samedi 22 mai 2010

Lewis, John & Drella


Les hommages, lorsque sentis, bien fait et hors des mains de la famille TVA, sont souvent touchants.

C'est le but de l'entreprise en général.

C'est le propre de l'artiste bien souvent aussi.
Émouvoir.

J'avais oublié à quel point l'album concept Songs for Drella est un merveilleux témoignage d'amour de la part de Lou Reed et de John Cale qui doivent toute leur carrière à Andy Warhol.

Lou, guitariste et chanteur du groupe Velvet Underground, John Cale, bassiste, altiste, pianiste, violoniste aussi membre du groupe mythique sont repérés au Café Bizarre en 1965 par Brigid Polk, une cinéaste marginale qui fréquente l'atelier d'Andy Warhol, qui vient de lâcher le dessin publicitaire pour devenir peintre. Warhol, homosexuel timide et introverti, connaît alors une grande notoriété avec ses toiles et cherche à se diversifier. Il se rend au Café Bizarre et, avec son associé cinéaste et homme d'affaires Paul Morrissey, décide de devenir le manager du Velvet Underground, qui, fin décembre 1965 , vient répéter dans son atelier, la Factory. Le local est fréquenté par les artistes et les marginaux de l'époque. Warhol leur impose de prendre la chanteuse Nico, un mannequin allemand qui, après quelques films (entre autres son propre rôle dans La Dolce Vita de Fellini), un enregistrement avec Serge Gainsbourg en 1962 (Strip-Tease) et un disque produit par le producteur des Rolling Stones Andrew Oldham (I'm Not Saying, 1965), a rejoint la Cour des Miracles de la Factory.

L'album à la banane de Velvet Underground sort en mars 1967. La pochette est une œuvre originale de Warhol qui allait devenir culte. Elle est composée d'une banane autocollante à côté de laquelle est écrit « Peel Slowly and See » (« Peler lentement pour voir »). Sous l'autocollant, on découvre une banane rose, d'apparence phallique. Une rumeur infondée va même jusqu'à affirmer que la colle de l'auto-collant serait mélangée à du LSD.

Contrairement à ce qui est souvent affirmé, les ventes de l'album sont dans un premier temps plutôt bonnes. Mais le disque est rapidement retiré de la circulation en raison d'un différend juridique entre la maison de disque et un collaborateur de Warhol. Quand le disque est finalement de retour dans les bacs, le public l'a oublié, et les ventes ne suivent pas.

Par la suite, le Velvet durcit le ton. Alors que le premier album explorait le territoire d'une musique malsaine, vénéneuse, mais clairement pop, en concert, le groupe joue fort (il est même commandité par les amplis Vox) et se lance dans des expérimentations parfois très ardues. Le deuxième album, White Light/White Heat est à l'image de leurs performances live : brut de décoffrage, rêche, difficile, et volontairement « antibeauté » comme dira John Cale.

Le groupe s'est alors éloigné de Warhol et de sa muse Nico qui ne fait plus partie du band. Le Velvet est désormais indépendant. Il s'est même attaché les services d'un nouveau manager Steve Sesnick mais continue de traîner un temps avec les habitués de la Factory, dont Warhol qui leur prête toujours domicile.

L'album sort en janvier 1968, et à nouveau ne se vend pas très bien. Dans ce contexte difficile, les tensions entre Reed et Cale (deux personnalités au caractère notoirement difficile) s'accentuent. Lou Reed, plus soucieux de reconnaissance commerciale que d'expérimentations extrêmes met Cale à la porte et le remplace.

Cale et Reed travaillent ensemble en 1972 pour une tournée Européènne des membres du Velvet Underground original, (le groupe a subi plusieurs mouvements de personnel en 1970 et 1971) mais de 1972 à 1989 ils ne collaborent pas ensemble, ni même ne se parlent.

Cale mais surtout Reed font de belles carrières solo par la suite.

Le premier obtenant un relatif succès critique et composant des musiques de film tout en produisant des artistes très divers tels Nico, les Stooges, Patti Smith, The Modern Lovers ou encore Alan Stivell.

Reed qui porte l'héritage majeur du groupe, a poursuivi une carrière solo jusqu'à aujourd'hui, avec des chansons comme Walk on the Wild Side, Perfect Day ou Dirty Boulevard.

Quand Andy Warhol meurt de complications suite à une opération pour la vessie en 1987, Reed et Cale ont tous deux le réflexe de composer quelques morceaux pour leur ancien mentor, leur parrain, leur mamelle, celui qui les as sortis de la noirceur et leur a donné leur première chance.

5 morceaux viennent de Cale et 10 de Reed. Toutes racontent Andy Warhol tel qu'ils l'ont connus, tel qu'ils en ont été marqués.

L'album constitue la première collaboration de Lou Reed et John Cale depuis 1972. Il retrace, de manière romancée la vie d'Andy Warhol parfois à la première personne, parfois à la troisième personne en insistant sur les relations interpersonnelles et les sentiments que Lou Reed et John Cale pouvaient ressentir pour Warhol.

Songs for Drella que ce bijou s'appelle.

Drella est un surnom attribué à Warhol par une ancienne superstar de sa Factory, Ondine. Ce surnom, Warhol le détestait. C'est un croisé de "Dracula" et de "Cinderella".

Les mélodies, les mots, la livraison des textes, la teneur des propos, tantôt candide, tantôt amers, tantôt rageurs, toujours touchants.

C'est un des plus bel hommage musical et intime que j'ai entendu dans ma vie.

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