samedi 22 septembre 2012

Porno

Mégane Likedétexto était à la une du magazine Vanité Fière, emballée sous une fine couche de papier pellicule transparente.

Un enfant dans les bras de sa maman avait profité de l'inatention de sa mère pour faire une brèche dans ce qui protégeait la revue. Mégane avait saisi sa chance. Légèrement ennuyée de subir les regards de tous et de toutes depuis toujours, elle n'avait aucune garantie de se retrouver à la une du magazine du mois prochain de toute façon, ni même l'assurance de faire un hebdomadaire. Bref, son avenir n'avait rien de reluisant, elle profita donc de la brèche dans la pellicule de plastique pour se faufiler hors de la page couverture et se glisser hors des kiosques.

STUPEUR! bien qu'habillée sur la couverture du Vanité Fière, elle se retrouvait dans la vraie vie, parfaitement NUE! Nue près de la ligne pour les clients n'ayant que 12 articles ou moins en main. Certaines personnes l'ont regardée sans entrain, (et pourtant c'était une très jolie femme!) et n'ont pas eu de réaction. Mégane n'en croyait pas ses yeux! Les gens avaient même l'air dans la lune. Elle n'était même pas certaine qu'on la regardait vraiment et elle s'y connaissait en regards puisqu'elle posait sur des revues depuis longtemps déjà. Elle ne vivait jusqu'à maintenant que pour être vue.
Elle était nue, il fallait donc se sauver rapidement et c'est ce qu'elle fit. Se prenant un morceau de carré aux dattes pour la route et se retrouvant rapidement à l'extérieur de l'épicerie, cachée dans les buissons derrière l'épicerie.

Elle avait par la suite marché, près de l'eau..."la mer? était-ce la mer comme dans les publicités de voyage de mes revues? Mais où suis-je?, continua-t-elle de penser, sur la Côte Nord? en Gaspésie?"


Elle était assurément en région en tout cas. Trop d'étendue, de champs, de route, l'eau sur la gauche. Elle ne connaissait rien de la vraie vie, elle avait vécue exclusivement dans un monde faux-archifaux. Quelques fois même on avait traffiqué son corps à l'ordinateur. Elle découvrait donc son propre corps dans toute sa splendeur pour la première fois. Réfugiée dans une porcherie, elle avait été tout naturellement atirée par les cochons et s'était cachée parmi eux. Elle les connaissait les cochons. Habituellement, ils étaient dépecés, tranchés et sous scéllé comme elle. Mais dans la section des viandes en face des kiosques à revues. Elle avait des affinités avec les cochons. Elle posait comme un morceau de viande elle aussi. Et les caissières de l'épicerie avaient pratiquement toutes des piercing comme les cochons en avaient sur les oreilles. Non, franchement, elle se sentait chez elle au coeur des cochons.  Mais elle avait entendu du bruit et, craignant d'être apperçue, elle s'était à nouveau enfui. Passant devant le fermier qui ne sembla même pas la remarquer. "mais...est-ce qu'on me voit?" s'était-elle demandée.
Ce drôle de sentiment d'invisibilité.
 
Habituée de n'exister que dans les yeux des autres, existait-elle vraimment? Était-elle en train de réaliser que de ne vivre qu'à la une des magazines, dénaturée par photoshop et une demie-tonne de maquillage n'était pas vraiment exister en soi? Sa vie ne se déterminait-elle qu'en deux inspirations? l'envie et le mépris? Quand l'un croisait l'autre? Était-elle fanstasme? Pornographie? Illusion? Mensonge? Elle n'était pas vraie.
 
Mégane, dont le moteur de réflexion était en général diffus, se trouvait tout de même en pleine crise existentielle. La vraie vie l'exposait au mensonge dans lequel elle siégait perpétuellement.
 
Il fallait donc revenir à la source. Remonter à la une d'un magazine ou d'une revue sans trop faire de bruit. Ce monde vrai ne lui convenait pas. Elle n'y comprenait pas les codes. Elle se trouverait un dépanneur et s'intégrerait à la une d'un magazine. Discrètement. Retour à la normale pour Mégane.
 
Discrètement?
Pas besoin. On ne semblait pas la remarquer. Même nue en pleine rue. Elle était faussement vraie.
 
Viande, elle n'était que viande. Poulet. Poulette. Peut-être même pas du bon poulet. De la friture.
C'est dans un dépanneur près de la 389 qu'elle trouva un TV Hebdo à bonne hauteur pour intégrer sa page couverture.
Non, là non plus, ça ne marchait pas mais profitant de pages qui s'ouvraient dans les mains d'une cliente qui feuillettait le Tv Hebdo, elle se glissa dans les pages centrales où elle se terra dans une pub de soins de beauté.
Elle ne pouvait pas rester en couverture.
 
Puisque celle-ci annonçait Toute La Vérité: Début.
 
Et qu'elle était mensonge.
Fin.    
 

Aucun commentaire: