jeudi 26 septembre 2013

Alberto Moravia

L'intelligence se lit dans les yeux. Regardez-moi ceux de cet homme.

Né Alberto Pincherle d'un père Juif-Vénitien, architecte et peintre et d'une mère originaire de Dalmatie, une région littorale de la Croatie et Monténégro le long de la mer Adriatique, en novembre 1907, il adoptera le nom du grand-père maternel, Moravia dans sa carrière d'écrivain.

Le frère de sa mère, l'oncle d'Alberto donc, était sous-secrétaire du Parti national fasciste. Très tôt, il est alors mis en contact avec leurs méthodes et leur vision du monde.

À 9 ans, il ne termine pas sa 4ème année et est même cloué au lit pendant 5 ans en raison de la contraction de la tuberculose. Il verse donc dans la littérature afin de passer le temps et découvre Boccaccio, Dostoeivsky, Joyce, Goldoni, Shakespeare, Molière, Gogol et Mallarmé. Fort intelligent, alerte et curieux, il en profite pour apprendre le français et un peu d'allemand. Il écrira des poèmes dans ses deux langues.

À 18 ans, il prend 3 ans pour écrire Gli Indifferenti (Les Indifférents)  une analyse réaliste de la déchéance morale d'une mère et de deux de ses enfants. Le roman est bien reçu mais coûte 5000 lires à publier de la poche même de Moravia. Il écrit donc quelques nouvelles pour le magazine 900, fait le journaliste pour La Stampa et La Gazzetta del Popolo et fonde les magazines littéraires Caraterri et Oggi.

Quand ses publications sont censurées par le régime fasciste, en 1935, il choisit de voyager aux États-Unis pour donner des conférences sur la littérature italienne. Pendant la guerre il écrira en allégorie pour décrier les positions de son pays d'origine, l'Italie, et sous un pseudonyme. Il marie aussi l'écrivaine Elsa Morante.

Il ne cessera jamais d'écrire, des romans, des recueils de nouvelles, 1 par année à partir de l'armistice de l'Italie en 1943. Il écrit aussi pour les journaux Il Mondo et Il Corriere della Sera. Sa popularité prend du grade quand il publie successivement en 1947 La Romana (La Belle Romaine), La Disubbidienza (La Désobéissance), L'Amore Coniugale e altri racconti (L'amour Conjugal) et  Il Conformista (Le Conformiste) qui en font un auteur à succès. Ce dernier roman deviendra en 1969 un brilllant effort cinématographique de Bernardo Bertolucci, un brillant film suivant un brillant canevas.

Ses livres commencent alors à être traduit outremer et dans les années 50 on le lit non seulement partout dans le monde, mais on adapte aussi certains de ses livres en film et en téléfilms italiens. Moravia fonde le magazine littéraire  Nuovi Argomenti qui compte parmi ses éditeurs Pier Paolo Pasolini. Il devient aussi critique de cinéma pour  L'Europeo et L'Espresso. Entre 1959 et 1962 il sera président de PEN, une association d'écrivains internationaux.

En 1960, année de La Dolce Vita de Fellini, il publie La Noia (L'Ennui), l'histoire existentialiste d'une  impossibilité d'établir un lien concret entre les objets et les personnes. Le roman est un immense succès et récupère la plupart des thèmes de prédilections de l'auteur, c'est-à-dire la décomposition du monde bourgeois et la recherche obsessionnelle du sexe et de l'argent, et ce, à travers une lecture marxiste et existentialiste. Le livre sera adapté en film en Italie mais aussi en France en 1998.
Vittorio De Sica tourne aussi en 1960 une adaptation de l'un de ses écrits avec Sophia Loren.

En 1962, Moravia se sépare de Morante et s'établit avec la jeune écrivaine Dacia Maraini avec laquelle il fonde la compganie de théâtre Il Porcospino. Il écrit un temps pour le théâtre qui joue ses textes.

Il Dispresso (Le Mépris) avait été publié en 1954 et Jean-Luc Godard en fait un chef d'oeuvre visuel, narratif et auditif en 1963 à Capri avec Piccoli, Bardot, Palance et Lang. L'année suivante ce sera Les Indifférents qui sera adapté au cinéma en Italie. 

À partir de 1967, il devient un grand voyageur. Il visitera la Chine, le Japon, la Corée, l'Afrique. Il publie en 1971 l'hilarante réflexion sur l'amour, le désir, le desespoir et les impulsions Io e lui (Moi & Lui) l'histoire absurde d'un homme en constante négociation/conflit avec son pénis, autonome et capable de prendre des décisions et de prendre le contrôle d'une conversation.

En 1982, il visite Hiroshima et ceci influence une série d'essai sur le nucléaire et la bombe atomique. Il écrit aussi beaucoup sur la Russie, communiste comme lui.  Il fréquente alors une jeune femme de 45 ans sa cadette. Il l'épousera en 1986. Deux ans avant, il avait été élu au parlement européen en tant que membre du parti communiste italien. Son expérience politique se termine en 1988.

La rigidité morale, l'hypocrisie de la vie contemporaine et la substantielle impossibilité pour les gens de trouver le bonheur de manière traditionnelle que ce soit en amour ou au travail sont des thèmes récurrents chez Moravia. Le mariage en général est souvent mis à mal. L'aliénation est aussi un joueur important dans ses oeuvres. Intelligent, fin, précis, souvent à saveur politique sans être lourd, sans fioritures et souvent fort comiques, l'écriture de Moravia est caracrtérisée par des mots très simples glissés dans des structure syntaxiques très élaborés, des structures psychologiques fort habiles et crédibles et des proposition d'observations encore justes malgré la passage du temps.

Vers la fin de sa vie, le monologue intérieur prend une place importante dans les oeuvres de Moravia.

C'est un brillant observateur du quotidien et un chroniqueur de l'âme hors pair que l'Italie a livré au monde littéraire pour notre plus grand bonheur.

C'était un redoutable auteur qui s'éteignait naturellement à l'âge de 82 ans, aujourd'hui il y a 23 ans.

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