vendredi 4 septembre 2009

Cravate


Le métier de journaliste est parfois merveilleux.

Voilà pourquoi je me suis présenté au journal local de mon village afin d'y appliquer pour un poste de journaliste jeudi la semaine dernière.

J'ai rencontré une femme toute vêtue de rouge. Elle avait des shorts qui ne rendaient franchement pas justice à ses grosses fesses. À en juger par l'étroitesse de sa camisole, elle avait la cinquantaine confiante. J'étais dans le faux pas vestimentaire moi-même par cette journée trop chaude. Veston, cravate, chemise neuve, pantalon à plis, souliers vernis, cheveux chromés. J'avais l'air de sortir d'un mariage. Beaucoup trop chic pour les pigistes en t-shirt du 450.

Je lui avais envoyé mon portefolio une semaine auparavant. Très rapidement je me suis rendu compte qu'elle n'en avait rien lu. Elle avait l'air plus nerveuse que moi je ne sais trop pourquoi. Ses questions étaient évasives, pas tellement claires et assez obtues. ("Quel angle prendrais tu pour détruire la carrière d'un politicien?")
J'ai répondu avec amplomb, beaucoup de tact, avec des connaisances qui quelques fois la déstabilisait (on dit bien "un" avion oui) et avec un professionalisme qui a semblé l'éblouir, voire l'intimider.

Elle a été séduite par mon passé télé, ciné, mon travail impeccable de recherchiste, mon prix du meilleur scénario 1998 au FFM, mon titre de planificateur financier, mes trophées de chasse dans le merveilleux monde de la coordination des affaires internationales et par mon lancer du revers de la ligne bleue. Mes connaissances culturelles l'ont tout simplement émerveillée.

"Dommage que Maurice aux arts et spectacles fassent parti des meubles, c'est même notre représentant syndical".

Elle m'a promis des nouvelles au plus tard jeudi prochain (hier). J'ai été charmeur jusqu'au bout en lui corrigeant un texte prévu pour la soirée même et en ajustant le titre Lever L'ancre d'Alfa Rococo (rebaptisée Lève-là par le twit des meubles et Spectacles). J'ai quitté confiant moi aussi (sans pour autant me mettre une camisole moulant mes seins)

En ce vendredi matin poisseux où les vidanges ont catapulté ma poubelle chez le troisième voisin, j'ai remarqué que le téléphone n'avait pas sonné depuis presque 7 jours. J'ai regardé si on avait eu des appels manqués mais seul le dentiste qui a appellé 14 fois pour tenter de mettre la main dans nos portefeuilles personne d'autre n'a appellé sans que l'on ne réponde.

J'ai donc moi-même relancé le journal.

"Bonjour madame Cornellier, Hunter Jones à l'appareil on s'est rencontré jeudi dernier au sujet d'un travail de journaliste dans vos bureaux vous m'aviez dit que je serais mis au courant de l'état de ma candidature au plus tard jeudi, hier, j'aimerais simplement savoir si j'ai la chance de faire parti de la famille de votre entreprise ou non?"

"er...je...slurp...euh..." a-t-elle marmonné.
(Avalait-t-elle un pied de céleri ma foi?)

"Je parle bien à Suzy Cornellier?..." ai-je demandé soudainement incertain de n'avoir pas signalé un numéro 1-976 par erreur.

"...Écoutez monsieur Jones, des beaux parleurs, des charmeurs, des beaux jeunes hommes comme vous, des fins limiers, des bandits à cravates on en veut pas! Désolée!"

Et elle a raccroché.

"Duh?..."

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