vendredi 30 septembre 2011

Mamme de Fénage

Voyez, je ne suis même pas capable de l'écrire.

Parce que j'en ai honte. Je n'ai pas été élevé à faire de la sous-traitance dans ma maison. À y installer une relation d'affaires.

Quand j'étais jeune, il y avait des familles, dont la maman était officiellement femme au foyer, qui se faisait venir une dame afin de faire le ménage chez elles. Ce que je ne comprenais pas, c'est que ses mères restaient souvent sur place afin de superviser le travail de l'employée engagée pour le faire. J'avais un relatif mépris pour Madame G. que l'on voyait par la grande fenêtre de son salon. Elle lisait sa revue, assise dans son divan, et levait les pieds pour laisser son employée passer la balayeuse. Exactement comme certains hommes de l'époque la faisait et qui étaient hautement méprisé de le faire avec leur femme. Ce n'est pas DSK qui a inventé le mépris pour la bonne. Je ne voyais à l'époque que le sadisme d'une femme qui, à défaut d'avoir une emprise sur quoi que ce soit dans la vie, se plaisait à se faire vengeance et à faire travailler quelqu'un tout en engraissant dans le divan. Quelques fois sa fille me disait qu'elle montait se faire une beauté à l'étage pendant que l'étrangère faisait du ménage. Comme si le cygne devait se distinguer du vilain petit canard au moment précis où celui-ci entrait dans la cabane.
"Ta mère est elle malade? a-t-elle des problèmes de dos?"
"Non, elle aime juste pas ça faire le ménage"

Pour moi, avoir quelqu'un qui vienne faire le ménage chez soi, quand on était parfaitement en âge de le faire soi-même, était le summum de la bourgeoisie. Chez Madame G. en tout cas.

Si ça c'était limité à elle, je n'aurais pas eu d'autres pensées sur la ménagère. Mais c'était courant dans ma rue pseudo bourgeoise de Sillery, presque toutes les maisons sauf la nôtre avait leur petite madame qui venait faire le ménage. Quelque fois le samedi! quand les enfants couraient partout avec leur cornets qui coulaient sur le plancher de la cuisine et avec leur vélos plein de bouette dans l'entrée qui mène au sous-sol "juste pou' voir si je suis capable de descendre les marches en bécyk sans me péter la gueule" (not). J'avais pitié de ses femmes, bien souvent des femmes d'origines étrangères. Je me demandais si elles méprisaient leur employeur. Quand les Houdes ont étés volés par les frères de Conchita, leur femme de ménage, mon idée était pas mal faite sur l'étranger dans ma maison qui fait ce que je peux faire, que j'immisce dans notre intimité,  que je paie parce que je suis riche et un peu fainéant et que j'exploite.

Engager une femme(ou un homme) pour faire mon ménage relevait de la micro-bourgeoisie. Encore aujourd'hui, 90% des fois que j'entend parler de gens pour s'occuper du ménage, j'ai comme un sentiment de malaise. Il s'agit d'un monde auquel je n'appartiens pas du tout et auquel je ne voudrais jamais appartenir.

Par association amoureuse toutefois, j'y ai été plongé. J'avais bien dit à la belle de ne jamais installer un(e) étrangèr(e) dans notre couple mais, ayant des limites plus tolérantes que les siennes, elle a craqué et a engagé en secret une femme d'origine mexicaine il y a 3 ans. Je l'ai su tout de suite dès la première semaine car les choses étaient mal redisposées dans la maison et j'ai fait semblant que je n'en savais rien pour ne pas créer de chicane avec la belle dans la cabane. "Oui mais tu le fais pas!" m'aurait-elle répondu. "Oui je le fais quand je le remarque et que ça m'agace mais ça m'agace jamais avant toi" j'aurais répondu et gnagnazzzzz! je me serais endormi avant la fin de ma phrase, me pensant marié.

À cette époque, je me déplaçais à un bureau de Ville Saint-Laurent pour travailler. La belle lui avait bien spécifié de passer de jour, en secret et de s'éclipser avant 16 heures 30 pour que je ne croise pas l'étrangère sous mon toit.

Quand j'ai commencé à travailler à partir de chez moi c'est devenu exactement l'irritant anticipé. Je craignais que l'on trouve qu'elle ne travaille pas à notre goût. Je craignais qu'elle ne passe pas au moment où nous voulions qu'elle passe. Je craignais que nous ne retrouvions pas nos affaires quand elles les déplaceraient. Je craignais qu'elle nous brise des affaires. Je craignais qu'une relation d'affaires dans la maison de l'amour ne vienne polluer notre existence. Je craignais surtout que l'on apprenne à nos enfants à ne jamais se rammasser "parce que de toute façon la F de M passe demain". Je le craignais tellement que je gardais l'existence de cette femme parfaitement cachée à mes enfants. Exactement comme l'amoureuse l'avait fait avec moi. Avec le même succès. Rapidement les enfants ont vu cette femme qui rentrait chez nous n'importe quand et le mots femmes de ménage ne sont plus restés aussi tabous que je l'aurais souhaité chez moi.

Maria ne travaille pas à notre goût, elle passait le jeudi, puis c'est devenu le vendredi (qui, dès le premier congé soclaire des enfants, l'ont dévoilée), puis sur appel pour toutes sortes de raisons, puis elle a trop mal au dos, puis avec une amie, puis plus tard parce que sa balayeuse fonctionnait mal; je cherche pas mal mes affaires qui sont souvent déplacées de mon bureau,  je dois donner des consignes (wach!) tel un patron face à un subalterne (dans ma maison!), elle nous as cassé un miroir et nous sommes parfaitement lâches dans la ramassage des cochonneries. On a fait changer la boite électrique la semaine dernière et on a pas encore ramassé la poussière de mur et les cochonneries qui ça a fait au sous-sol. On a pas non plus replacé tous les meubles qui étaient dans le chemin. C'est le bordel. On évite le sous-sol pour masquer le problème. On a 70$ à donner à Maria de toute façon, justement pour ça. Why, bother?

 De plus, il est tout à fait difficile pour le travailleur à la maison de négocier avec tout ça. Il est strictement défendu, dans la construction de mon être, de rester à la maison si elle y travaille. Donc à son arrivée je décrisse. Je me trouve des choses à faire pendant deux heures hors de la maison. Bibli/épicerie et autres errances commencent. Je brûle du pétrole.
Mais comme elle n'indique jamais l'heure à laquelle elle va passer, les jours où elle doit passer j'ai beaucoup de difficultés à entreprendre quoi que ce soit. Car peu importe ce que je commence sur l'ordi, je devrai le déplacer et l'amener ailleurs, à la bibli, toujours, et me réinstaller mon bureau en bohémien. Je dois aussi synchroniser mes douches car si ce n'est pas la première chose que je fais en me levant, je risque de me trouver nu face à elle. Je dois aussi synchroniser mes #2 aux toilettes car, déjà qu'elle doit ramasser mes poils de pubis autour du bol, je ne voudrais pas qu'elle hume mes selles en plus. Souvent, elle arrive plus vite que prévu, je suis sale, pas rasé, pas douché, pas les dents brossées, et je dois partir pas présentable avec ma tête de bandit en escapade publique.

Tout, tout, tout tout tout et plus encore, ce que je craignais c'est confirmé. On s'est embourgeoisé, elle est terrible dans "son" travail, pas fiable du tout et ça pollue notre existence.
L'amoureuse, à bout de patience, a appelé le 27 pour la faire remplacer. Maria devait passer ici depuis jeudi, le 15 septembre dernier.
C'est moi qui courait après le double de la clé qu'on lui avait laissé.

Elle est venu me la porter hier, portant visage de mépris, obligatoire, à mon égard.
Des gens de son entourage viendront peut-être me voler avant que nous changions d'adresse.
Après tout sa partenaire occasionnelle... a-t-elle un double elle-aussi?

Il y avait un lourde odeur de fumier qui émanait de ma salle de bain dans l'entrée.

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