vendredi 18 juillet 2014

Mémoires Sélectives

J'ai en général une excellente mémoire.

Tiens, l'autre jour jouait à la radio dite "commerciale" une vieille chanson de Peter Gabriel datant de 1982. Bien que je ne l'avait jamais réentendue depuis à peu près 1988, voilà que je chante en parfaite synchronisation dans ma voiture:

Fox the fox
Rat the rat
You can ape the ape
I know about that!

Je peux aussi me rappeler d'à peu près tous les numéros portés par les joueurs des 21 équipes de la LNH entre 1980 et 1983.

Les choses importantes comme vous le voyez bien.

Toutefois quand j'ai croisé Tanya Rolin, ce n'est pas moi qui l'ai reconnue, c'est plutôt elle.

"HUNTER JONES! ha ben maudit! ça fait un bail!"

En effet, ça devait faire facilement 25 ans. Nous étions jeunes, innocents, ados, nous avions la vie devant nous et le sexe était notre vitamine. Du moins entre Tanya et moi. 25 ans plus tard, elle avait toujours cette coquinerie dans l'oeil et le sourire, mais elle avait aussi un colosse à ses côtés dans le rôle du "chum" officiel. Moi à mes côtés, j'avais l'amoureuse, que je me suis empressé de présenter et qui allait beaucoup s'amuser de notre échange.

"Heille Antonio! Hunter a été un chum que j'ai eu on avait quoi? 16-17 ans...wow!...c'était fou..."dit-elle suffisament vaguement pour que puisse naître une once de jalousie dans le visage de cet italien en camisole. Était-il italien? en tout cas il avait la gueule de l'italien.

"Salut, moi c'est Jones, Hunter Jones"
" Salut moé c'est Tony Zepperrelli"

Italien.

Après s'être raconté 25 ans d'errance sur terre en quelques minutes, Tanya, qui pataugeait dans la nostalgie comme un libéral nage dans la corruption s'est amusé d'un souvenir que j'avais promptement oublié.

"Tu te souviens quand tu avais cette entrevue super importante pour le club vidéo, je t'avais forcé à porter ton kit jaune et noir parce que tu était terriblement beau avec ton teint foncé l'été dans ses couleurs et que c'était les couleurs du club vidéo en question, tu t'étais rendu et c'est toi qui avait lavé ton kit la veille et fais le séchage tout seul et sans t'en rendre compte tu t'étais présenté avec une paire de mes petites culottes de collées par la statique dans ton dos, probablement oubliées dans le séchage..."

"I' avait tu eu le job?" a demandé ma blonde en rigolant.

"Non, pis en plus y avait appelé le lendemain pour demander pourquoi"

Tout le monde riait. Moi aussi. Je ne me rappelais pas de ça précisément, mais me rappelait un peu avoir subi le mépris d'une intervieweuse qui retenait des soupirs à chacune de mes réponses (arrogantes réponses, sans contredit) et que je m'étais appliqué à envoyer chier au téléphone le lendemain lui donnant toutes les raisons de non seulement ne pas m'avoir engagé mais aussi de me bannir de ce club vidéo à vie.

On supprime peut-être inconsciemment quelques moments d'humiliation comme ça...

Puis elle a enchaîné avec une autre anecdote dont je ne me rappelais plus. Cette fois, un moment où j'avais si bu que j'avais vomi dans le taxi qui nous ramenait et celui-ci avait refusé que je le paie tellement j'étais repoussant.

J'étais la tête de turc de tous et ça faisait rire tout le monde.

Puis, fière de son succès avec ses anecdotes, elle a menti.

"AH et puis cette fois où au restaurant tu voulais faire ton frais avec le serveur et tu avais commandé par mégarde un BIDET d'eau: LES BIDETS C'EST POUR LES TOILETTES!" a-t-elle hurlé dans un tonnerre hystérique de rire qui ne mentionnait pas que c'était plutôt ELLE qui avait commis cette erreur en ma compagnie au resto et non le contraire.

Cette fois, comme si elle tenait à lister tout le ridicule dont j'étais l'objet et qui nous avait séparé, je l'ai pris légèrement personnel. Invente si tu veux, mais pas à mes dépens! Au lieu de la contredire juvénilement ou de chercher le serveur 25 ans plus tard pour qu'il confirme mes dires, je l'ai relancée.

Plus immature encore.

"et toi...tu te souviens de cette fois où nous avions fait l'amour à Kingston et que tout juste avant tu t'étais débarrassé de ta gomme dans un papier mouchoir que tu avais déposé sur la table de nuit. Hop! hop! au galop! on joue au cowboy de nuit puis, après la relation sexuelle, tu reprends le même mouchoir par mégarde, tu te le passes entre les jambes...et entre le poil pubien et le papier mouchoir cette longue gomme qui ne se détache plus de ton sexe..."

Le froid qui a atteint le trio lors de la chute de cette anecdote pouvait rivaliser avec les froids sibériens.

Fait pas chier, Rolin.
On ment pas pour rien.

On s'est tous quitté plus ou moins froidement en s'échangeant nos adresses Facebook.

Je ne vais jamais sur Facebook.

"Bidet!" a rigolé l'amoureuse au lit le même soir.
Je n'avais plus de force pour me défendre.

Tanya sucks.
Suçait aussi.
Enfin...
La ferme, Jones.

Aucun commentaire: