jeudi 20 mai 2010

Monsieur Bovary


Fabien croyait ne pas connaître l'ennui.

Il avait marié Belinda en 1985, séduit par son sourire et sa peau fraîche. Son petit air de fille espiègle avait séduit le jeune rocker qu'il était.

Il avait 22 ans, elle 19. Très vite ils avaient convenus qu'ils ne voulaient pas d'enfants. En fait, lui en aurait peut-être voulu mais elle était catégorique. Sa mère en avait eu 12 et elle, la petite dernière, n'avait jamais une grande ambition maternelle ayant vu sa mère débordée toute sa vie.

Fabien s'était alors résigné sans trop d'efforts en se disant qu'en revanche ils s'offriraient une vie excitante pleine d'aventures.

Elle lui avait bien dit en début de relation qu'elle était sportive alors Fabien l'avait embarquée dans les randonnées pédestres et les activités sportives en plein air mais bien vite il avait bien vu qu'elle avait dit cela pour lui plaire. Elle ne suivait pas, se plaignait beaucoup et ça semblait difficile de suivre la cadence. Fabien avait la nette impression qu'il lui en imposait tout le temps.

Pas grave. Pas encore en tout cas.

Puis il s'aperçut avec les années qu'elle n'avait pas souvent envie d'aller au cinéma, pas plus qu'elle ne souhaitait aller au restaurant. Casanière au maximum. "Petit oiseau dans son nid d'amour" disait-elle.

Les week-ends étaient surtout concentrés sur les programmes télés. Pantoufle de phentex et gâteries sucrées. Elle avait commencé à prendre un peu de poids. Fabien aussi. Passé la trentaine c'est inévitable pratiquement tout le monde devient difforme.

Quand Fabien pris un package de retraite hâtive à 47 ans de son poste au gouvernement, il avait plein de projets à réaliser. Il était jeune il voulait le prouver. Faire du kayak, une croisière peut-être, au moins essayer le rafting. Mais Belinda, qui travaillait toujours à la bibliothèque du quartier n'était pas si emballée par les projets de retraite de Fabien. Elle aimait son train train quotidien, ses rendez-vous ponctuels chez le massothérapeute. Ses sessions de bronzage occasionnels coûtaient aussi moins cher qu'un voyage à Cuba.

Fabien s'en trouvait passablement découragé.

Étouffé par un ennui dont il ne se pensait jamais être en mesure de devenir la victime un jour, Fabien s'est mis à flirter au gym avec Graziella. Elle-même en couple aussi. Il a commencé une relation on-the-side. Mais la situation restait la même. Les projets qu'il avait restaient sur la glace tant et aussi longtemps que cette liaison restait secrète.

Il était devenu Madame Bovary, sans enfants toutefois.

Il se décida à quitter Belinda. Le jour où il lui annonça, elle le prit par surprise en prenant tout ça à la légère. Elle lui indiqua que ce n'était pas grave car elle avait une liaison avec Julien des archives de la bibliothèque depuis 15 ans. Fabien était-il assez bête pou ne jamais remarquer qu,elle ne revenait jamais de ses sessions de bronzage....bronzée? La raison majeure pour laquelle elle ne voulait pas partir en voyage avec lui était qu'elle le trouvait plutôt plate. Ça ne lui rappellerais que le plaisir potentiel qu'elle aurait eu à faire le même voyage avec Julien. Il pouvait quitter leur relation sans heurts.

Fabien, qui avait eu peur de la blesser, s'étonna de lui-même se sentir terriblement abattu.

Quand il est revenu vers Graziella, celle-ci lui avoua qu'elle préférait rester avec son homme. Elle retrouvait beaucoup d'affection pour son chum ces derniers temps et voulait poursuivre son union sans tricher. Puisqu'elle le trompait avec Fabien, la présence de Fabien lui devenait soudainement hostile. Elle souhaita cesser tout ça.

Fabien compris une chose.

Il était bien un Bovary mais pas Emma.

Il était Charles Bovary.

Le moche cocu ennuyeux.

Aucun commentaire: