mercredi 24 août 2011

Noyé dans le Mépris

C'était il y a longtemps.

L'hiver, Noël même.

Entre Noël et le jour de l'an pour être plus précis.

Je travaillais alors pour TV5 et je devais m'extirper de ma famille et de mes amis du 418 pour revenir dans le 514 et travailler sur une collaboration avec les Français qui au bout du compte, ne verrais jamais le jour (do they ever?). 5 jours de travail de recherchiste qui serait suivi d'un retour pour fêter le jour de l'an dans le 418.

Mais dès le premier soir à Montréal, sitôt débarqué de mon voyage avec Allo Stop, je me sentais beaucoup trop en forme pour rester tout seul à la maison. Je dirais même que je me sentais un brin arrogant. Très(trop) convaincu de mes pouvoirs de séduction. Une fille au bureau, peu de temps auparavant, m'avait fait de beaux compliments sur mon teint, mes yeux, ma bouche, mes mollets, mes cheveux, mon cul, j'avais bien essayé de capitaliser sur ses signes pourtant clairs mais à l'horizontale elle avait été brutale. Plus grande que moi, de beaucoup, on avait bien essayé toute sortes de positions, j'avais réussi à lui faire mal, elle avait aimé mais bon...pas moi...pas mon truc. Et une fille du bureau. Je n'ai plus été capable de la voir autrement qu'à quatre pattes à faire le bruit du cheval. Inconfortable et désagréable.

Mais ce soir de décembre, je ne pouvais tout simplement pas rester chez moi. La nuit était trop belle. J'ai consulté mon journal culturel rapidement et j'ai trouvé Muriel Moreno qui faisait un spectacle de DJ dans le secteur. J'ai appelé pour m'informer du lieu du bar. "...Métro Beaudry..." qu'on m'avait dit. 

J'avais un premier indice qui aurait dû me dire que la soirée serait "spéciale".

J'étais trop imbu de moi-même et convaincu de me retrouver peau contre peau avec la sculpturale Muriel (rien de moins) pour réfléchir proprement. Ne roulant pas sur l'or, on m'avait de plus confirmé que le spectacle/set était gratuit. Je l'avais lu et entendu. Good. Dans mon budget. J'avais marché en sifflotant comme le chevalier sur le sentier de la conquête.

À l'entrée, ma présence brisait visiblement la conversation entre deux filles qui y trainaient. Je semblais tant faire problème que j'ai dû confirmer que c'était bien l'endroit où la belle Muriel allait se donner. On m'avait bien confirmé mais on m'avait alors fait payer à la fois un 3$...
-C'est pas gratuit?
-Non.
                                           ...et un autre 5 $ de vestiaire.
-Je peux pas garder mon coat?
-Non.

Bon. Je me suis payé une bière et suis allé m'installer plus loin sur une banquette. Avec un étrange sentiment tout à fait étouffant que tout le monde me regardait boire ma bière en solitaire. Et effectivement, en balayant mon regard dans l'endroit je remarquai que j'étais le sujet de beaucoup de murmures. J'ai même dû aller aux toilettes afin de vérifier si je n'avais pas une balafre de marde dans le front. En regagnant ma place je remarquai que certains gars, la plupart en fait, gars comme filles, avaient gardé leur manteaux. Pourquoi moi alors j'avais payé? Puis je remarquai, toujours sous les yeux accusateurs (de quoi!?!) que ce que je croyais être des garçons était en réalité des filles! De très masculines filles mais des filles quand même! j'étais à peu près le seul homme des lieux. Le seul hétérosexuel assurément. Et ces yeux sur moi...y'avaient pas d'affection là...l'ambiance était si lourde...à tous ceux qui ne croient pas au pouvoir du karma...croyez-moi ce soir là je me noyais dans le mépris d'autrui.

La pression sociale, le poids de ses yeux braqués sur moi, la tension du moment me rendait fou. J'avais beau me raisonner et me dire que, voyons, j'ai toute ma tête, j'invente tout cela dans cette tête qui ne revient à personne ici, rien n'y faisait. La tension était si palpable à mon égard, alors que Muriel commençait tout juste à se préparer et que même, elle, me lançait un regard voulant dire "Qu'es-ce que tu fais ici toi?" que la panique a commencé à germer en moi.

Terminant ma bière je me suis levé, ai repris mon manteau et ai quitté les lieux, ma marche de la honte (faisant peut-être la joie des gouines et de efféminés des lieux) dans un état de choc total. J'ai dû marcher une bonne vingtaine de minutes avant de revenir à mes sens.

Que venait-il de se passer? Je resortais la tête de l'eau où on m'avait poussé. Largué par la pression sociale.
Yip
Romeo was bleeding.

J'ai ravalé mon arrogance.

Avec quelques Gins et un peu de Jack.

Un gêné sourire dans mon pack sack.

Dans les dents l'arrogant. Muriel c'était pour elles.

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