mercredi 3 novembre 2010

Harry Kurt Victor Mulisch (1927-2010)

Willem Frederik Hermans était l'existentaliste. Il est décédé en 1995.

Gerard Reve était l'érotique spirituel. Il est décédé en 2006.
Harry Mulisch était la deuxième guerre mondiale. Du moins c'est ainsi qu'il se décrivait.

La troisième composante du "Great Three" des auteurs Néerlandais depuis la seconde guerre mondiale, Harry Mulisch, est décédée samedi dernier à l'âge de 83 ans.

Après la première grande guerre, le père de Mulisch, Austro-Hongrois, a émigré aux Pays-Bas. Quand les Nazis occupent la Hollande durant la seconde grande guerre, Harry n'a alors qu'à peine 12 ans. Son père sauve la vie de la mère d'Harry, juive, en se dénichant un emploi dans une grande banque allemande qui confisque les intérêts Juifs et lui évite ainsi la déportation dans les camps d'extermination. Toutefois, puisqu'il collabore avec l'ennemi, le père d'Harry se méritera trois ans de prison à la fin de la guerre. Harry n'est jamais en contact avec son père et les Nazis s'étaient bien occupé de le garder loin de sa mère juive. Si bien que c'est une nourrice qui l'élève en majeure partie. Quand les Pays-Bas sont libérés par les alliés Harry a 17 ans. Il passe donc de l'enfance à l'âge adulte en pleine guerre.
Il est si marqué intensémment par la guerre qu'il s'en réclamera la seule et unique voix de la littérature Néerlandaise.

Il termine des études interrompues par la guerre sur le tard comme tous les jeunes nés autour de 1925 et 1929.

À l'âge de 35 ans, il publie une première nouvelle, Archibald Strohalm  pour lequel il gagne aussitôt un prix littéraire. Il publiera une nouvelle, un essai ou une pièce ponctuellement à tous les ans jusqu'en 1961.  Son recueil de nouvelles Het Stenen Bruidsbed dans lequel est publié une nouvelle racontant l'histoire d'un pilote des États-Unis impliqué dans le bombardement de Dresden qui revient sur les lieux du drame des années plus tard lui gagne un public international. La guerre est bien entendu, partie intégrante de son moteur créateur.
Riche d'une réflexion historique, politique et philosophique d'une rare densité, son œuvre s'est imposée dès les années soixante sur l'échiquier littéraire néerlandais. Publié en 1961, De Zaak 40/61 n'appartient pas au registre de la fiction. Regroupant une série d'articles publiés dans le journal à l'occasion du procès Eichmann (l'architecte de l'holocauste) auquel Mulisch assiste à Jérusalem, le rapport de Mulisch offre un questionnement moral unique sur l'un des épisodes les plus sombres du XXe siècle.

Ce travail est si exhaustif et si lourd émotivement que Mulisch prendra 5 ans avant de publier à nouveau.

Bericht aan de Rattenkoning, un essai sur les révoltes étudiantes d'Amsterdam est publié en 1966. Très à gauche politiquement,  Mulisch publiera 4 essais avant les années 70. D'un ego de plus en plus démesuré et  toujours avec la même gravité, ce missionnaire de l'inquiétude revisite les mêmes cauchemars, les mêmes hantises des grands traumatismes du vingtième siècle (principalement la 2ème guerre mondiale).  Grand admirateur de Fidel Castro, il mélange les poltiques de gauche, les légendes urbaines, la mythologie Grecque et le mystiscisme Juif dans ses oeuvres. Dans les années 70 il publie surtout de la poésie. Sa nouvelle Twee Vrouwen est adaptée au cinéma avec Anthony Perkins et Bibi Andersson dans les rôles principaux. en 1979. De Aanslag est publié en 1982, sera tourné au cinéma trois ans plus tard et gagnera l'oscar du meilleur film étranger en 1987. L'histoire raconte la vie du seul survivant d'une vengeance nazie croyant à tort que sa famille a assassiné un collaborateur.

Devenu auteur culte en Hollande, il devient aussi l'auteur des Pays-Bas le plus traduit au monde.

Il publie un recueil d'histoires puis trois autres nouvelles avant de publier De Ontdekking van de Hemel en 1992. Best-seller aux Pays-Bas, ce roman éblouissant renoue avec les vieilles interrogations faustiennes en racontant pourquoi, au terme d'un siècle voué à la barbarie, Dieu décide soudain de rompre son alliance avec une humanité qui s'escrime à le renier. Le livre sera adapté en 2001 au cinéma par Jeroen Krabbé.

Il reçoit le Prijs der Nederlandse Letteren, la plus grande distinction littéraire germanique, en 1995.

En 2001, il publie sa dernière nouvelle, Siegfried.

Une sorte d'ambassadeur d'Amsterdam dont l'oeuvre brasse une culture impressionnante, un survivant qui n'a jamais cesser de traquer la part maudite de l'humanité nous as quitté samedi.

Son oeuvre est disponible partout.


 

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