dimanche 29 avril 2012

TOC au PC

"Qu'allez-vous faire de moi?" demanda Woodworth.

On l'avait kidnappé à la sortie du bureau, en l'accostant par surprise, lui suggérant fortement de marcher dans une nouvelle direction, l'encadrant à quatre mollosses qui marchaient d'un pas vif.

"Qu'est-ce qui se passe? où allons-nous? qui êtes-vous?" demandait-il, forcé de suivre le pas. La voiture dans laquelle on l'avait poussé était de la même couleur noire que la sienne. Pouvait-il avoir été poussé dans sa propre voiture? Ses sens étaient si surexcités qu'il ne savait plus distinguer clairement la fiction du réèl. Était-il en train de se faire kidnapper? lui? un homme de si peu d'envergure? Et pourquoi voudrait-on le kidnapper? il n'était pas riche.

"Où allons-nous?" demanda-t-il mais toutes ses question avaient pour réponse le même silence e la part de quatre hommes en veston-cravate et aux verres fumées. Deux étaient à l'avant de la voiture, l'un conduisait, l'autre parlait tout bas au téléphone. Une vitre teintée séparait l'avant de l'arrière de la voiture. Woodworth ne pouvait pas être en mesure de connaître la nature de la conversation que tenait l'un de...ses ravisseurs? se faisait-il vraiment kidnapper?

"Que se passe-t-il?" dit-il mécaniquement. Les deux gorilles à ses côtés ne bronchèrent pas.

La voiture s'arrêta dans le stationnement d'une église. On sorti Woodworth et le plaça dans le sous-sol de cette église la trainant contre son gré et promptement, avec agitation lui demandant de rester assis près de la fenêtre. À attendre. En silence.

"Qu'allez-vous faire de moi?" demanda Woodworth. Pas de réponse. Toujours.

G., V. et R. avaient ordonné l'enlèvement de Stephen Woodworth, député de l'arrière-banc du parti Conservateur canadien. Woodworth avait aussi été choisi par le patron pour relancer un débat dont personne ne voulait entendre parler: le droit à l'avortement. Ce sujet ne faisait pas l'unanimité. Même au sein du parti le sujet de l'avortement était tabou. G., V. et R., trois hommes, car dans ce parti, quand vient le temps de décider le droit des femmes de disposer librement de leur corps ce ne peut qu'être un homme qui décide; les trois hommes donc, étaient de ceux qui ne voulaient pas entendre parler d'avortement, de droit du foetus et tutti quanti. Comme Woodworth avait choisi de relancer le débat à la chambre des communes, comme il n'était qu'un obscur député d'arrière-banc, comme il semait la pagaille à même les troupes, comme il avait juste le bon niveau de médiocrité nécessaire, il était le candidat idéal pour le chirurgien Irving Schwartz.

Celui-ci allait performer une délicate opération au cerveau de Stephen Woodworth, de très petite taille ce qui rendait la tâche difficile, et lui jouer dans le thalamus et le pallium. L'opération chirurgicale consistait à lui soutirer une partie de la mémoire mais surtout à lui faire oublier l'existence des lettres A-B-O-R-T-I- et N. À la base c'était de lui faire supprimer la capacité d'additionner ces lettres dans cet ordre accompagnées d'un second "O" entre le "I" et le "N" pour lui faire comprendre le mot abortion, "avortement"dans la langue d'expression de Woodworth.
Toutefois, malgré tout le talent du neurochirurgien Schwartz, il ne pouvait pas faire en sorte de supprimer simplement le mot de sa mémoire mais il fallait aussi en supprimer toutes les lettres.
Mais l'opération, rare et secrète, étant très délicate, le chirurgien Schwartz avait touché le pallium, une couche de matière grise touchant la mémoire spatiale, une large partie du cerveau, ce qui donnait maintenant un air de déséquilibré occasionnel à Woodworth.

"Je 'e s''s p's ce qu' m'''''ve" a dit Woodworth peu de temps après avoir ramené la question du droit des foetus sur le tapis. Il a prononcé ces mots inintelligibles devant une foule de journalistes médusés par l'expression plus ou moins désincarnée de son visage. Quand il parlait, c'était un peu comme une chirurgie plastique qui s'affaissait dans son visage. Il avait clairement l'air d'un débile léger. Le parti Conservateur l'a tout de suite réengagé.

De sa banquette arrière on l'entend quelques fois marmonner:

"'l f'ut me s'uve', ''de' m'' quelqu'u'' quelqu'u'!!!"

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