mardi 11 novembre 2014

L'Homme qui Sauta Dans L'Histoire et Plongea dans La Mort

Plusieurs grands moments de l'histoire du monde auront été commis par de simples humains tout ce qu'il y a de plus ordinaires dont les gestes spontanés auront marqué l'imaginaire collectif mondial.

On se rappelle souvent les noms des généraux ou des commandants qui ont guidé les épopée glorieuse tout en sachant que c'était les soldats sur le terrains qui leur donneraient ainsi toute leur gloire, parfois au prix de leurs vies.

On a beaucoup parlé des 25 ans de la chute du mur de Berlin cette semaine. On en a presque oublié les raisons de sa construction. Erich Honecker et Nikita Kroushtchev étaient les instigateurs de ce mur de la honte. Honecker étant celui qui allait donner l'ordre de tirer à vue au besoin quand les gens de Berlin-Est, sous contrôle plus austère (et soviétique) tenteraient de fuir pour Berlin-Ouest, sous contrôle allié et aux valeurs et système politique occidental.

Un des soldats de Berlin-Est, montant la garde à la frontière tandis que le mur se bâtissait, était le sergent Conrad Shumann. Il avait 19 ans.

Si à l'origine, tout de suite après la fin de la Seconde Grande Guerre, l'idée de séparer l'Allemagne en 4 contrôles distincts (français, britannique, soviétique et étatsunien) semblait la bonne chose à faire, séparer la seule ville de Berlin de la même manière allait bien assez vite se révéler une impasse, Les soviétiques de Staline n'allaient plus s'entendre avec les trois autres sur les manières de fonctionner et il y aurait Berlin-Est, sous contrôle soviétique et à saveur communiste qui serait membre de la RDA (République Démocratique Allemande) créée en 1949. Il y aurait aussi la trizone occidentale réunie en une seule en Berlin-Ouest qui ferait partie de la RFA (République Fédérale Allemande) créée aussi en 1949. Et avant la RDA.

Conrad Shumann avait grandi, avait été élevé, scolarisé et avait fait son service militaire en RDA.  Alors que les Allemands de l'Est, attirés par la liberté de l'Ouest, y affluent par millions entre 1949 et 1961, les Allemands de l'Est paniquent. Leur jeunesse, leurs ouvriers, leurs femmes, leurs familles, fuient la rigidité de l'Est. Dans la nuit du 12 au 13 août, les Allemands de l'Est veulent freiner cet exode et installe une première clôture barbelées et pose des types de clôtures rigides afin de marquer la frontière séparant l'Est de l'Ouest. Les gens qui fuient seront considérés comme des ennemis de la république et on aura aucune pitié envers eux. Le mur sera construit par des ouvriers protégés par des soldats allemands ainsi que par des tanks soviétiques.

Conrad Shumann est posté au coin de Ruppiner Strasse et Bernauer Strass au troisième jour de la construction du mur le 15 août 1961. Au sergent, on a expliqué qu'il s'agissait d'un mur "antifasciste". Quand celui-ci doit interdire le passage à une fillette qui était en vacances chez ses grands-parents (à l'Est) et qui voulait retourner chez ses parents (à l'Ouest), Schumann est bouleversé. Il doute de plus en plus de la vraie vocation du mur. Il change son fusil armé pour un fusil sans munitions. Il a la nette impression qu'il ne travaille pas pour la bonne cause. Des Allemands de l'Ouest qui le remarquent en train d'être vacillant dans ses décisions à son poste, lui crient "Komm' Rüber!" (Viens par ici!" lui suggérant tant la défection que même une voiture de police s'approche afin de lui faciliter la sécurité de fuite.

Shumann craque et convaincu qu'il allait vivre encagé du mauvais côté du mur, il choisi de prendre une course et de sauter les barbelés, laissant tomber son arme et s'assoyant sur la banquette arrière de la voiture de police de l'Allemagne de l'Ouest.

Les images de sa désertion sont immortalisées par un caméraman qui n'avait rien manqué de ses doutes et de ses hésitations depuis une heure et deviendront un symbole fort de la guerre froide et une source de rage et d'insulte pour les Allemands de l'Est.

Shumann est d'abord "débriefé" par l'armée de la RFA à qui il ne demande qu'un sandwich. Il y passera sa vie, relocalisé en Bavière où il y trouvera femme et emploi (chez Audi). Il n'aura plus jamais de contact franc avec sa famille à qui il écrit mais dont les correspondances sont largement réécrites par la Stasi , la police secrète allemande (de l'Est). Il songe à retourner voir sa famille, mais rapidement on lui fait comprendre qu'il ne s'en sortirais pas vivant puisque là-bas, on le considère comme un traître.

À l'Ouest, il se trouve piégé comme il tentait de ne pas l'être.Il ne souhaite pas vraiment toute l'attention que lui donne l'Ouest, qui le perçoit comme un héros, On fait des statues en hommage à son geste.
Mais ne tient pas non plus à être coupé de sa famille dans l'Est.

Il est encagé. Il sombre dans la déprime et boit beaucoup.

Ce n'est qu'en 1989, quand le mur tombe, que Shumann retourne voir sa famille et ses anciens amis qui ne lui ont pas tous pardonné. Certains le voient comme un courageux gaillard, mais la plupart le considère encore comme un traître. D'autant plus que pendant la chute du mur, son nom et son histoire est revenue à la surface et il pose et signe des autographes comme un héros en Allemagne de l'Ouest. Il feint le bonheur, mais au fond de lui, il est le plus malheureux des hommes.

Le 20 juin 1998, alors qu'il revenait d'un voyage en famille, le poids de sa dépression devient trop lourd. Il se pend. Il avait 56 ans.

Chez lui on retrouve une photo de sa fameuse évasion ainsi qu'une autre de lui-même en compagnie de Ronald Reagan.

Le mur aura été le début de la fin pour Conrad Schumann.
      



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