vendredi 31 octobre 2014

La Jupe Rouge

Jess était toute excitée.

Elle allait ce vendredi à un party.

Elle avait acheté une nouvelle jupe rouge et elle attirerait définitivement l'attention quand elle l'enfilerait.

Sa mère, une femme ultra conservatrice et pro-vie,  lui avait interdit de se rendre à ce party sous prétexte que c'était une soirée organisée par le diable.

Au Chérubin Protecteur... franchement.

 Jess s'en moquait. Sa soirée allait se dérouler comme elle l'entendait et peut-être pour la première fois de sa vie, les interdictions de sa mère ne la contraindrait en rien.

Elle attendrait que celle-ci se couche (toujours de bonne heure) et elle se rendrait au Chérubin Protecteur de toute manière. Habillée de son kit rouge dévastateur.

Le Chérubin Protecteur était ce bar underground situé au coeur de Tantateurdezum, la région où habitait Jess. Elle s'y rendait rarement, mais ce vendredi là, elle voulait montrer ses jambes, affronter les regards mâles, se faire du bien.

Jess était en feu.

Le Chérubin Protecteur, vers 23 heures, débordait de mortels en train de danser sur des bons beats. Il y avait les traditionnels zombies accrochés au bar, tels des chauve-souris passives au plafond d'une grotte. Toujours les mêmes garçons, célibataires, non-danseurs. voyeurs plus qu'entremetteurs. Sur le plancher de danse, pour la plupart des filles. Elles étaient si présentes sur la petite piste de danse qu'on avait empilé toutes les sacoches en plein milieu et toutes les dames dansaient autour. Jess se joignit rapidement à eux.

Tout de suite, elle sentit l'impact qu'elle avait sur l'assemblée. Les gars la remarquèrent et la reluquèrent sans relâche. Certains trouvèrent même, en la regardant, l'élan qui manquait pour se découvrir une envie de danser.
Les autres filles ne pouvaient pas l'admirer. Jess était une rivale. Elle générait l'attention que les autres filles convoitaient aussi. Elle n'était pas une régulière du Chérubin, la nouvelle écoeurait la cour des veuves de l'amour.

Mais il fallait bien qu'elles se l'avouent entre elles, Jess avait du charme. Elle dégageait ce je-ne-sais quoi qui la plaçait au-dessus de la mêlée. Même les morceaux jugés indansables par les autres, elle les rendaient mémorables grâce à une série de mouvements bien agencés mêlant élégance, sensualité et style. Jess était une star et le savait depuis qu'elle avait essayé cette robe rouge en boutique.

Parmi les ombres, un mâle se distinguait des autres. Un grand garçon qui, simplement par sa taille et ses longs cheveux en imposait. Il avait les cheveux très noirs, presque bleutés. Il était aussi tout vêtu de noir, ce qui donnait alors une silhouette plus svelte. Il s'appelait Yannick Sath mais n'aurait jamais à le dire à Jess puisqu'il était un homme de regard plus que de mots.

Et c'est par le regard que Jess et Yan se rencontreraient d'abord.

Tout le monde les regardait tous les deux, mais Jess et Yan s'étaient vus.

Jess dansait en se confirmant qu'elle avait bien dans l'idée que rencontrer un beau mâle pourrait tomber dans l'ordre des choses. C'était dans les possibilités de sa soirée. Jess s'en trouvait intérieurement excitée. Elle dansait sur l'envie de ces probabilités. Comment allait se terminer sa soirée? OÙ allait se terminer sa soirée? Et dans quel état?

Yan alla la rejoindre sur la piste de danse et les deux dansèrent ensemble.
À elle seule, elle dégageait déjà beaucoup, mais avec Yan, le charisme faisait exploser le thermomètre. Bien vite, les filles aux sacoches se tasseraient tout naturellement pour leur céder la piste de danse à eux seuls.

Ils étaient le show.
La sensualité avait atteint de nouveaux niveaux.

Il faisait chaud.

Dans leur chorégraphie inspirée et guidée par l'amalgame des éclats des testostérone et de phéromones phénoménales, leur réinvention du flamenco attirait maintenant tous les regards.

Jess elle-même ne lâchait plus son partenaire du regard et les orbites pâles des yeux de Yan plongeaient dans ses yeux à elle, étoilés.

Elle ne voyait plus sa rétine.

Jess baissa le regard sur ses propres jambes afin de voir si elle était toujours bien armée pour le charmer. Elle découvrit, au terme de sa propre cheville à elle...un sabot de chèvre... son autre pied, même chose...elle leva la tête, affolée, sur son cavalier. Ses cheveux longs s'étaient transformés en barbe lui montant presqu'aux joues. En baissant les yeux sur ses jambes à lui, elle découvrit deux cuisses poilues de sanglier...et derrière une pointe de queue...fléchée...

Il y avait le feu dans la maisonnée.

Hell of a soirée.

Jess en resterait toute excitée.

Pour l'éternité.

jeudi 30 octobre 2014

La Manifestation Féministe Étoufée

Mercredi dernier, pas hier l'autre, une massive manifestation féministe a paralysé les rues de Barcelone en Espagne.

En Amérique, le même jour, un déséquilibré tuait un soldat à Ottawa et tirait du fusil dans le parlement de la capitale canadienne. Cette seconde nouvelle allait écraser l'attention que l'on aurait pu porter à la première nouvelle.

Les manifestants espagnols ont bloqué le trafic, les accès au métro et le métro lui-même, peinturé des slogans féministes sur les murs de la ville et ont occupé les bureaux des gens d'importance politique et économique de Barcelone.

Dans les dernières années, les espagnols ont eu leur lot de mouvements de grève. Pratiquement tous reliés au travail. Jamais n'y avait-il eu de gestes réels de révolte sur la condition de la femme espagnole.
La maternité compulsive exigée par les hommes. la violence faite aux femmes, les réformes législatives qui soudent davantage les iniquités sociales dont les femmes sont déjà victimes au travail, les coupes dans les programmes sociaux dont la presque totale majorité des travailleurs sont des travailleuses, sont les griefs qu'exposaient en gros les manifestants.

Le même jour en Espagne, des étudiants allaient débuter une grève de trois jours afin de protester contre les coupures dans le milieu de l'éducation. Et ça, ça serait couvert par les médias. Des médias machistes de surcroît.

C'était plus de 600 groupes féministes différents qui étaient sur place.
600 groupes de plus d'une personne. ça fait beaucoup de monde déjà.

La crise économique est mondiale. Additionnée à la tension catalane, l'Espagne est une marmite qui menace toujours d'exploser. La crise de l'emploi est une tache dans la paysage espagnol. 50% des gens de moins de 25 sont sans emplois. Regardez autour de vous, il s'agit d'une personne sur deux. Vous imaginez un de vos amis sur deux qui soit sans emploi? La tension perpétuel que ça créerait?

L'Espagne est actuellement l'un des pays comptant le plus de diplômés universitaire, mais personne, une personne sur deux. ne réussit à décrocher un emploi. C'est une génération entière que l'on bâillonne. Ce rassemblement c'était pour faire entendre leurs voix. Même si personne dans le monde ne les écoutait.
À long terme, ces forces fraîches laissées dans les gradins auront un effet sur la productivité de certains domaines.

Je vous ai parlé des Catalans tout à l'heure. Ce sont les Québécois de l'Espagne. Ils veulent se séparer de l'Espagne depuis longtemps. Ils voteront sur le sujet le 9 novembre prochain. Ils prendront tous les désenchantés de l'Espagne sous leur aile si il le faut pour gagner leur cause. Ça créé des tensions. Le taureau rugit.
La Catalogne possède traditionnellement un important produit intérieur brut qu'elle a l'impression de dilapider aux Espagnols qui ne leur en sont pas reconnaissants.

Les femmes dans les rues de Barcelone y sont descendues car elles ressentent les contrecoups de tout ça. Elles se sentent prisonnières d'un système patriarcal qui les prend pour acquis. On pouvait lire "Muerte al Patriarcado, Huelga de Cuidados" sur les affiches dans la foule du mercredi 22 octobre dernier. "Mort au patriarcat, les aidantes naturelles sont en grève!" en serait la traduction libre.

Libre.

Un mot que les femmes espagnoles voudraient bien savourer.

Une dirigeante d'entreprise a rajouté de l'huile sur le feu quand elle a affirmé haut et fort qu'elle préférait engager des femmes de plus de 45 ans afin d'éviter les problèmes de congé de maternité.

En fin de journée, pendant que le Canada cherchait toujours un second tireur et que l'hélicoptère TVA faisait des rondes pour emmagasiner de l'image aérienne. c'était des milliers d'Espagnols qui meublaient les rues de Barcelone. Surtout des femmes, mais beaucoup d'hommes aussi. Et des gens de tout âge, pas juste des jeunes, disponibles parce que sans travail de toute façon. On pouvait encore lire "Stop Pujades" sur les murs, par référence aux augmentations de tarifs dans les moyens de transport, une colère qui ne dérougit pas au pays.
Plusieurs ont même souligné qu'il manquait des centaines de femmes sensibles à leur cause sur place, qui doivent composer avec deux ou trois jobs en même temps, des jobs humiliants et sous payés et probablement occupées à y bosser le jour de la manifestation.

Si l'Espagne ralentit à tous les niveaux, économique, politique, sociaux, la femme espagnole. victime collatérale de cette dégringolade sociétaire, est placée en mode survie.

C'était des milliers de têtes hors de l'eau qui voulaient éviter la noyade qui se pointaient dans les rues la avenida Meridiana, la Gran Via, la avenida Diagonal et El Paralel.

Ma cousine habite Barcelone, son mari, un espagnol, y enseigne.
Elle ne travaille pas.

Ils ont l'âge d'avoir des enfants.

Le même regroupement compte frapper un plus grand coup encore au printemps 2015 si la situation ne s'améliore pas.

Quand les gens auront le goût d'écouter.

Ce n'est pas une révolte prétendent-ils.
C'est du désespoir.  

mercredi 29 octobre 2014

Aînés & Compagnie

Je n'ai pas connu mes grands-parents.

Il me semble qu'il me manque une partie de bienveillance parce que je n'ai jamais connu la dynamique de trois générations. En tout cas, pas du point de vue de l'enfant. Je n'ai pas tellement connu mes grands-parents.

Trois de ceux-ci sont décédés alors que je n'avais pas encore deux ans et la troisième est décédée alors que j'avais 11 ans et, pourri, n'avais pas du tout saisi encore l'importance d'une telle personne dans une vie.

Plus je vieillis, plus je réalise que cette seconde option, celle d'avoir l'avis, la vision, l'expérience, les conseils, d'une autre réalité que celle de mes parents pouvaient avoir un jour eu un certain impact sur ma vie. Surtout cette grand-maman maternelle, la seule que j'ai un peu fréquenté. l'Atikamecw, l'écrivaine, l'artiste. J'ai un triste souvenir de cette fois où mes parents avaient dit que c'était elle qui allait nous garder et que j'avais réagi en terrrrrrrrrrrible enfant gâté, la blessant surement, en disant "oh noooooooooooooooooooooon!" devant elle.

Quel enfant idiot j'étais.
Si je m'en rappelle, c'est que soit que j'ai été grondé pour mon comportement odieux ou encore que j'ai eu conscience de la peine que je créais. Ou les deux.

Mais à la fin de ma vie, avoir une conversation d'adulte avec des grands-parents aura été une chose qui m'aura toujours manqué.

Mais, faute d'en avoir connu vraiment, j'ai aussi tendance à ne voir que le côté rose d'avoir un grand-parent dans nos vies.
Le côté avantageux pour moi/nous.

Il y a certainement ce moment dans la vie d'un grand-parent où celui-ci devient légèrement plus "égaré" dans les chorégraphies de nos vies. Où les priorités du grand-parent n'ont rien à voir avec les vôtres et que les inquiétudes de l'un viennent agacer la manière de mettre un terme aux inquiétudes de l'autre. Où le fossé entre la réalité de nos jours et tout ce que l'aîné a vu, appris et tout ce qui l'a bâti aujourd'hui, ne fait que se creuser davantage.
Mon père avait une aversion complète pour les cartes de crédit et les guichets automatiques. 1995 l'a rattrapé quand nous étions en Europe dans un lieu qui ne prenait QUE les paiements avec cartes de crédit. Après un temps de confusion et de considération d'alternatives, il a réalisé qu'il avait une carte de crédit, mais qu'il ne l'avait jamais utilisée puisque ça ne rentrait pas dans sa conception de la vie. Quand il a voulu l'utiliser, elle était expirée depuis deux mois...
C'est moi qui ai dû utiliser la mienne pour nous dépanner et il m'a remboursé par la suite.
Mon père était déstabilisé avec son argent dans les mains. Il ne comprenait pas que l'on puisse refuser de l'argent, ça ne rentrait pas dans sa conception des choses de la vie.

Entre les aînés et la société, il doit y avoir de plus en plus de choses qui entrent en conflit avec ce qui ne rentre pas dans leur conception des choses de la vie.

Quand je pense aux grands-parents que j'aurais pu connaître encore aujourd'hui, je ne pense pas non plus aux déceptions potentielles. Les leurs par rapport à nous, les nôtres par rapport à eux, les leurs par rapport à leurs enfants (nos parents) à cause de nous et de nos choix de vie. Je ne connais rien de la dynamique avec les aînés et ça a toujours teinté mes rapports avec eux. Je ne dirais pas que je suis "mauvais" ou injuste avec eux, mais je suis disons, plus ou moins patient avec un aîné.

D'une génération à l'autre, les attitudes ne sont pas toujours au diapason et c'est tout à fait normal. On ne part pas tous d'une même période sociale et la résistance face au changement devient plus grande quand on vieillit.
Je regarde ma propre résistance au simple document Power Point*, que je déteste et que je refuse de créer, comprendre ou réaliser, trouvant l'ensemble aussi irritant, que la création de diapositives, et je me dis que j'ai déjà le pied du côté des aînés . Désagréable, obstiné et têtu je suis là-dessus.

Il doit y avoir un moment où on tolère des commentaires, des comportements, des réactions ou des idées de la part de ses grands-parents en faisant comme si ça ne nous gênait pas alors qu'au contraire, on se trouve fort agacé de la vision, de l'idée ou du comportement en soi. L'inverse doit être aussi fréquent, sinon plus, alors que certaines pratiques de la réalité de nos jours peuvent être de grands irritants pour l'aîné.

Je repense à celui qui nous avait vendu la maison que nous habitons. Il nous en voulait à mort d'avoir fait évaluer la maison qu'il avait bâti lui-même avant de l'acheter. Il refusait obstinément de comprendre que faire évaluer une maison est aujourd'hui obligatoire auprès des banques.
Ou encore je repense à mon père, qui avait très mal réagi à une musique que j'écoutais au primaire. Je ne peux qu'imaginer son propre père si je l'avais connu. Dans la même situation. il aurait gardé ses distances comme on le ferait devant de mauvaises décorations polluant notre réalité.

Mais en général on tolère les gens, les choses qui ne sont pas dans le ton. Sinon on aurait dynamité le Colossus de Laval depuis longtemps. On les tolère même si on ne les trouve pas du tout dans le ton.

C'est à tout ça que je pensais quand j'ai regardé l'amusante capsule du maire de Saguenay Jean Tremblay qui dit sa région prête pour affronter l'Ebola.

On se retient un peu pour ne pas rire.

J'attends avec impatience un autre 55 secondes par rapport à la préparation de Saguenay vis-à-vis d'un potentiel tireur fou s'infiltrant dans l'assemblée municipale.

Ils sont drôles aussi nos aînés.
Surtout quand ils ressemblent à des enfants.
Comme Jean.

*C'est mon fils qui aidera ma fille à produire un document power point pour un devoir d'école. 
Je ne veux pas tremper dans cette merde.

mardi 28 octobre 2014

Ben Bradlee

Vous savez pourquoi il n'y a pas eu de film de fiction sur le vie de Muhammed Ali? Parce que le vrai Muhammed a 1000 fois plus de charisme que n'importe quel comédien l'interprétant.

En fait oui, il y en a eu au moins un.

Will Smith l'a incarné à grande échelle, sous la direction de Michael Mann, dans un film couvrant une période de la vie du grand Cassius Clay. Ironiquement, la même période est couverte dans le fantastique documentaire de Leon Gast, David Sonenberg & Taylor Hackford, When We Were Kings.
Et le "charme" de Will Smith rivalise à peine avec celui du grand Muhammed.

Dans le film All The President's Men, film retraçant brillamment comment deux jeunes journalistes du Washinton Post ont fait tomber le Président des États-Unis, Richard Nixon en 1974, il y a Jason Robards qui incarne celui qui allait donner le feu vert à ses deux jeunes journalistes qui avaient un sujet brûlant entre les mains. Le personnage qu'il incarnait était Ben Bradlee, le rédacteur en chef du Washinton Post à cette époque.

Bradlee était un homme qui avait tant de personnalité que William Goldman, le scénariste attitré à adapter cette histoire vraie, avait canalisé une bonne partie de l'humour du film (qui en compte au final assez peu) dans le personnage de Bradlee en inventant pratiquement rien. Toutefois, à la lecture du script, on trouvait que le personnage de Bradlee était si vif d'esprit que l'on craignait que le public ne croit pas à celui-ci. Et pourtant, Bradlee était plus grand que nature. Beaucoup plus animé que la moyenne. Plus animal aussi. Son aura planait sur tout le journal. Aidé de Katharine Graham, propriétaire du journal, qui a risqué la survie de ce journal avec les révélations sur les tricheries du Président Nixon, Bradlee a élevé un petit journal au statut de celui du New York Times.

Journal qui ira le recruter plus tard dans sa vie, d'ailleurs.

Quand un jeune journaliste avait fait un article sur un haut responsable arabe, le journaliste n'avait pu s'empêcher de souligner que cet arabe était fort sur l'alcool. Bradlee, dont l'arabe était un ami, ne l'a pas trouvé drôle et a convoqué ce journaliste à son bureau pour lui demander : "What's that shit about the booze?". Le jeune homme s'est justifié du mieux qu'il pouvait, mais Bradlee, les deux pieds très haut sur le bureau, pratiquement dans le visage de ce journaliste, comme si il voulait écraser un insecte, l'écoutait en laissant la fumée lui sortir par les oreilles. Le journaliste a conclu en disant à Bradlee: " Ne t'inquiète pas, tout ira bien". Bardlee est alors sorti de son mutisme pour lui dire avec rage:
"M'inquiéter? Moi? JE SUIS UN HOMME DANGEREUX! Now get the fuck outta here!"
Laissant le journaliste se poser la question pendant deux trois jours : "voulait-il dire qu'il me renvoyait de son bureau ou qu'il me renvoyait tout court?" (ce fût finalement la première option).

Dans une autre situation, un de ses journalistes avaient reçu une injonction puisque son père était soudainement sous enquête pour une histoire de fraude fiscale. En un seul coup de téléphone, où Bradlee a eu directement la ligne avec le #1 de cette enquête, un big shot, il lui a dit : "If you don't get rid of that case anytime soon, I'll shove that subpeona up your ass so high, It'll change the color of your eyes!", Réglant du même coup le dossier de son journaliste et celui de son père.

Dictant régulièrement des idées, des pensées, des sujets de recherche, des commentaires sur l'actualité dans un dictaphone, il demandait à une assistante de taper tout ça à la machine à écrire. Celle-ci à dû venir lui demander si "Dickhead" s'écrivait en un seul ou en deux mots.

Bradlee était imposant de taille, mais d'esprit aussi. Et abusait verbalement du vocabulaire vulgaire de l'homme de la rue. "piece of shit" "son of a bitch", "shithead" étaient des termes couramment utilisés pour parler des gens et détailler rapidement l'idée de Bradlee sur une personne.

En 1981, le Washinton Post s'est retrouvé dans le pire pétrin journalistique possible. Janet Cooke, une journaliste de Ben Bradlee, a raflé le prestigieux prix Pultizer pour un article racontant le quotidien d'un garçon de 8 ans, accro à l'héroïne. Toutefois Bradlee a vécu l'humiliation de devoir remettre le prix au jury après qu'on eût découvert que Cooke, avait tout inventé.

La plupart des rédacteurs en chef auraient vu leur carrière se terminer sur cette grave note, mais même l'infamie n'atteignait pas Bradlee. Il était trop big, Avait trop de gueule.

Quand le très aimé journaliste du Post, Laurence Stern est soudainement mort en faisant son jogging à tout juste 50 ans, en 1979, Bradlee a pris la parole à un rassemblement suivant son enterrement, Il avait un verre à la main et après un très émotif hommage, à la couleur du personnage, il a lancé son verre contre le mur, le fracassant et éparpillant son contenu tout partout.
Tout les gens qui ont suivi au micro, ont choisi de faire de même. Après quelques mots sur le défunt, ils ont tous cassé leur verre plein contre le même mur. Même ceux qui ne se rendaient pas au micro.

C'est dire l'influence de Bradlee.

Le 21 octobre dernier à l'âge de 93 ans est décédé de causes naturelles, Ben Bradlee.

Causes naturelles...pour un homme presque surnaturel.

Trop extraordinaire pour qu'on le dépeigne à sa juste valeur au cinéma.

Dans l'univers du journalisme, Ben Bradlee était un géant.

Alors que les faux superhéros inondent les cinémas, les vrais meurent.

lundi 27 octobre 2014

Laisse Passer L'Temps.

On a tous nos manières de réagir au stress.
On a aussi tous des sources différentes d'angoisse.

Dans notre maisonnée, le mois d'octobre a été souverainement stressant. L'est toujours.
Triple examens d'admission pour le secondaire pour la plus jeune, multiples rencontres avec des spécialistes scolaires et neuropsychologiques, ratons laveurs persistants autour de la maison, voiture neuve qui fait des caprices, POUX dansant dans la tête de la plus jeune et de la grande, l'amoureuse, qui en devient folle.

Je ne parle même pas encore de la pression au travail et pour l'amoureuse et pour moi.

Et tout ça condensé dans l'espace des 15 derniers jours.

Y a tu que'q'un qui a vu mon coeur caché que'qu'part?

Moi quand le stress me ronge, la musique me sauve.
Il y a cette chanson d'un sympathique acadien qui me colle à la tête.

Je ne savais trop ce que j'aimais de cette chanson. Je l'avoue au début la chanson me rappelait Anna Chapman duquel je croyais, (crois encore un peu) la chanson inspirée. J'aime surtout la simplicité des accords, le crescendo qui, à un certain moment. fait entrer des cuivres, l'accent du "Couche twâ-là".
La répétition du titre qui se rapproche de la comptine. La comptine pour grands garçons.

Je m'aperçois aussi que certaines lignes sont la réelle source de mon affection pour la chanson, Complètement hors contexte par rapport au texte original d'Edgar, mais tout à fait dans le ton des vagues de stress récentes chez nous,  certaines lignes me caressent la peau comme l'eau chaude vient détendre les muscles dans un spa.

Laisse passer l'temps.
Laisse passer l'temps.
(...)
Laisse passer l'temps.

est de loin mon bout préféré de la chanson. Je me l'approprie ailleurs que là où Joseph Edgar la lance. Je le prends comme un conseil. Passif me direz vous, mais un peu bouddhiste aussi je crois bien (bien que je ne connaisse absolument rien au bouddhisme).
J'entends cette ligne et je prends une grande respiration. Parce que j'ai toujours oublié de respirer quand cette chanson survient, depuis 10 jours.

Se souviens de l'odeur...

est aussi une ligne que je me répète aux pires moments de nos mini drames d'octobre.
'me souviens de l'odeur du bonheur et du calme paisible.

J'ose croire que nous rirons de ce mois d'octobre 2014 d'ici Noël, mais en ce moment, nous sommes au coeur d'un incendie qui tarde à s'éteindre.

Oh! rien de catastrophique, on ne parle pas de couple en rupture, ni même de maladie. On est tout juste impliqués dans toutes sortes d'intempéries tellement non nécessaires. Et il nous semble faire tout ce qu'il faut pour les éviter, mais les nuages reviennent!

Laisse passer l'temps.
Laisse passer l'temps.
(...)
Laisse passer l'temps.

Se souviens de l'odeur...

Puis nous pensons au père de Martin Couture-Rouleau qui avait pourtant tout fait pour tenter de sauver son fils. Il a avisé les autorités du danger potentiel que pouvait devenir Martin. Du danger que son fils est devenu. Vous vous rendez compte de la difficulté de prendre une telle décision? Il l'a fait par amour pour son garçon. Qui a déjà été son bébé.
On en a peu parlé, mais ce même père aujourd'hui endeuillé d'un fils, a aussi sauvé sa fille. Celle-ci se laissait endoctriné par les idées malades de Martin et papa est intervenu. Pour la sauver. Il pensait aussi sauver Martin.

Ce pauvre homme est un héros.
Et il doit tellement goûter le sentiment d'échec en même temps...

Et la mère du tireur fou d'Ottawa. Une fonctionnaire qui en a aujourd'hui honte. Existe-il pire vide dans la vie d'une mère que celui du rejet de ses propres enfants? Peut-être celui de leur mort. Zehaf-Bibeau était mort avant de mourir.

Nos problèmes paraissent si petits aux côtés des leurs.

Nous nous démenons comme des chiens par les temps qui galopent par amour pour nos enfants.
Par amour l'un pour l'autre, la belle et moi.
L'adversité est grande, la résistance constante,
Mais nous survivrons.

Notre peau devient dure.

Parce que nous laisserons passer le temps.
et qu'on se souvient encore de l'odeur.

Au moment de lire ceci nous revenons d'une rare fin de semaine en famille complète au condo dans le Nord. Pas vrai, on aura repassé par Montréal samedi soir car des billets pour le match des canadiens contre les Rangers nous sont tombés du ciel.

Tout juste avant de partir que recevons nous par la malle?
L'admission de notre fille à l'école secondaire que nous privilégions.

Comme quoi la vie ne peut pas toujours être si dure après tout.

All right man, Couche Twâ...