mercredi 3 octobre 2012

Rassemblements

Je revenais de mon cours, rue Willowdale à Outremont.

Martin Cauchon habite tout près, je le vois tout le temps. Il se cache chaque fois comme pour dire "Je n'habite pas là". C'est faux. Il habite le secteur.

Tous les lundis, entre  17h30 et 17h55, j'ai mon spot de stationnement sur cette rue, coin Willowdale/Wilderton.
Mais là il était 21h34.

Le trafic était dense. Étrange pour un soir de semaine sans hockey des canadiens. Et encore là quand les multimillionnaires font leur sport, le trafic se trouve sur la 15 pas sur Édouard-Montpetit. Si les voitures étaient si lentes à se bouger c'est qu'il y avait des hordes de gens qui s'offraient une marche nocturne.

Pas deux ou trois personnes. Des dizaines et des dizaines de personnes. Toutes les femmes avaient l'esthétique de 1975. Couleurs sombres, presque toutes en robe, collants foncés, cheveux très foncés. Les enfants aussi. Peut-être même un look  plus austère encore dans leurs costume. Des enfants soustraits à la folie propre à leur âge. Plusieurs ont croisé mon regard d'ailleurs. Comme si ils s'excusaient de marcher ainsi dans la nuit. Puis les hommes, tous unis par la kipa, les boudins, la barbe, la grosse rondelle de feutre sur la tête ou la robe. Des fois tout ça à la fois.

J'ai allumé: c'était le Yom Kippour.

Le Yom Kippour également appelé le Jour du Grand Pardon, est une fête juive considérée comme la plus sainte de l’année juive. Observé le dixième jour du mois de tishri, en terre d’Israël comme en diaspora, le jour représente la culmination d’une période pénitentielle de dix (ou quarante) jours. Il a lieu, selon les années, en septembre ou en octobre dans le calendrier grégorien.
Outre un chômage (efficaces employés...) et un jeûne complets, le Yom Kippour est marqué par d’autres rites de mortification. Cinq offices de prière, de nombreuses compositions liturgiques, confessions et autres coutumes dont le jeûne de la parole viennent renforcer l’atmosphère austère et solennelle du jour.

J'ai pensé à quelques personnes à qui je pourrais proposer la conversion juive. Simplement pour le jeûne de la parole.

Si ce n'eût été du fondement religieux de la chose j'aurais trouvé ces marches nocturnes plutôt jolies. Je suis moi-même assez marcheur. Mais si il faut le faire en silence, sans pouvoir discuter de Palestine, de Yithzak Rabin ou de Rachel Corrie à quoi bon?

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Dans ma rue, la semaine, les passages sur les balcons voisins sont réglés comme une horloge depuis la mi-septembre.

Ça m'a pris du temps à faire le lien mais à chaque pause de la commission Charbonneau, mes voisins se rassemblent sur leur perron pour discuter de Z. et de M. et de quoi ils ont l'air maintenant et "de la suite des choses" et de "Business must survive and family will stick together". J'en ai même entendu un dire "They want a show, they will get a fucking showdown" au beau milieu d'une tirade toute en italien car on m'avait apperçu au loin sur ma propre galerie à me rouler un joint. Le même gars qui a dit cette ligne s'est longuement expliqué à sa mère sur un ton plaignard par la suite. En italien toujours. Mais j'ai cru comprendre qu'il s'excusait pour le verbe To Fuck mal avisé dans l'oreille de sa vieille mère. À force d'écouter des Fellini j'ai fini par comprendre beaucoup de la langue italienne.

Mais des fois je me gourre. Comme cette fois où j'ai apparemment commandé un appareil sexuel alors que je demandais un ragoût de dinde à la mode de Palerme. J'ai cru pendant deux jours que les italiens baisaient leurs dindes...

Je voyais donc mes voisins dire des choses immondes sur Valentina Tenti qui auraient même fait rougir un vestiaire de hockey, puis se convaincre de savoir comment reconnaître Donnie Brasco et surtout où le coincer un jour et ensuite parler des inspecteurs de la police de Montréal à qui il faudrait rendre visite. Z aussi faudrait faire quelque chose pour qu'il se la boucle.

Je les entendais tous de mon propre balcon où, la tête plongée dans mes traductions du jour, j'écoutais d'une oreille mon ipod et de l'autre la cacophonie de leurs discussions de gérants d'estrade.

Mais ce jour-là...pas de rassemblements comme dans un 5 à 7. Enfin oui un rassemblement mais 7 à 8 faces, presque tous des hommes, repliés sur eux-même, qui parlaient tout bas, et qui multipliaient les regards dans ma direction.

Venaient-ils d'apprendre qu'à l'occasion leurs desesperate housewives passaient par chez nous pour que je les chatouille là où ça fait du bien en leur absence? Trouvaient-ils que les murs avaient trop d'oreilles?

Je ne me suis pas posé la question plus longtemps et je suis sagement rentré dans la maison.

Je n'ai pas beaucoup quitté la maison depuis le 25 septembre.
Mais tout va bien.
Je me porte à merveille.

Et les lundis soirs je me rends quand même sans réèls problèmes sur la rue Willowdale. Et mes desesperate housewives n'ont pas ralenti leurs visites.

Je vais peut-être commencer un jeûne d'écoute parizemp...

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