dimanche 28 juillet 2013

Détroit

"...nous sommes un peuple solitaire, un troupeau morbide et déement, se démenant de tous côtés dans une rage frénétique et jalouse; un peuple qui voudrait oublier qu'il n'est pas uni; dont les individus n'ont, les uns pour les autres, aucun dévouement réèl, aucune attention réèlle, ne sont rien en vérité, que des unités brassés par Dieu sait quelle invisible main, selon une arithmétique qui n'est pas notre affaire"  -Henry Miller, Sexus
 
Si un train fou avait explosé au centre-ville, un avion piloté par des talibans avait foncé sur la région ou encore que quelques têtes folles de Tchétchénie avait choisi d'y poser des bombes, on aurait vu venir le coup.

Mais la 11ème ville en importance aux États-Unis?
en faillite?
Quand on sait qu'il s'agit aussi de la ville de l'automobile, on ne s'étonne plus tant que ça.
Quand on sait aussi que c'est pour arrêter 60 ans de chute vertigineuse dans les affaires de la ville, la dette frôlant maintenant 18,5 milliards, que Détroit a officiellement déclarer faillitte une fois pour toute, on aurait donc forcément dû voir venir le coup.

L’histoire de Detroit n’est pas seulement l’histoire d’un effondrement. C’est aussi celle de la lente dégradation des industries qui ont contribué à façonner les États-Unis tels que nous les connaissons aujourd’hui. Le destin de Detroit révèle beaucoup de choses sur l’Amérique au vingtième siècle. Détroit, c'est encore une histoire d'aveugles.

La ville que l’Amérique appelait autrefois l’arsenal de la démocratie a beau essayer d'impressionner le visiteur avec sa Chevrolet fonctionnant entièrement à l'hydrogène, elle a maintenant la gueule d'un boxeur au 9ème round.

706 585 habitants vivent maintenant dans une ville sous respirateur artificiel.
Voilà une ville qui a pourtant une belle histoire.

En 1763, le chef amérindien Pontiac avait parlementé lors d'un conseil des chefs des différentes Nations amérindiennes, à environ une quinzaine de kilomètres au sud du fort de Détroit pendant la guerre contre les britanniques. Il avait  rappelé les enseignements qui prônaient l'unité des Nations amérindiennes et avait convaincu un certain nombre de Nations, telles que celles des Outaouais, des Ojibwés, des Potawatomis et des Hurons à se joindre à lui dans une tentative de s'emparer du fort de Détroit et d'en chasser les Britanniques. Commençait alors en mai 1763 le siège de Fort Détroit.

Aussi important, plus encore même je dirais, en 1805, alors que Détroit devait être membre du nouveau pays indépendant que sont les États-Unis mais que les Britanniques refusent de céder, la ville est victime d'un incendie dévastateur qui détruit la majeure partie de l'architecture coloniale française de la ville. Seuls un ancien entrepôt près de la rivière ainsi que les cheminées en briques subsistent. Peu après, le père Gabriel Richard prononce la fameuse phrasee latine, Meliora speramus, cineribus resurget (nous espérons des temps meilleurs, elle renaîtra de ses cendres)  qui est devenu la devise officielle de la ville.

En 1896, Henry Ford y construira sa première fabrique automobile dans un atelier situé sur Mack Avenue. En 1904, il fonde la Ford Motor Company. Ford, ainsi que d'autres pionniers de l'automobile comme William Crapo Durant, les frères Dodge, Packard, et Walter Chrysler contribuent au statut de capitale mondiale de l'automobile attribué à Détroit. Gourmande en espace, l'industrie automobile se déplacera cependant rapidement en banlieue, à Hamtramck et Highland Park.

La croissance explosive de la cité ne se fera pas sans dommages. L'air et l'eau de la région sont pollués, et les rives du lac sont outrancièrement industrialisés et interdits aux résidents. Les taudis se sont développés dans plusieurs quartiers, en particulier la partie Est, de plus en plus peuplée par les Afro-Américains, dès 1920.

La population blanche quitte peu à peu la ville et les Afro-Américains constituent désormais la majorité de la population et en 1973 le premier maire noir de la ville, Coleman Young, est élu. Un artiste britannique chantera cette ville avec clairvoyance la même année.

Détroit a perdu un quart de ses habitants entre 2000 et 2010. De nombreux centre commerciaux, bibliothèques, hôtels et banques du centre ville sont désertés et laissés à l'abandon, laissant un paysage post-apocalyptique.

La mise sous tutelle est faite en mars 2013.
La faillitte, déclarée le 18 juillet dernier.

Red Wings, Lions, Pistons, Tigers habitent une ville à refaire.
La réalité de la jeunesse d'Eminem devient peu à peu celle de la ville de l'automobile.

Mais ils espèrent des temps meilleurs,
Détroit renaîtra de ses cendres.

Le boxeur du 9ème round peut toujours compter sur quelques rounds.
Si il n'a pas les deux genoux au sol...

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