mercredi 9 octobre 2013

Grand Jacques

(à cette jeune fille de 1988 qui avait eu le cran de venir me voir dans l'autobus afin de simplement me dire qu'elle me trouvait très beau. Pour sa part, elle ne serait jamais plus belle que lorsqu'elle me parlait de Brel)

Jacques Romain Georges Brel est né en 1929 d'une mère bruxelloise et d'un père flamand.

Élève très peu intéressé par l'école, il lit toutefois beaucoup. Jack London ou Jules Vernes surtout. Il écrit aussi, des poèmes. Et, intense, monte des troupes de théâtres pour jouer des pièces qu'il écrit lui-même.

Amateur de musique classique tel Ravel ou Schubert, il compose des mélodies sur le piano familial et sur sa guitare alors qu'il n'a jamais pratiqué la musique auparavant.

À 21 ans, il épouse Thérèse Michielsen, secrétaire dans une entreprise d'électricité. Un an plus tard nait de leur union Charlotte. Il chante en 1952 dans des cadres familiaux. Sa famille tente de le dissuader de poursuivre dans la voix incertaine du chant. Brel est têtu et déterminé, il persévère.

Il quitte la Belgique et s'installe à Paris en 1953, année où naît sa seconde fille, France. Il fait quelques concours de chant où il se classe mal. Son grand corps trop maigre, aux bras trop longs, sa dentitition chevaline, ce côté maladroit sur scène, cet air intense et affecté de jeune scout rebute. En tournée, il fait de Catherine Sauvage sa maitresse.

En 1955, il fait venir sa femme et ses deux fillettes en France et la famille s'installe à Montreuil. C'est l'année de son premier 33 tours et de sa rencontre avec Georges Pasquier, qui deviendra son régisseur et son meilleur ami. Georges Brassens l'entend et le voit sur scène et le trouve tout à fait habité de la chrétienneté dans laquelle Brel a été élevé. Brassens le surnommera l'abbé Brel.

En 1956, le premier gros succès. François Raubier devient son accompagnateur au piano en studio et son principal orchestrateur. Gérard Jouannest son compositeur et son pianiste sur scène. Les deux musiciens resteront fidèles à Brel et à son œuvre, au-delà même de sa mort, luttant vainement contre la publication de 5 inédits en 2008 que Brel lui-même jugeait inaboutis. Ils cèderont quand les morceaux sont quand même coulés à la radio Belge.

En 1957, son second 33 tours reçoit le grand prix de l'Académie Charles-Cros et, fin 1958, année de naissance de sa troisième fille, Isabelle, c'est le succès à l'Olympia. L'année suivante, il est tête d'affiche à Bobino, où il crée Ne me quitte pas, écrite pour l’actrice Suzanne Gabriello et La valse à mille temps. Dès lors, les tournées s'enchainent à un rythme infernal, Brel donnant parfois plus de concerts qu'il n'y a de jours dans l'année. En 1960, il achète, entre Monaco et le Cap Martin, une maison qu'il occupera jusqu'en 1970. Ses amis y viendront en visite et c'est là qu'il composera La Fanette et Amsterdam.

En 1962, il enregistre un hommage à la Flandre. La même année il créé sa sa maison d'éditions musicales (Arlequin) que sa femme, Thérèse, dirigera. En 1963, il interprète Les Vieux en référence à ses parents. La mort de son père, suivie de très près par celle de sa mère, amène Brel à évoluer vers des chansons de plus en plus dramatiques

En 1966, Jacques est au sommet de son art. Il lance un nouvel album qui outre la chanson éponyme compte plusieurs titres qui deviendront des classiques incontournables de son œuvre. En mai, il choisit, à 37 ans de terminer ses engagements de l'année et d'abandonner la scène, ce qu'il fait en mai 1967. 

Mais il ne chôme pas, il n'est pas le genre. Il tourne pour André Cayatte dans un film populaire puis fait du voilier sur son embarcation personnelle. Deux albums sortent en 1967. En 1968 est lancé un nouvel album, puis il créé au théâtre royal de l'opéra de Bruxelles la version francophone de L'Homme de la Mancha, interprétant lui-même le rôle de don Quichotte aux côtés de Dario Moreno dans celui de Sancho Pança. Le spectacle est repris à Paris avec autant de succès. Au début de l'été 1969, Brel est mon Mon oncle Benjamin, dans le film d'Édouard Molinaro, dont il compose la musique avec François Raubier. 

Il tournera encore plusieurs autres films et en réalisera lui-même 2 : un en 1971, partageant l'affiche avec Barbara puis l'autre en 1973 qui sera, celui-là, un échec. 

Pour son dernier rôle au cinéma, il campera le dépressif François Pignon, le personnage récurrent de Francis Veber, face au tueur à gages Monsieur Milan, incarné par Lino Ventura, dans L'Emmerdeur, à nouveau réalisé par Édouard Molinaro. 

Des traductions anglaises, exportées principalement par Scott Walker mais aussi enregistrées par Bowie, Alex HarveyTerry Jacks et plus tard, Goodbye Mr. MacKenzie, rendent Brel planétaire dans la langue de Shakespeare. Mort Shuman, un ami de Brel, lui consacre une comédie musicale à succès en 1968. 

En 1974, incorrigible fumeur, il apprend qu'il a le cancer du poumon. Il part en voilier avec Madly Bamy rencontrée sur le tournage d'un film dont il prend le titre au pied de la lettre L'Aventure, C'est l'Aventure. Passionné des avions, il est pilote depuis 1965. Madly Bamy lui achète un bimoteur en 1976 que Brel utilise pour transporter des gens entre les Marquises, où il se réfugie, et Tahiti. Il est heureux comme un gamin au volant de ce bimoteur. Ce sont des vols d'à peu près 5 heures chaque fois. 

Il fait paraître en 1977 son dernier album.

Le 9 octobre 1978, son cancer du poumon a raison de lui. 

Bruxellois, Brel se disait chanteur flamand de langue française ; ainsi chanta-t-il quelques-unes de ses chansons en néerlandais, dont la plupart ont été traduites par Ernst van Altena. 

Français pour nos oreilles, il aura été et sera toujours Grand Jacques.

Il s'éteignait aujourd'hui, il y a 35 ans.

    

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