samedi 30 août 2014

Opération Bananafish

(À la mémoire de ces héros d'antan)

C'était 3100 soldats qui étaient débarqués. Dès les premiers jours plus de 2000 allaient mourir sous les tirs allemands.

Sonny Jillich était de la 4ème division, la seconde vague à débarquer sur les plages de Normandie. Il a vu tomber toute la première vague. Une vraie surface lunaire. Que des cadavres. Mais il fallait foncer. Il fallait prendre Edmondeville. Et ils allaient miraculeusement le faire. Malgré les ruses allemandes.

L'une d'elle, consistait à envoyer un des leurs, un allemand, les bras dans les airs, pour donner l'impression qu'il était seul à tirer et qu'il se rendait. Le réflexe naturel était de baisser sa garde, du moisn devenir moins vigilant et resté concentré sur le soldat qui se rendait. Les autres soldats allemands allaient ensuite faire éclater la tête de la plupart en tirant cachés dans les bois, après avoir marqué un temps de répit.

Jillich allait survivre. Seulement 17 de son unité (originalement de 65) allaient survivre cette étape. Avec tous les hauts gradés assassinés, il fallait maintenant improviser dans les rangs et Jillich, simple colonel, allait monter en grade involontairement.

Les ruses allemandes étaient multiples. On s'organisait pour blesser gravement un soldat allié et le rendre incapable de marcher. On lui collait une bombe dans le dos. Quand quelques autres venaient le secourir, le blessé ne pensait pas à la bombe, il ne l'avait peut-être même pas réalisé qu'il avait ça dans le dos, et tout le monde sautait.

Quand on investissait une maison que les Allemands venaient de quitter, il fallait prendre garde, dans l'ordre, au lit, au bol de toilette, à une chaise vide ou à un portrait d'Hitler sur le mur. Comme les soldats ne dormaient pas, mais tombaient plutôt exténués et leur sommeil ou leur temps de récupération pouvait ne durer qu'une minute et demie, ils avaient tendance à se laisser tomber dans un grand lit hospitalier. BOUM! Ils avaient peut-être aussi envie de se soulager à la salle de bain et de s'essuyer avec autres choses que des feuilles: BOUM! La fatigue les poussait peut-être à s'asseoir le temps d'un instant: BOUM! Et le portrait d'Adolf était si facile à arracher du mur avec rage...BOUM!
Des bombes allemandes plantées partout.

Jusqu'à la bataille des Ardennes, de mi décembre  1944 à fin janvier 1945, Sonny Jillich survivrait à toutes les batailles. Se demandant chaque fois pourquoi. Passant des nuits froides couchés l'oeil à moitié ouvert dans des trous creusés dans les forêts.

En avril 1945, il serait parmi les premiers à découvrir les premiers camps de concentration Nazis.
Et ses restes humains...

Des centaines de juifs nus, dont la peau était devenue caoutchoutée, filamenteuse ou tout simplement noircies et amincies, s'empilaient à gauche et à droite. Certains n'étaient même pas morts encore. L'un d'entre eux, en voyant les soldats alliés arriver avait tenté d'applaudir de joie mais il n'avait plus de mains, que des os, et ceux-ci restaient pris les uns dans les autres.

Si le débarquement avait été un choc. les batailles suivantes allaient être pires. Et la découverte des camps d'extermination seraient le traumatisme ultime.

Sonny Jillich avait vu de ses yeux des morts-vivants. Il était lui-même devenu mort-vivant. Son cerveau avait encaissé et ses yeux ne seraient plus jamais les mêmes.

Il n'était qu'un enfant de 22 ans. Il le resterait plus jeune encore mentalement.

Il allait survivre à cette sale guerre, mais dans un état mental qu'on aurait souhaité à personne.
Participant de 225 jours de guerre sur les 337 des alliés, il serait décoré, mais à jamais, cicatrisé.

Dans l'âme.

Il se poserait la question toute sa vie: "Avons nous gagné la guerre ou sommes nous tout simplement arrivés trop tard?"

N'obtenant jamais réponse à sa question.
 

Aucun commentaire: