vendredi 17 avril 2009

Pisser dans la piscine


"Bon, êtes vous tristes les ti-gars ce matin?” de dire la moustache sur le ton d’une maman qui voudrait consoler son enfant.
“Pourkesséfaire qu’on serait triss?” de répondre mon voisin de bureau Schubert Yapalefeu, fier représentant de Shawinigan mais surtout le plus grand fan des canadiens au monde.
“ben vos Canadiens se sont fait rosser hier…”

Bon.
Il ne se sont pas fait rosser.
Une équipe qui a besoin de la moitié de ses buts en avantage numérique, de quelques arrêt clés de son gardien et d’un filet désert, n’a rossé absolument personne. Elle a gagné oui. Mais n’a certainement pas prouvé qu’elle ne peut pas perdre demain.

Je ne suis pas entré dans les détails de cet argumentaire car je savais que cet olibrius du département des finances ne s’intéresse pas vraiment au hockey. Ce qui l’intéresse toutefois c’est probablement de prendre toutes les frustrations de son adolescence accumulées au cours des années et tenter de les ramasser dans une motte de petit air baveux afin de narguer quiconque a réussi à se trouver une passion dans la vie. Passion qui ne ferait pas écho aux siennes. Passion qui viendrait perturber
son cubicule qui lui renvoie des colonnes de chiffres et lui rapelle sa vie beige.

Au bureau, il y a tout plein de gens comme ça qui, par haine de la passion des autres, semble se faire une jouissance de prendre soudainement pour les Bruins ces temps-ci.
“Tu prends pour Boston Tanya?”
“Non mais j’hais trop les canadiens”
“Pourquoi t’hais les Canadiens?”
“J’ai toujours haï les canadiens”
J’ai arrêtté ma conversation là parce que quand même relativement distrait par son t-shirt moulant des Bruins qui me donnait une impressionnante vision de ses seins parfaits prêt à exploser semble-t-il.

Mais ce n’étais quand même pas une réponse. “parce que le hockey gâche mes samedi avec mon chum” aurait été mature mais “parce que je les ai toujours haï”?
Alors ce faux sentiment d’appartenance avec Boston dont elle ne connait aucun joueur (et dont elle ne connait pas la taille des t-shirts) se construit simplement sur la haine de l’autre? Ou plutôt sur la haine de l’amour qu’éprouve l’un pour l’autre?

Pour moi le canadien n’est pas une “passion” autant qu’on pu être les Nordiques à l’époque. J’étais né la même année qu’eux je les avait vus grandir, c’était ma ville, zétaient toujours les négligés, Peter, Anton, Dale, Goulet, Joe. Y avait de quoi à aimer.
Pour Schubert Yapalefeu les Canadiens c’est toute sa vie. Il a le CH tellement tatoué dans le coeur que des fois il faille le retenir pour qu’il ne se mette pas à pleurer en parlant des glorieux des années 70.
Et il est tombé dans le piège du gars des finances comme Brian Mulroney aurait accepté l’argent liquide d’un vaurien Allemand. Il s’est obstiné avec multiples gestes pour le plus grand plaisir de la beige moustache des finances qui rigolait autant que les cancres de la petite école secondaire devaient rire de son désaroi à lui quand il se faisait torturer à la récré.

“Hey Jack, you from Boston? What’s with the Bruins jersey?”
“no but I hate the Canadiens”
“Why?”
“Cause they suck”
“er…So if Montreal wins you’ll become a fan of whoever faces Montreal next right?”
“I’ll be happy only if Montreal is out”

Ah bon.
Ça doit être fabuleux d’être si antiquelquechose. Baser sa joie sur l’échec de l’autre. Il y a ombre de revanche jalouse là-dedans. De la jalousie de voir les autre jubiler là où on ne jubile pas soi-même.
C’est pas un peu la frustration du bande-mou face au bande-raide ça?
De l’envie d’être un fouille-merde assurément en tout cas.

Je n’aime pas le golf mais face à un golfeur passionné je n’applaudirais pas la pluie.

Mon beau-frère insistait quand, mon fils et moi regardions un match des séries entre les deux même clubs l’an dernier chez lui. Un match que Boston avait gagné. Un match où il jubilait tant à chaque but des Bruins qu’il poussait l’odieux jusqu’à faire une petite danse devant mon fils et moi qui le regardions perplexe.
Je crois qu’à la fin on lui a tiré une cacahuète.
Même si il se magasinait une claque.

Je déteste ma piscine à cause de l’entretien qu’elle oblige. Aussi parce que je me trouve trop gras et que j'en ai développé un complexe de me montrer en bedaine même devant mes proches.
Juste évoquer ma piscine me déprime assez intensément en général. Quand la compagnie qui la démarre m’a appellé l’autre jour pour fixer une date pour la partir je suis devenu sombre et légèrement découragé. J’étais incapable de trouver un bon moment car pour moi ce serait jamais. Ça m'a rappellé une saison qui ne me plait pas beaucoup et qui s'en vient.

Mais les enfants trippent avec la piscine, l’amoureuse aussi.

Je ne pisse pas dans la piscine pour les écoeurer.
Je lui tourne le dos c’est tout.
Et je suis capable de sourire quand ils s'amusent dedans.

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