vendredi 3 avril 2009

Chupu d'dans


C’est quelque chose que la nature de mon travail me force à dire bien souvent.

Comme nous partageons quelques fois des fichiers excel il arrive à des collègues de ne pas pouvoir entrer dans le dit fichier parce qu’il est ouvert sur mon ordi et sur celui d’un autre et que seuls deux usagers peuvent partager en même temps. Une fois sorti du fichier un « chupu d’dans » se fait entendre et Jobine peut aller gosser dans le fichier Excel.

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Il y a trois ans dans ma grosse compagnie de 400 têtes, on avait choisi pour le souper/party de Noël de faire un « concours de talent » de type Du Talent à Revendre. 6 employés s’étaient portés volontaires afin de faire des numéros sur lesquels nous serions appelés à voter plus tard dans la soirée. Un voyage d’une semaine n’importe où dans le monde était en jeu pour le gagnant/la gagnante. Trois « juges » (des employés) triés pour leur humour et leur sens de la répartie prenaient place et faisaient les clowns comme les vrais juges de Du Talent à Revendre le font.

Un gars d’informatique avait fait un numéro de batterie de type jazz expérimental qui avait désorienté tout le monde dans le temps de le dire. Quand ils nous a dit d’applaudir, nous apprenant du coup que son numéro était fini, nous avons mollement applaudi. Rarement d’ailleurs je n’ai senti aussi peu d’enthousiasme dans les applaudissements de 399 pairs de mains que dans cette compagnie mais ça se sera le sujet d’une autre chronique. Un gars avait choisi de faire un numéro de jonglerie tout en faisant un striptease. Ça avait été catastrophique, les balles roulaient partout, le gars a eu l’air fou en bobettes et en bas noir avec sa cravate à 4 pattes à courir ses balles tout le temps. Humilié, il a démissionné un mois plus tard. Une agace-pissette avait choisie de chanter These Boots are made for walking de Nancy Sinatra avec une micro jupe, un t-shirt transparent et des bottes cuissardes se gagnant tous les votes masculins et s’aliénant toutes les filles du building. Elles lui ont d’ailleurs fait payer le prix en la relocalisant jalousement de l’accueil à un autre département isolée de tous dans le building. Une autre fille avait fait un numéro de cheerleader faisant monter le niveau de testostérone d’encore 30 degrés. Le gagnant avait été un gars qui avait fabriqué un costume mi-Kenny Rogers et mi-Dolly Parton tout en chantant une chanson en duo des deux interprètes en jouant les deux personnages.

Long préambule pour vous parler de ce candidat qui, à lui seul, résumait toute l’attitude de l’entreprise vis-à-vis leurs employés. Bien souvent les francophones.

Afin de souligner le 45% franco de l’entreprise on avait demandé à cet informaticien/chansonnier plutôt timide de chanter une chanson en français. Comme il s’était présenté pour faire une imitation de Bob Dylan (excellente d’ailleurs) auquel il ressemble vaguement il était plutôt pris de court afin de jouer une chanson en français, ce qu’il ne faisait apparemment presque jamais. Il s’était donc rabattu sur une chanson écrite par son frère et l’avait présentée ainsi. Après quelques mesures, l’auditoire était déjà ailleurs. Le son des conversations désintéressées du spectacle étaient rendu si fort qu’il enterrait la déchirante chanson elle-même. Ceci a inspiré la "Paula Abdul" des juges qui a coupé la chanson en plein élan. Refrain coupé dans un élan de passion soutenu et insoupçonnable chez cet informaticien taciturne. Il avait les deux yeux fermés et poussait la note avec une telle intensité que de voir cette fille arriver devant lui et lui dire poliment « ta gueule »(si ça se peut) l’avait fait sursauté. Elle avait bredouillée des infamies du genre « c’est de ma faute c’est moi qui voulait du français » ce que tout le monde a compris comme « maudit que c’est poche c’est moi la coupable » ce qui a dû faire beaucoup de bien au pauvre informaticien (et à son frère si il avait été témoin de tout ça).
On lui avait ensuite fait chanter le Bob Dylan qu’il avait souhaité faire quittant la scène sous un tonnerre d’applaudissements chaleureux. A la fois des applaudissements voulant racheter la pitié précédente, à la fois parce qu’il faisait un vrai bon Dylan.

Cette anecdote m’est revenue en mémoire récemment car elle traduit bien le traitement que l’on fait des employés dans ma grosse compagnie de jambon international.

Bon je ne dis pas qu’il faille traiter les poules comme des perruches, surtout si ce sont des canards mais déconstruire qui tu étais, te faire jouer quelqu’un d’autre puis te ramener à ce que tu étais ; travailller contre nature tout le temps ça use.

Ben voilà.
Chupu d’dans.
Chaque fois qu’un problème arrive, que la situation est critique, que l’on évoque l’avenir de l’entreprise, des cours en excel en juin? je m'ocupperai de cela aussi en juillet?
ça ne m’atteint plus du tout.
Parce que chu pu d’dans.
De l’eau sur le dos d’un canard.

The times they are-a-changin’

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