lundi 27 janvier 2014

Bataille de Filles

Je ne vous l'avais pas confessé encore mais l'entrepôt de whisky du Vieux-Port qui m'avait engagé de nuit dans le temps des fêtes, a choisi de me garder sur son payroll jusqu'à plus soif.

Et comme j'ai toujours soif...

Dans cet entrepôt se trouve tout un zoo. Des gens qui troquent leurs jours contre des nuits actives, payantes et parfois souffrantes. Des têtes qui ne veulent pas se montrer de jour. Des gens qui ont perdu tous leurs poils, des têtes marquées par la laideur, des visages aux taches de vins, des grands brûlés. Des hommes qui marchent crochent, et pas parce qu'ils boivent sur la job. En fait peut-être des fois. C'est le boulot idéal pour que ce genre de choses arrivent. Mais ça explique aussi pourquoi un bougre de bougre s'échappe une caisse de bouteilles sur les jambes ou qu'un "lift" accroche un employé en roulant trop vite.

Dans l'entrepôt c'est l'ONU. Hommes comme femmes, tous les continents y sont représentés. Et pas juste les pays connus. L'Italie oui, la Bulgarie, le Chili, l'Argentine, les États-Unis, la Roumanie, le Burkina Faso mais aussi l'Union des Comores et le Royaume du Lesotho. Contrairement à ce que l'on pourrait croire, ces deux employés africains sont loin d'être pauvres. Ils n'ont en fait aucune raison de travailler. Ils le font pour s'occuper et s'amuser. Ils viennent travailler dans des voitures tout à fait surnaturelles. Quand le salon de l'auto s'est tenu, ils ont changé leur voiture pour se commander la dernière trouvaille. Ils pourraient acheter l'entrepôt, l'usine, voire le Québec. They take no bullshit. Ils sont nos baromètres sur ce que l'on a le droit de faire ou non. Ils ne dureront pas longtemps à mon avis.

Ces deux-là sont non seulement d'un autre pays mais aussi d'une planète que je ne souhaite pas beaucoup connaitre. Riche et axée sur les biens de consommations.

Les pauses ne sont pas gérées par nos gérants respectifs. Qu'on ne voit jamais et qu'on soupçonne de têter la marchandise au goulot dans les bureaux. Ils nous saluent quand nous quittons l'entrepôt vers 9h30 avec le regard du hareng fraîchement pêché. Et leurs haleines sont traîtres.
Donc, les gens prennent leurs pauses quand bon leur semble. Et comme le jugement d'une masse est toujours faillible (sinon pourquoi La Voix et TVA?) les employés prennent leur pause n'importe quand.
Et souvent.  
Les fumeurs plus que les autres.

Comme je ne fume pas, je ne prends donc jamais de pause. J'ai réalisé ça seulement dernièrement. Je ne me repose jamais. J'ai l'impression que je n'ai pas le droit. Me reposant partout ailleurs tout le temps. Au volant de ma voiture, entre deux traductions en regardant un film, ici en vous piochant au clavier.

Toutefois, ce matin-là. j'ai choisi de jouer au fumeur et sans fumer, j'ai suivi la parade des employés qui sortaient de l'entrepôt pour aller braver le froid et prendre entre 15 et 20 minutes off à faire de la buée au grand air. (J'aime le froid)

Le Vieux-Port est merveilleux à l'aube. Et si ce n'était des mouettes qui se battent pour des restes de fast food le décor serait paradisiaque. Mais ce matin-là, ce n'était pas des mouettes qui criaient, c'était deux femmes, de l'entrepôt de linge tout juste aux côtés du nôtre, en face en fait.

Cet entrepôt est identique au nôtre. Surtout des travailleuses et surtout d'origine étrangère. Certaines sont très jolies et essaient de flirter avec nous qui sommes surtout mâles. Mais ce matin-là, pas de flirt.
Du sang.

Une maigre brune tapait violemment sur une plus ronde mais tout aussi brune. Elle se tenaient toutes deux par les cheveux et la plus ronde était au sol, le visage empourpré par les assauts de l'autre. Elles se criaient des choses en espagnol mais je ne crois pas que c'était des invitations à dîner ensemble. Après quelques roulades dans la neige rougi par le sang de l'une d'elle, bien des cris et des scènes ultra disgracieuses, la plus maigre a tenté de se réajuster les cheveux. Comme si bien paraître était soudainement "à-propos" dans cette séquence honteuse et houleuse. Elle a tout juste eu le temps de mettre la main sur sa couette que l'autre lui a resauté dessus et, plus ronde, l'a écrasée au sol.

Sans réfléchir, j'étais soudainement entre les deux à les séparer et à manger un coup de poing de je ne sais trop qui derrière la tête.

C'était d'une laideur que seule l'architecture du Collossus de Laval pouvait accoter.

Mon lever de soleil sur le Saint-Laurent, bavé par deux chipies en furie.

On m'a raconté qu'elles ses battaient pour l'attention d'un gars qui ne s'intéressait ni à l'une, ni à l'autre.

What the fuck?

Quelle planète tendue!

Ce que j'ai trouvé plus bête encore, c'était tout ses gens autour qui ne faisaient rien et qui semblait même trouver amusant de voir deux "chicks" jouer au "rooster".

Le non-interventionisme  peut parfois être aussi lâche que les attaques les uns contre les autres.

Une "pock" derrière la tête ça vaut la peine quelques fois. Cette fille au sol serait morte.

Santé mesdames!
(les hommes ne valent pas tant que ça... sauf peut-être deux Africains chez nous...)

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