mardi 23 décembre 2008

Cheap story


En allant retourner le mauvais jeu de console vidéo que j’avais acheté dans un grand magasin multimilliardaire je me sentais un peu cheap. Je n’aime pas les retours. Je suis quelqu’un qui assume, même ses erreurs.

Mais bon, là j’ai retourné.

Dans le magasin où l’étrange sens de la morale interdit de vendre un dvd ou un livre où madame est légèrement vêtue en couverture mais où écrire « Happy Birthday Adolf Hitler » sur un gâteau d’anniversaire est tout à fait acceptable.

Ce magasin vend de la morale par l’obscène. Un grand magasin qui vend du rien quoi.

Ce magasin en est devenu le plus riche au monde à vendre ses petits riens. Le royaume du cheap au sens propre comme au sens figuré. Profitant du fait que la jeune fille aux retours essayait de comprendre son propre système de retour visiblement compliqué et confus j’ai pu étudier les autres employés qui grapinnaient autour. Ça sentait le cheap là aussi. Je me souviens avoir un jour travaillé dans un magasin de détail où je devais porter un pantalon chic. Dans ce magasin à grande surface semblerait que la consigne eût été de porter un pantalon de jogging noir. Les hommes (rares) en forterelle et les femmes, jeunes comme plus âgées, en jogging. Une en collant tellement moulant que le moule de ses fesses laissait entrevoir clairement le tracé de son string est passée devant nous. Elle n’étais pas particulièrement jolie mais plutôt bien outillée. Elle a bien réveillé les mâles qui s’endormaient dans la ligne des retours.
Une « associée en chef » affublée du prénom de « Reine » est venue sauver les meubles pour la jeune caissière confuse .Elle s’est pointée avec l’attitude de la matronne excédée C’est important de faire de l’attitude quand on vend de la morale. Question de bien montrer aux jeunes que la douleur du piercing dans la langue n’est rien comparé aux planchers de bois lavés à genoux par Reine au même âge. Reine est venue libérer l’ado-caissière de sa souffrance. Ce doit être à ça que servent les reines de toute façon non ? Sinon à quoi ça sert ?
« marci de vot’ commerce, re’enez nous wère » a-t-elle dit sans passion ni sourire.
Les femmes aux prénoms d’adjectifs ont toutes du complément assez direct. Elle a bien fait ça, sa seule intervention valait le 6 dollars 50 qu’elle aura pour son heure de boulot.

Une splendide jeune fille ressemblant beaucoup à Rebecca Makonnen s’est occupé de moi car la ligne avait eut le temps d’enfler et la situation devenait tendue. Surtout pour les deux ainés devant moi dont le plus vieux menaçait sa femme de la laisser dormir sur la galerie si « elle continuait à être indépendante de même ». Toujours un peu triste de savoir qu’une moitié de couple doit se « laisser » donner des permissions par son autre moitié. Encore plus désolant de penser qu’être « indépendant » est un défaut. Faudra me l’expliquer ça un jour je ne le comprendrai jamais je ne le crains. Etre indépendant est l’une des choses que j’essaie d’enseigner à mes enfants le plus tôt possible.

« raison du retour ? » a sifflé la sosie de Rebecca entre ses dents
« C’étais pas ça. On m’avait dit Littlest Pet Shop et j’ai acheté Crazy Pets » ai-je répondu un peu gêné de dire le mot « pet » deux fois devant une si jolie jeune fille.
Elle m’a lancé un long regard de serpent qui était surement du mépris mais que mon imagination a jugé sexy. Je me suis même passé la main dans les cheveux pour rehausser ma côte de playboy. Elle m’a remis mon 33 dollars et j’ai claqué ma langue dans mon palais comme un cheval aurait donné du sabot. Elle m’a regardé avec les mêmes yeux de serpents mais probablement plus méprisant encore. J’ai choisis d’y voir encore du sexy et lui ai sourit.

Ça c’étais tout juste avant de collisionner avec une femme d’au moins 350 livres qui retournait son disque de Michaël. Avec cette légère commotion j’ai attiré l’attention de la madame qui est placée à la porte pour surveiller si on a volé quelque chose. Comme je plaçais mon 30 dollars dans la poche arrière de mon jean les mains vides de produits du magasin j’ai tout de suite vu que j’éveillais ses soupçons. De ses 4 pieds 6 pouces et derrière ses lunettes triple foyer la petite dame aux cheveux courts semblait avoir trouvé un cambrioleur. J’ai donc choisi de porter le chapeau qu’elle me présentais et de lui faire mériter son 6 piasses et demie elle aussi.
J’ai regardé à gauche et à droite et j’ai accéléré le pas. La naine m’a suivi. Rendu au grand froid j’ai même emprunté le trot. Cherchant une poubelle pour y jeter mon sac vide identifié au magasin je balançais forcément ma tête de tout côté et mon regard tout partout. Ce qui confirmait que je cherchais à voir si j’avais été repéré dans un vol plus qu’imaginaire pour celle qui me suivait. J’ai vu dans les yeux de celle qui avait probablement été recalée injustement à l’école de police qu’elle me dévisageait convaincue de mes pêchés inexistants. J’ai donc choisi de courir comme un forcené jusqu’à ma voiture. J’ai entendu « eille ! » derrière moi et bien que j’ai zigzagué au travers des voitures c’est un homme qui m’a rattrapé à ma voiture non pas sans glisser au sol en dérapant presque sous ma voiture. L’homme (un simple client) m’a pris le bras.

« Ça va ? » lui ai-je demandé
« Koss-tu fait là ? » m’a-t-il dit plein d’orgueil.
« M’en va chez nous pourkesséfaire ? »
La naine nous ayant rattrapé :
« Pourquoi tu te sauves ? »
« Me sauve pas j’ai frette ! qu’est-ce que vous voulez au juste ? »
« on peut tu juste te fouiller ? »
« « On ? » vous faites équipe ? »

La femme m’a fouillé, j’ai fermé les yeux et fantasmé sur Rebecca Makonnen.
Elle a trouvé mon portefeuille, une vis de casque de hockey , le sac de leur magasin vide et mes clés. Elle s’est excusée, le monsieur aussi.
J’ai joué le monsieur excédé. C’est important de faire de l’attitude quand on vend de la morale. Cette fois c’est moi qui vendais la maxime « on ne juge pas un livre par sa couvertutre ».

J’ai aimé mon sprint.
Le monsieur m’a paru gêné de ne pas s’être mêlé de ses affaires.
Elle a paru se sentir cheap.
Normal elle y travaille au royaume.
Elle a mérité son six piasses et demi pareil.

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