mercredi 7 janvier 2009

Parfums d'affronts


Bien bloqué dans le traffic j’ai sacré.

Bien tapi dans son abri Ahmed a prié.

J’ai eu le temps de choisir plusieurs morceaux de musique différents sur mon Ipod. Morceaux que j’ai chanté en me cachant un peu la bouche des regards des voitures voisines.

Ahmed s’est caché dans un local qui avait toutes les apparences d’un placard de concierge. Il a laissé la porte ouverte. Il a peut-être pleuré ne s’en souviens plus.

J’ai trouvé dans mon sac de job un chocolat au Bayley’s qui avait fondu non seulement se libérant de son contenu liquide mais cochonnant aussi la manette de Gamecube (aussi applicable sur la Wii) de mon fils. J’ai encore sacré.

Ahmed avait gardé dans sa main un caillou. Il ne se rappelait plus comment ce caillou s’étais trouvé dans sa main. Étais-ce quand les soldats Israéliens lui couraient après ? Étais un restant de sa maison quand elle avait explosée sous ses yeux ? Il regardait son caillou maintenant comme si il pensait y trouver le regard de son fils de 10 ans dont il avait perdu la trace depuis deux jours. Ahmed a encore prié.

J’ai pris mon cellulaire et j’ai appelé ma douce pour lui dire que je ne pourrais pas prendre les kids à l’école car je serai pris dans le sale traffic sale. J’ai doublement sacré quand un agent de police m’a servi une contravention pour usage d’un cellulaire normal au volant.

Ahmed s’est bien dit qu’il devrait retourner dans les rues à la recherche de son fils mais s’en est trouvé incapable. Il avait trop frais à sa mémoire cet épisode où un soldat Israélien l’avait forcé à s’agenouiller et à pleurer comme une fillette afin de choisir sa mort. Une explosion toute proche l’avait déstabilisé et Ahmed en avait profité pour prendre la poudre d’escampette. Il avait doublement prié dans sa fuite

J’ai erré du regard un long moment sur un air du premier album d’Arcade Fire avant de réaliser que ce qui nous ralentissais tous étais deux grattes prêtes bien avant la tempête annoncée pour le lendemain. La ville a perdu ses repères ai-je pensé.

Ahmed avait une mauvaise vue d’emblée et ses yeux se remplissaient d’eau non pas par tristesse (quoique quelque fois si) mais par fatigue. Il voyait tout embrouillé très régulièrement. Et c’est comme dans un mirage et au son d’un air chanté par un vieux sage (ou étais-ce un enfant ?) dans un corridor plus loin qu’il découvrit sa femme soudainement devant lui au bout du corridor qui menait au gymnase. Ses yeux furent immédiatement remplis d’eau par fatigue et par bonheur (ou étais-ce de la tristesse ?). Ahmed retrouvait ses repères.
.

J’ai récupéré ma fille et mon fils à l’école vers 6 heures moins 5. La première sans sa montre récemment reçue à Noël car elle (semble-t-il je ne le savais pas) fais de la musique qui dérange tout le monde, son professeur la lui a confisqué. Le second a été cueilli au bureau du directeur car il avait enfreint une loi : il avait escaladé une butte de neige interdite. J’étais dans tout mes états. « vous allez punir les enfants à la conquête de leurs Hymalayas personels? Zallez les castrer longtemps nos petits garçons ? » ai-je raillé.

« Tu sais où est notre fils ? » a demandé Ahmed à sa femme.
« Il sait que nous sommes à l’école nous nous étions entendu là-dessus en cas de problème » a-t-elle répondu.
« tu va bien ? » a-t-il demandé
« J’irai bien quand nous aurons retrouvé notre fils » a-t-elle répondu.
Ils se sont fondus l’un sur l’autre tout en caresses dans un geste tout à fait naturel, comme deux chats amoureux. Ils se sont dévêtus et on fait l’amour sur le sol. Comme si ils s’étaient entendu dans le silence qu’en cas de disparition de leur fils ils pourraient peut-être s’en tricoter un autre. Elle ne l’a pas dit mais secrêtement elle s’est souhaité une fille.

Rendu chez moi j’ai glissé sur une plaque de glace et me suis cassé la gueule. J’avais les bras pleins de salopettes, de sacs d’écoles, de boites à lunch à moitié pleine, de ma nouvelle poche de hockey, de mes deux hockey de mon sac de job, de mon Ipod, de mes clés. Splaf ! à plat ventre tel une pieuvre sur la table de la cuisine.

Un bruit sourd a fait cesser la cadence érotique d’Ahmed et de sa femme. 4 Secondes suivant le bruit sourd ont suffit avant que l’école n’explose et ne soit réduite en poussière. Ahmed a tout juste eu le temps de voir la vingtaine d’enfants qui les regardaient faire l’amour du gymnase avant que leur vie ne s’éteignent dans le bruit et la fureur.

J’ai sali l’entrée avec mes bottes, les enfants encore plus. On se l’est tous fait reprocher par la belle à son retour. Demain faudra pelleter. On s’est tous parlé très fort.

Quelle vie de merde.

C’est le silence autour de l’école de l’ONU à Gaza.

Quelle vie de merde.

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