mardi 6 mai 2014

Sainte-Mathilde

Depuis quelques jours laideur et extrême beauté se côtoient.

Planète bipolaire.

Chaque fois, pour que la beauté naisse, il aura fallu extrême laideur ou encore terrifiante horreur pour la précéder.

Racisme multiple dans le sport/solidarité du web et sanction exemplaire.
Rob Ford fait toujours le gland/ Rob Ford se prend finalement en main (pas le gland! bande d'esprits mal tournés)
Bruins de Boston/Canadiens de Montréal
Mystère de la mort de Jean McConville/ Arrestation (puis libération) de Gerry Adams.
On a annoncé le risque du SIDA minimisé avec les années, mais ce SIDA a déjà trop tué.
Mort abjecte d'une orthophoniste vélocycliste de 33 ans/ résolution de la ville de Montréal afin de revisiter les règles vétustes de partage de la route entre cycliste et automobiliste.

Mathilde Blais était à Montréal depuis seulement 10 ans. Originaire de Québec comme moi, elle a surement eût droit à toutes les mises-en-garde un peu ignorantes des gens du 418. "Montréal c'est une grosse ville sale impersonnelle", "C'est plein d'étranges pis de gens bizarres (sic)". "Le monde i's parlent en anglais!".  Et la pire des pires ignominies : "Mourial (sic) c'est pas une ville pour élever des enfants!".

Mathilde avait trouvé sa famille et ses enfants: les jeunes élèves de l'école primaire Ludger-Duvernay à Saint-Henri. Pour s'y rendre, elle avait aussi trouvé le moyen plus sain possible pour le faire: en faisant du sport. Elle pédalait en vélo pendant une heure. 600 voyages en BIXI l'an dernier. Au moins 43 déjà cette année. Le dernier aura été fatal. Dans ce que les gens appellent avec un peu moins d'humour maintenant "le tunnel de la mort" sur la rue S-Denis, coin des Carrières*, Mathilde Blais, en BIXI, a été happée à mort par un camion sous le viaduc il y a 8 jours et aussitôt, compassion et colère se sont entremêlées. On commençait tout juste à évoquer le malaise perpétuel du partage de la route sur l'île entre vélo et moteurs que la mort venait donner un grand coup.

Mathilde Blais était de l'avis de tous, extrêmement généreuse. Et très aimée. Et même si elle n'avait été ni l'un ni l'autre, peu de choses peuvent nous faire décolérer d'une mort aussi absurde. C'est Albert Camus qui disait que la mort la plus bête possible, la plus absurde, c'était de mourir dans un accident de voiture. Pour rien. Et c'est exactement comme ça qu'il est mort! Traiter de l'absurde et en mourir!

Mathilde n'était que joie. Elle aimait passionnément son travail et ses élèves. Ceux-ci le lui rendaient bien. Les petits élèves ne sont pas cons, même si on les as surement protégés de cette atroce nouvelle de départ précipité, ils savent. Et le choc doit être grand.

Il a été grand pour une large portion de la communauté vélocycliste de Montréal et d'ailleurs. Ça n'a jamais, JAMAIS été facile la cohabitation pédale à running/pédale à gaz. Micheal Hutchence de la formation INXS, en est mort en quelque sorte. J'ai un ami qui a dû lancer une bouteille d'eau vide en plastique à un chauffard une fois pour lui faire comprendre sa dangerosité. J'ai moi-même été témoin d'un jeune patineur à roues alignées (fautif) qui était aller se cogner la joue sur le devant de la voiture d'une femme avant de repartir faire sa route, vivement secoué. LE LENDEMAIN de la mort de Mathilde Blais, un cycliste, armé d'une caméra sur son casque circulait au même endroit que (feu) madame Blais et se faisait à la fois klaxonner par une voiture, mais aussi sommer d'emprunter le trottoir (Ce qui serait une amende de 37$)par celle-ci. Et ce cycliste ne se faisait pas sermonner par n'importe qui, C'ÉTAIT UN EMPLOYÉ DE LA VILLE DE MONTRÉAL!

C'est dire comment la confusion, l'ignorance et la mauvaise communication est totale à cet égard. Et croyez-moi la haine est féroce entre les automobilistes et les cyclistes. Chacun avec sa dose de mauvaise foi parfois, mais souvent aussi avec raison. Il y a des mauvais conducteurs à volant comme il y en a autant à guidon. L'apprivoisement demande toujours du temps.

Il y a une véritable révolution culturelle du vélo à mettre sur papier mais surtout sur nos routes et il ne faudrait pas attendre les dizaines de morts pour le faire.

En attendant, hier, soir 7 dodos après l'ultime dodo de Mathilde, des Montréalais, certains qui la connaissaient, d'autres qui n'étaient que des amis du guidon ou de simples gens touchés par cette fin abrupte en plein élan, se sont rassemblés sur le lieu maudit. Ils ont pleuré, ils ont laissé quelques gerbes de fleurs, mais ils ont surtout posé un vélo peinturé entièrement en blanc près du viaduc de la mort. Cadenassé à un poteau.

Qui, à défaut d'être un nouveau code de partage de la route, sera un rappel éternel non seulement de Mathilde Blais, mais aussi du partage nécessaire (et sain) de la route entre automobilistes et cyclistes.

Il est beau le vélo blanc.
Beauté précédé par l'horreur.
Faudrait pas que Montréal ait des vélos blancs de la sorte partout.

Même le nom de la défunte rimait avec "laid".

Mais son prénom rimait avec splendide.

Mathilde était splendide.
Sa mort, stupide.

J'espère que ta mort nous fera grandir, Matty.
R.I.P.

* Je suis passé à cet exact endroit (habitant tout près et me rendant à l'UQAM) des centaines de fois en patins à roues alignées entre 1993 et 1994...

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