mercredi 12 décembre 2012

Si Les Chiens Courent Librement

C'était la cinquième alarme de feu en autant de lundi. Efficacité universitaire...

Toujours à 20h30. Au début c'était drôle et tout le monde sortait. Certains, plusieurs, en profitaient pour quitter les prémisses de l'Université et se pousser de la dernière portion du cours. Mais là, il faisait froid et encore une fois, P.T. Salibert, un homme dans la trentaine, June McQuade, Annick Tamer et Maripier Ponss, trois jeunes filles à l'aube de la vingtaine, se retrouvaient encore dehors, les uns aux cotés des autres à trouver ridicule la situation. Il n'y avait jamais d'incendie au bout du compte.

Les quatre élèves ne s'étaient pas beaucoup adréssé la parole depuis le début de ce cours. Bien qu'ils soient toujours assis les uns aux côtés des autres classes après classes, lundi après lundi. Mais cette fois ce fût tout naturel. Les trois filles se sont naturellement approchées les unes des autres. Elles avaient toutes trois la même taille. Bien en dessous de 5 pieds. Avec Salibert, 6 pieds facilement, à leurs côtés, celui-ci avait l'air d'un moniteur de camp de vacances avec trois participantes.

June est une très souriante jeune fille aux cheveux bruns avec un espace important entre les deux dents d'en avant. On les voit souvent ses dents, elle sourit tout le temps. Elle en est naturellement sympathique. On s'imagine facilement que d'un simple sourire, elle noue des amitiés autour d'elle.

Annick est plutôt jolie. Elle a des traits fins, des petites lunettes qui lui donnent un air sérieux et son regard transpire l'intelligence. Si elle n'est n'était pas prisonnière d'un corps d'enfant, elle serait très très désirable. Ses longs cheveux pâles cachent des oreilles que l'on devine assez larges. Cette "imperfecion" ne la rend que plus charmante. Elle semble posséder à la fois l'assurance tranquille de la première de classe et la gêne typique de la fille qui croit qu'elle n'attire personne. Et pourtant ses lunettes siègent sur un très joli nez. Et sa bouche est splendide. Outre cet anneau qui vient la polluer, sa bouche est tout à fait splendide.

Finalement Maripier est la plus remarquable. Pas qu'elle soit plus jolie que les autres mais plutôt parce qu'on a tendance à la regarder longtemps. La plus petite des petites, elle arbore une coupe de cheveux particulière avec une mêche très longue sur un côté, mêche qui lui tombe quelque fois sur les yeux et qu'elle repousse vivement, et offre l'autre côté de sa tête rasé très très ras. Un simple duvet. Elle a un visage de chérubin qui doit lui donner 19 ans mais a aussi un visage fermé, dur. Elle marche plus virilement que bien des hommes. S'habille aussi en homme. Elle craque définitivement pour les femmes. Quand on l'a entendu parler sur son téléphone à une coéquipière de son équipe de hockey, il ne faisait aucun doute qu'elle était probablement lesbienne. Pas que ce soit important, mais le cliché ambulant de la tomboy est quand même criant. Elle ne sourit jamais. Comme si chaque seconde qui passait annonçait une prochaine bataille. De là son air dur. Et elle est si petite...Dans une cour d'école primaire, elle est facilement doublée en taille.

Salibert est un trentenaire tout ce qu'il y a de plus ordinaire. Il est originaire du Mali, l'a visiblement quitté à temps, et est au Québec depuis moins d'un an. Il vit le froid pour la première fois. Il a attiré l'attention en classe en intervenant souvent pour des demandes assez farfelues. Au premier cours, il a plus ou moins clairement négocié des notions de plagiat en demandant de se le faire expliquer comme si il voulait en étudier par la suite, les méthodes de contournements des règles. Il a plus tard demandé si on pouvait consulter des examens du passé sur un sujet afin de savoir à quoi s'attendre, ce qui était beaucoup demander...

Dehors, à se les geler à attendre que la fausse alerte d'incendie cesse encore une fois, je les regardais les trois mini-mousquetaires et le grand africain. Les trois filles se parlaient, j'ai cru deviner qu'elles n'avaient pas simplement la petite taille en commun mais un autre cours, de journalisme si j'entendais bien malgré mon Dylan dans les tympans pour me réchauffer les oreilles. C'était June qui avait initié cette conversation avec son sourire. Un sourire qui n'existait pas dans la composition du visage de Marieper.  Le grand africain était avec eux sans communiquer toutefois. Il le regardait de ses 6 pieds comme un papa veille sur ses enfants. Puis, malhabilement il a coupé la conversation animée entre les trois filles.
"Avec ce froid...si au moins il y avait feu..." a dit Salibert de sa voix de baryton, souriant de toutes ses dents aussi blanches que son visage était noir. Deux des trois filles ont poliment souri. Puis le pauvre a enchainé avec ce qui m'a semblé (et à elles aussi) comme une tentative de séduction d'Annick.

Je ne sais pas si c'était parce que je le voyais jouer ses cartes, se livrer à nu, tenter de tisser un lien affectif avec du fil extrêmement blanc mais j'éprouvais le même malaise que les trois filles à l'écouter. J'ai laissé tomber Dylan pour mieux faire le con à les écouter clandestinementLes filles ont été des déèsses de l'esquive. Trois toréadors minatures. Tout à fait charmantes toutes les trois. La diplomatie du non-intérêt est un art féminin. June toute en sourire. Mariepier toute en raideur et Annick un peu intimidée.

Salibert a fini par les laisser tranquilles. Et je les ai vu soupirer d'aise. Annick a même appelé son chum, légèrement secouée. Relax Schtroumpfette, ce n'était qu'une ligne à l'eau et malhabile de surcroît.

Moi j'avais froid, j'ai été pissé un peu plus loin dans le banc de neige
Parce que les chiens, ça pisse partout.
Tant que c'est libre.

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