lundi 29 juillet 2013

Luis Buñuel

Si Luis Buñuel avait été un animal il aurait très certainement été une mule.

Né en 1900 à Calanda, petite ville d'Aragon en Espagne, sa famille déménage presqu'aussitôt à Saragosse. Il restera cependant très attaché à son village natal, et y retournera régulièrement. Le relief rocailleux, les environs désertiques, le caractère rugueux des habitants de la région marqueront le comportement du futur artiste. Il dira de son village qu'il est resté dans le Moyen-âge jusqu'à la fin de la Seconde Guerre Mondiale.

Ainé d'une famille de 7 enfants, une famille plutôt riche, il gardera toujours un parti pris pour les plus démunis et une aversion pour la bourgeoisie.

Pour l'ordre établi aussi. (un ami)

Il étudie chez les Jésuites (comme moi!) jusqu'à l'âge de 15 ans (comme moi!) et reçoit une formation répressive qui le marqueront encore une fois de plus. Les deux sentiments essentiels de son enfance, qui perdurèront avec force pendant l’adolescence et transpireront dans ses oeuvres seront ceux d’un profond érotisme, tout d’abord sublimé dans une forte religiosité, et une constante conscience de la mort.

Il regrettera toute sa vie de ne pas avoir pu jouer de la musique (il jouait du violon) en raison de sa surdité. À 19 ans, il part vivre à Madrid pour commencer des études supérieures. Il rencontre Salvador Dali et Federico Garcia Lorca, apporte son soutien au mouvement dadaïste. En 1923, il fonde avec Garcia Lorca, entre autres, l'Ordre de Tolède. Le but principal de l'ordre était de se rendre le plus souvent possible dans la ville de Tolède, ville considérée comme sainte par ses membres, de manger et de boire plus de que raison, pour ensuite déambuler dans les rues de la ville et "se mettre en état d'y recevoir les expériences les plus inoubliables". (un frère)

En 1925, il vient à Paris. Il se fait embaucher comme assistant réalisateur de Jean Epstein, sur le tournage, en 1926, de Mauprat puis, en 1928, de La Chute de la maison Usher. En 1928, avec l'aide matérielle de sa mère, Luis Buñuel tourne son premier film dont le scénario est écrit avec Salvador Dalí. Dans un premier temps, ce film est projeté en privé seulement pour Man Ray et Louis Aragon. Très enthousiastes, ces derniers demandent à Buñuel d'organiser une séance pour les surréalistes qui sera un grand succès.

À l'automne 1930, Buñuel présente L'Âge D'Or, film volontairement surréaliste qui brouille à jamais son amitié avec Dali qui ne supporte pas l'athéisme de Buñuel. la Ligue des patriotes et la Ligue anti-juive saccagent le Studio 28 à Montmartre, qui projette le film et propose dans son hall une exposition d'œuvres surréalistes. Ce saccage est le déclenchement d'une virulente campagne de presse contre les surréalistes, et on fait saisir le film. En fait, seule la copie de projection sera confisquée et détruite, le négatif étant resté en la possession du vicomte de Noailles et de son épouse Marie-Laure, les mécènes du film. L'interdiction de projection ne sera levée qu'en 1980.

Entre 1933 et 1935, Buñuel travaille pour des compagnies américaines. La guerre civile qui éclate en Espagne le bouleverse. Il participe à un documentaire pro-républicain Madrid 36, puis il se rend aux États-Unis. Il tournera 7 documentaires entre 1933 et 1937. Il travaille à démontrer l'efficacité et le danger des films de propagande nazis. En projetant entre autre Triumph of the Will de Leni Riefensthal et en décortiquant le montage. Il travaille un peu au MOMA de New York mais est vite limogé ne cachant pas son anticatholicisme et son marxisme dans les prudes États-Unis de 1942.

Il s'exile au Mexique et redevient réalisateur. Son premier film mexicain, la comédie musicale Gran Casino est une merde. Buñuel y fait ses classes et n'est au fond sur ce film que caméraman. Toutefois le second, une comédie, remporte un énorme succès commercial. Ce film lui vaut aussi la réputation d'un cinéaste fiable, capable de respecter ses budgets. Buñuel a alors carte blanche pour son film suivant qui s'intéressera à la vie des enfants de Mexico. Ce sera l'un de ses meilleurs films. Cannes le reconnaîtra lui offrant le prix de la mise-en-scène en 1951.

Il tournera 17 films en 9 ans au Mexique. Les plus impressionnants étant Les Aventures de Robinson Crusoé, Les Hauts de Hurlevent, La Vie Criminelle d'Archibald de la Cruz et surtout Nazarin.

Viridiana, tourné en Espagne en 1960, lui vaudra la palme d'or au Festival de Cannes.

Le film provoque de gros remous politiques, diplomatiques et religieux. Le régime de Franco, après avoir permis le tournage et accepté que le film représente l'Espagne au festival finit par l'interdire complètement. Les copies espagnoles sont saisies et détruites mais le film est distribué normalement en France. Le film n'est distribué en Espagne qu'en 1977, deux ans après la mort de Franco.

Il tourne l'excellent, absurde et étouffant L'Ange Exterminateur en 1962 puis adapte le roman d'Octave Mirabeau, Le Journal d'une Femme de Chambre avec Jeanne Moreau, l'année suivante. Il tourne son tout dernier film mexicain en 1964. Depuis Le Journal...Buñuel scénarise avec Jean-Claude Carrière. Cette étroite collaboration durera 19 ans.

Trois ans plus tard Catherine Deneuve prend plaisir dans la douleur dans le plutôt osé Belle de Jour. Héroïne bovarienne, qui ne peut vivre dans un milieu social qu'elle trouve étouffant, Séverine se transforme en une épouse épanouie à partir du moment où elle devient quelqu'un de tout à fait autre. Le film présente le conflit entre le plus tendre amour et l'exigence implacable des sens.

En 1969 parait l'un des trois films que j'aimerais avoir dans ma vidéothèque l'excellent La Voie Lactée(les films de Buñuel sont horrrrrrrrriblement indisponibles en Amérique!). Daniel Pilon y joue entre autre un rôle secondaire. Tristana est un autre chef d'oeuvre lancé la même année. Une adaptation libre du roman de Benito Pérez Galdos avec Catherine Deneuve. Il tourne avec culot ce film à Tolède, en Espagne, ville où il est persona non grata.

Le désopilant Charme Discret de la Bourgeoisie, livré en 1972, lui vaudra l'Oscar du meilleur film en langue étrangère.

Il tourne Le Fantôme de la Liberté en 1974 puis Cet Obscur Objet de Désir en 1977.
Il choisit de cesser de tourner.

Il signe, avec son double Jean-Claude Carrière, sa biographie, Mon Dernier Soupir en 1982, avant de le pousser le 29 juillet 1983.

Il aura été marié pendant 49 ans à la même femme avec laquelle il a eu deux fils. Son petit fils Diego est aussi réalisateur.

De son premier à son dernier film, Luis Buñuel a construit une œuvre profondément marquée par le surréalisme. Ses films portent pratiquement tous, à des degrés divers, la marque du surréalisme, que ce soit dans la forme ou le discours. Le cinéaste surréaliste est celui qui aura détruit la représentation conventionnelle de la nature, ébranlé l'optimisme bourgeois et obligé le spectateur à douter de la pérennité de l'ordre existant.

Luis, c'était l'insolence mêlée à la subversion.
Merci la vie, pour Luis Buñuel.

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