mardi 5 octobre 2010

La Crise D'Octobre 1970

Le 5 octobre 1970, le diplomate britannique James Cross est enlevé à son domicile par des gens du Front de Libération du Québec qui disent être membre de la "Cellule Libération". Jacques Lanctôt, Jacques Cossette-Trudel, Marc Carbonneau, Yves Langlois, Nigel Hamer et Louise Lanctôt représentent cette cellule.

Trois heures plus tard, le FLQ rendent publique une rançon qui a exigé entre autre la publication du Manifeste du FLQ, la libération de 23 prisonniers politiques, un avion qui les amenait à Cuba ou à l'Algérie, et 500 000$. Pierre Eliott Trudeau, Premier Ministre du Canada, avec le coopération de Robert Bourassa,  Premier ministre du Québec, décident d'obtenir la libération de Cross en rencontrant les concessions minimales exigées.

Le Manifeste est lu sur les chaînes de radio et de télévision de Radio-Canada.

Après la lecture, le Front révoque sa menace d'exécuter Cross, mais exige toujours la libération des prisonniers politiques comme la seule condition pour libérer l'otage. Quand le gouvernement refuse cette condition, quatres autres Felquistes passent à l'action.
Le samedi 10 octobre à 18h18, Pierre Laporte est enlevé devant sa résidence de St-Lambert par des membres de la "Cellule Chenier", les frères Paul et Jacques Rose, Françis Simard et Bernard Lortie. Les gens devront assurément prendre le FLQ au sérieux. Paul Rose et Jacques Lanctôt sont les leaders des deux cellules

Pierre laporte écrira à Robert Bourrassa "...Tu as le pouvoir en somme de décider de ma vie..."

La police a tout de suite les dix noms des ravisseurs mais le directeur de l'escouade anti-terroriste demande à ce que ses dix noms soient effacés des listes de felquistes quand la loi sur les mesure de guerre sera appliquée plus tard. Tout ça afin de ne pas altérer les filatures déjà en cours. Le 13 octobre, la police prend Paul Rose en filature mais perd sa trace à deux reprises. Une fois qu'il se sent repéré, Rose monte à bord d'un autobus, puis redescend. Deux policiers undercover font de même. Les trois personnages marchent sur la rue mais les policiers ne l'arrêtent pas, croyant que Rose allait les mener tout droit au lieu de séquestration de M. Laporte. C'est alors qu'il se rend sur la Rive-Sud, au 1191, rue Saint-Alexandre, à ville Jacques-Cartier, chez Fernand Venne, un militant du R.I.N. Le soir, Paul décide de partir et se dit qu'il faille qu'il mette toutes les chances de son côté, en essayant de ne pas se faire reconnaître. Il modifie l'apparence extérieure de ses joues et de son menton, à l'aide d'une broche repliée placée dans sa bouche. Il prend ensuite une brique et s'en donne de solides coups sur les arcades sourcilières et le nez. En quelques minutes, son visage est tout boursouflé. Vers 20h, la voiture de M. Venne quitte le domicile de la rue St-Alexandre, avec Rose, déguisé à bord. Un policier s'y approche, mais ne procéde pas à l'identification formelle de ses passagers, et retourne à son poste d'observation. Quelques minutes plus tard, Paul Rose se retrouve seul, sans policiers derrière lui. Il se rendit ensuite chez Louise Verreault, au 6685, rue Saint-Denis et ne retournera plus sur la rue Armstrong, où se trouve l'otage Laporte. Le 14 octobre, la police passe plusieurs fois devant une maison de la rue Armstrong. Plusieurs policiers sortent de leur voiture, en courant, pour effectuer une descente, sans grand succès. Il s'avérera plus tard que les voisins d'en face étaient les membres de la cellule Chénier en compagnie de leur otage. C'était cette maison là qu'il fallait envahir. C'est tant le chaos de toute façon que la communication entre la police et le gouvernement est mauvaise, voire inexistante .

Les gouvernements à Ottawa et à Québec s'affolent à un tel point que Bourassa et ses Libéraux se sont réfugiés à l'hôtel Queen Elizabeth à Montréal sous garde armée. Ensemble, Bourassa, le maire de Montréal, Jean Drapeau, et le chef de la police de Montréal envoient des lettres à Trudeau en demandant au premier ministre du Canada d'invoquer la loi sur les mesures de guerre.

Le 13 octobre, avant l'invocation de l'Acte, Trudeau démontre toute son arrogance.

Une pétition publique et une conférence de presse de 16 «éminentes personnalités», dont Claude Ryan et René Lévesque, est organisée le 14 octobre 1970. Ils omettent de sommer le FLQ de relâcher les otages James Cross et Pierre Laporte et préconisent la négociation d'un échange des deux otages contre des prisonniers politiques.  Ottawa et Québec sont contre cette idée. Les supposés "prisonniers politiques" sont en fait de simples criminels.
Négociateur pour le FLQ, Robert Lemieux fait référence à la pétition et se base sur elle, le 15 octobre, pour rompre les négociations et refuser l'offre gouvernementale qui autorisait les ravisseurs à se réfugier à Cuba ou en Algérie en retour de la libération de leurs otages.

Le 16 octobre,  la  loi sur les mesures de guerre suspend les droits civils pour «la sécurité, la défense, la paix, l'ordre et le bien-être du Canada.». Elle donne à la police le pouvoir d'appréhender et de chercher les personnes sans justification et de retenir les citoyens/citoyennes pour 90 jours sans donner de raison valable.

Le monde animal prend le dessus à partir d'ici, on fonctionne à l'instinct.

Aux petites heures du matin 242 personnes sont arêtées dès la première journée. 457 arrestations de citoyens seront faites dans les jours qui suivent l'application de la loi. Des gens considérés suspects parce qu'indépendantistes. Des chanteurs (Pauline Julien) , poètes (Gérald Godin, Gaston Miron), écrivains (Michel Garneau), journalistes (Denise Boucher), syndicalistes, militants (Andrée Ferretti), des amis du FLQ (Ronald Labelle, Gaetan Dostie, Christiana Kristiansen), tout soupçon peut prendre une ampleur aussi démesurée que ce tank dans les rues de Montréal. Des cheveux trop long ou une attitude de résistance face aux soldats qui envahissent les rues peuvent être suffisants pour se faire arrêter.
L’armée canadienne occupe le Québec. Malgré la sévérité de la loi et les innombrables impairs commis sur des innocents, un sondage montre que 87% de Canadiens approuvent l'utilisation de la loi, un nombre sans précédent pour un sondage d'opinion. Chez les Canadiens-français, les résultats révèlent un taux d'approbation de 86%, de désapprobation de 9% et d'indécision de 5%.

 Le gouvernement est forcé d'instituer un organisme par lequel les personnes injustement arrêtées ou traitées pourraient se voir allouer, à la discrétion du protecteur du citoyen du Québec et sans intervention gouvernementale, jusqu'à 30 000$ chacune.

Les deux groupes de kidnappeurs, si ils se sont relayés des informations par l'entremetteur Nigel Hamer pendant un temps ne se parlent plus depuis quelques jours. Ceci inquiète hautement les ravisseurs de Pierre Laporte, d'autant plus que ce dernier se dit malade et prétend qu'il devrait avoir des soins médicamentaux. Il est décidé que l'otage devrait être déplacé de cache. Pendant que leur leader, Paul Rose est à la recherche des membres de la cellule Libération, Jacques Rose et Françis Simard ont pour mission de déplacer l'otage en le plaçant dans le coffre d'une voiture. Laporte tente une ultime fuite et se coupe en essayant de se sauver par la fenêtre. Les deux membres placent un oreiller dans le coffre de la voiture pour son confort. Au moment d'entrer dans le coffre, Laporte tente de fuir à nouveau et Simard saisit la chainette qu'il porte au cou pour le retenir. Il le fait si fort (contre les efforts tout aussi intenses de Laporte de fuir par en avant) qu'il étrangle mortellement le ministre.

La panique est totale, la voiture est abandonnée près de l'aéroport de St-Hubert avec le cadavre de Pierre Laporte dans le coffre à moitié ouvert.

Le FLQ, par bravade, émet un communiqué qui prétend qu'ils ont dû procéder à "l'éxécution" de Pierre Laporte. Le gouvernement recupère le mensonge de l'exécution, récupération qui faisait autant leur affaire que l'affaire des terroristes.

Bernard Lortie, le plus jeune du groupe à 19 ans, est arrêté grâce à une perquisition de routine ayant lieu dans un appartement du chemin Queen-Mary, le 6 novembre. De ce même appartement et à l'insu des policiers, les trois autres ont réussis à prendre la fuite.

James Richard Cross est libéré le 3 décembre en échange d’un exil forcé vers Cuba (puis vers la France) pour ses ravisseurs.

Jacques et Paul Rose ainsi que Françis Simard sont découverts et arrêtés sous le faux plancher d'une maison de Saint-Luc le 28 décembre.

Ils plaident tous "responsables" à l'accusation "coupable ou non coupable" de la mort de Pierre Laporte.
Paul Rose, bien qu'il n'était pas sur les lieux lors du crime, prend la paternité du meurtre en compagnie de Françis Simard et de Bernard Lortie. Ils écopent tous trois de la prison à vie. Jacques Rose est condamné à 8 ans de prison. Ils furent tous libérés 7 ans plus tard.

Afin de noyer les résurgencs potentielles du FLQ,  la Gendarmerie Royale du Canada sera elle-même criminelle dans les années à venir .

À leur retour au Québec en 1978, Jacques Cossette-Trudel et Louise Lanctôt plaident coupables de l'enlèvement de James Cross et font deux ans de prison.
En 1979, Jacques Lanctôt fait de même et fait aussi deux ans.
Marc Carbonneau écope de 20 mois de prison.
Yves Langlois fît 10 mois au cachot.
Nigel Barry Hamer écope de 12 mois qu'il transformera en travail communautaire.

La Crise d'octobre a été un important épisode séparatiste, nationaliste et anarchiste dans l'histoire du Québec et du Canada. Il ne s'est pas exprimé de sympathie ni de soutien spontané à l'endroit du FLQ, comme cela s'était produit lors des émeutes de la grève d'Asbestos en 1948-1949 par exemple. Les felquistes n'avaient aucun projet de gouvernement démocratique. Bien au contraire, ils s'opposaient plutôt aux gouvernements démocratiquement élus du Québec et du Canada. Ils n'avaient pas élaboré de charte des droits sociaux.

Ils auront causé un tort irréparable au mouvement souverainiste et jeté une ombre permanente dans plusieurs familles.

Il s'agit d'un triste épisode dans l'histoire du Québec qui a commencé aujourd'hui, il y a 40 ans.

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