samedi 6 novembre 2010

Poupette

Élève modèle de l'école privée Regina Assumpta, Carole Devault avait toujours été passionnée par les histoires de KGB, d'espionnage et de filatures.

Elle s'imaginait être Mata-Hari, personalité flamboyante aux nombreux amants et agent double lors de la première guerre mondiale.

Elle se sait jolie. Elle voit bien que les garçons la regarde différement. Elle est charmante et bien que timide, se sert de ceci comme d'une arme pour rencontrer des hommes. Parmi ceux-ci, un certain Jacques Parizeau, pour qui elle a travaillé le temps d'un été pour son élection (perdue)dans la circonscription de Ahuntsic. Devault devient sa maitresse pendant un an. Elle a toute la beauté de ses 24 ans, il a la connaissance, le profil de la puissance, le charme aussi. Et il a presque 40 ans. Une expérience dont elle savoure tous les apprentissages.

Quand les évènements de la crise d'octobre se produisent, le Québec est sans dessus-dessous. Jamais une crise d'une telle ampleur n'a-t-elle frappé la province. Les policiers et les enquêteurs sont vites dépassés par les évènements. Mais ils établissent tout de même quelques méthodes.

Parmi celles-ci, une infiltration dans les rangs du FLQ.

Au coeur de la crise d'octobre, Devault fréquente Robert Comeau, un Felquiste. Parizeau avait déniché un emploi à la belle Carole et en compagnie de Comeau, elle avait collaboré à frauder cet employeur afin de réaliser un vol pour financer la cellule qui détenait l'otage James Richard Cross. La veille du larcin, elle panique et appelle son ancien amant Parizeau pour lui demander conseil mais tomb sur la femme cocufiée, Alice Parizeau. C'est elle qui lui conseillera de faire ses aveux à la police.

Quand Carole Devault se rend à la police, c'est à Julien Giguère qu'elle se confie.

Commence pour elle, une nouvelle vie.

Le 6 novembre 1970, elle est officiellement recrutée par la section anti-terroriste de la police de Montréal. Elle a un matricule (#SAT 945-171) et un nom de code:Poupette.
C'était l'époque de l'IRA, de l'Algérie, des Black Panthers. Poupette voulait à son tour son lot d'aventures.
Les gens du FLQ n'étaient rien de moins qu'une bande de jeunes à la recherche d'aventures, des enfants jouant avec des allumettes. Elle enfilait des gilets deux fois trop grands, rajeunissait son look pour leur ressembler et les fréquentais au Chat Noir, un bar de la rue Sherbrooke, où ils se réunissent régulièrement. Elle fraye avec eux, elle est l'une des leurs , leur confidente. Elle visite ponctuellement Giguère pour tout lui rapporter. Elle est payée, il lui paie aussi le restaurant où elle déballe son sac deux fois par semaine.

Afin de publiquement discréditer le FLQ aux yeux de tous (et probablement justifier le budget investi sur la lutte anti-terroriste), Giguère lui fait poser des (fausses) bombes mais lui fait surtout rédiger de faux communiqués menaçant du FLQ.

Pendant trois ans.

Elle était devenue l'héroine romantique qu'elle avait rêvée d'être. Pendant que les petits gars du FLQ rêvait d'être Che Guevarra, elle changeait de peau et devenait Mata-Hari.

Mais l'agent double devait avoir la même descente aux enfers que son idole.

Lors des audiences publiques de la commission Keable qui enquêtait sur les opérations policières menées contre le FLQ en 1979, pensant bien faire et se pensant protégée, elle déballe toute son implication. Du même coup elle apprend à tous les gens qu'elle a un jour fréquenté qu'elle les as trahis longtemps. Son secret est éventé.

Elle perd son anonymat, sa réputation, de nombreuses amitiés. Elle qui se voyait prof d'histoire à l'université doit changer d'adresse, d'identité. Elle n'en dort plus et crois qu'on la tuera dans la nuit. Sa vie devient un cauchemar.

Elle s'est refait une vie comme elle a pu. Elle a écrit un livre, collaboré a quelques magazines.

Mais depuis 1979, elle a surtout tenté de recoller les morceaux de sa vie brisée.

Brisée par ses choix aventuriers.

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