjà que très souvent mon estomac semble crier famine bien que je n’ai aucune envie de manger maintenant il faille que je m’inquiète de larmes fuyantes sans mon consentement.

Je croule sous la pression d’un emploi mal calibré où après trois ans on a toujours l’impression d’y être à sa première semaine d’intégration. 5 chefs de départements en 3 ans. Des patrons qui m’en demandent toujours plus sans réaliser que je ne manque pas d’ouvrage et que je suis pratiquement le seul du département à travailler à tue-tête. Je suis obligé de tasser des gens qui viennent me causer de la pluie et du beau temps car je suis constamment en train de bosser sur quelque chose. Je mange même à mon bureau. Entre 15 minutes et une demie-heure de pause afin de pouvoir coucher le plus de job possible. Je suis au bureau à 7h00 et je quitte à 16h/16h30. Si on compte bien, cela fait 9 heures par jour. 45 heures par semaine. 7h ½ par semaine en temps supplémentaire que je ne réclame jamais. Et pourtant quand je demande une journée de congé on fait la moue et on résiste.
Pire ! Avec un billet du médecin qui me confirme 5 jours de récupération suite à une opération on me signale que je ne serai pas payé et que ce sera à mes frais…le 19 septembre cela a fait 3 ans que je travaille pour cette compagnie. Après trois ans on a droit à une troisième semaine de vacances. Pas moi. Comme nos vacances sont du mois de mai au mois de mai je me fais baiser de 8 mois.

Je suis officiellement le backup d’une fille qui a quitté pour un mois faire la course de la Rose de Sables. J’ai hérité d’une tonne de ses dossiers.
+ mon ouvrage.
+ des gens qui abusent de ma générosité pour venir magasiner sur place en tant qu’« ami » (bien que je ne les connaisses pas du tout) dans notre magasin réservé aux parents et amis. Je sui si bon (lire mou) que je les fait rentrer dans la boutique et j’effectue un peu de srvice après-vente contre laquelle je m’inscris toujours en faux.

« Oui Jones j’ai Tony qui est venu te voir vendredi pour un retour »

1-Je ne connais pas de Tony.
2-Dans la vie du Jones t’es mieux d’avoir une maudite bonne raison pour faire un retour, je ne ferai pas rentrer un gars que je ne connais pas pour un retour non justifié.

« Oh et Jones j’ai besoin du détail du rapport avant demain ! »

Je viens tu juste de dire « fuck you » ou c’est encore mon corps qui réagi sans mon consentement ?

Avec ce genre de reconnaissance, ce type de tricherie comment se motiver chaque matin que le bon dieu nous donne ?

Je n’ai pas de raison de chialer, j’ai un bon salaire, une gestion de mon horaire quotidien assez lousse et je peux jouer au hockey sans qu’il m’en coûte un seul sou deux fois par semaine. L’avantage d’avoir eu tant de changement de chef est que personne d’autre que moi ne sait vraiment ce que je fais et comment le faire, ce qui me laisse maitre de mon être et relativement indispensable. Probablement un peu trop. Car je quitte le bureau une seule journée et ça semble être la catastrophe.
Et je devine faire preuve d’une certaine efficacité car une journée comme aujourd’hui sans moi aurait fait mordre la poussière à presquQui peut faire la voile sans vent ? qui peut ramer sans rames ? Et qui peut quitter un ami sans verser une larme?»

Je quitterai bientôt cet endroit sans même avoir un ami à pleurer.

La version anglophone de ce même air est plus près encore de mon questionnement existentiel.

Where is the house ? Where is the street ? Where is the little boy I use to be? Here is the house, here is the street but I can’t find the boy I used to be.”

Les larmes inutiles, la fatigue croissante, le noeud dans le ventre, l’humeur massacrante, les nuits sans sommeil.
Les symptômes de la dépression qui pointent.
Mais comme je ne suis pas une victime je descends dans le garage, glisse tout ça dans le trou du ballon de soccer dégonflé (qui se gonfle aussitôt). Sors dans la cour et le botte de toute mes forces jusqu’à ce qu’il atterrisse dans la piscine du 5ème voisin.

Baby let me go, Please let me let me go, Lève-là l’ancre lève-là.

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