vendredi 3 mai 2013

Nuit D'Été En Ville

Le bonheur rend beau.

Ce soir-là, une nuit merveilleuse sur Jean-Brillant où en passant tout près du parc du même nom, une ennivrante odeur de feu de camping enveloppait nos narines, je marchais en direction de ma voiture, léger comme une ado en route vers son bal de finissante. Humant l'été printanier.

Je venais de compléter mon tout dernier examen universitaire, un examen d'anglais si facile que même si j'obtenais une note plus que médiocre, ça n'affecterait pas mon A à venir (confirmé depuis lundi).

Je trottais donc sur Jean-Brillant par une nuit chaude en écoutant la douleur d'être pur en me disant, sourire en coin que "j'étais maintenant un professionnel à temps plein". Ça m'a fait rire parce que ce mot professionnel, ne veut parfois tellement rien dire. Je pense à cette ancienne concurrente blondinette dont le nom de famille sonne comme boulette de la téléréalité Mixmania 2 qui fait aujourd'hui une pub de shampooing et qui dit avec conviction et sans rire "Dans mon métier, je me dois d'avoir de beaux cheveux..."

...Ton métier? étudiante de secondaire 4? Outre une poignée de petites filles de 9 ans et moins, qui a cru à ce métier? Moi je suis chanceux, j'ai un métier ou je ne suis pas obligé d'avoir des beaux cheveux. Je ne suis même pas obligé d'en avoir du tout si je veux. Je peux être 100% virtuel comme professionel.

Et professionnel rime avec bagatelle.
Bagatelle: Chose de peu de valeur.

Je jonglais mentalement rue Jean-Brillant donc, au hockey, Montréal jouait au Manitoba et j'en voyais un extrait sur les télévisions du Nickels de la rue, coin Côte-Des-Neiges. J'ai bifurqué de mon trajet habituel pour me rendre au deuxième étage du Renaud-Bray voisin. Est-ce que j'allais fêter ma fin de Xième scolarité en m'achetant un livre? un cd? un film? John Dos Passos? El Motor? Pierrot le Fou ? C'est fou que ça en prend peu pour me rendre heureux.

Le bonheur place une étincelle dans l'oeil et Marianne (qui?) Marianne, c'est le nom qu'elle portait sur la petite épinglette accroché pour l'identifier, a remarqué cette étincelle et est venue briller de son oeil couleur-de-mer à mes côtés.

"Je peux vous aider, monsieur?"
Monsieur...on avait le même âge...
"Vous avez La Trilogie des Mongols de Jean Basile ?" j'ai demandé mais elle n'était pas certaine si je la niaisais ou non.
"C'est vieux, ça date des années 60" j'ai complété.
Elle a cherché dans son système. Elle était très jolie. Je devais l'être un peu pour elle aussi, au moins dans l'oeil, je le voyais dans sa manière de me répondre. Son regard était scintillant. Ça devait être la troisième inconnue qui venait vers moi ce soir-là. Deux filles de ma classe, à qui je n'avais jamais même échangé un "salut" étaient venues me jaser. L'une avant le cours, l'autre après. Comme une première date. Et j'avais la très jolie Marianne qui pianotait sur son clavier et qui était toute en sourire et en agréabilité. (C'était quand même un peu son métier...)

Je ferai tout ce que tu voudras   
Moi aussi, Marianne
Je mets ma main sur ton genou
Moi aussi, Marianne
Je t'embrasse partout
Moi aussi, Marianne

Il faisait si chaud ce soir-là, la nuit hurlait TERRASSE!!

Le téléphone aux côtés d'elle a sonné. Elle a répondu.
"Renaud-Bray: section livres...Ah Brigitte! t'es où? je finis dans 10 minutes on se rejoint au McCarold?  C'est beau...c'est beau...je t'aime aussi...à tantôt...à tantôt."

Elle a raccroché toute excitée et cette fois, si je croyais avoir vu une étincelle dans son oeil avant, elle avait maintenant des étoiles plein les yeux surplombant des joues rosées.

"C't'ait mon amoureuse...Je vas y dire ce soir que j'attends un enfant...qu'on va avoir un enfant!" me dit-elle tout à coup.

J'ai pris un peu de temps à digérer tout ça. J'ai souri je crois.

"J't'énervée..." a-t-elle dit avant de promptement rougir réalisant qu'elle me révélait peut-être beaucoup trop de son intimité.

J'ai pensé à la France et à ses homophobes publics.
Marianne avait l'accent français.
Son magasin ne tenait pas Basile.
J'ai acheté le dernier Murat.

Il faisait bon pour elle d'être au Québec.
De ne pas vivre la douleur d'un amour au coeur pur à Paris.
Il faisait beau sur Jean-Brillant.
Marianne était belle.

Le bonheur rend beau.

2 commentaires:

Aimgie a dit...

Beau texte plein d'étoiles !

Et puis bravo pour être aller au bout de ce long parcours universitaire. Ce parcours que j'ai suivi depuis le début.

Je te souhaite un très beau mois de mai, cher homme.

Jones a dit...

Merci ;)