mercredi 3 décembre 2014

Touchables

Les Femmes portent et donnent la vie.

Ne serais-ce que pour ça, elles nous seront toujours supérieures. On devrait les vénérer. Après Dieu, il y a Elles. Et si vous ne croyez en aucun Dieu, il ne devrait y avoir qu'Elles.

Et pourtant chaque jour nous rapportent des histoires d'horreur sur la condition des femmes dans le monde. J'ouvre la radio et on me rappelle le drame de la Polytechnique qui aura 25 ans cette année. 14 femmes qui ont été tuées de manière parfaitement absurde pour la simple raison qu'elles étaient femmes.

Et cette négligence ancestrale du Canada sur le sort des femmes autochtones disparues. N'ont-elles aucune importance ces femmes-là?

Puis je vais sur le net et j'y lis cette nouvelle en Inde, où les relations hommes/femmes sont toujours assez difficiles à comprendre et à accepter de notre point du vue Nord-Américain. Une bonne nouvelle en soi, deux jeunes filles se défendent face à des garçons qui se croient tout permis à leur égard. J'espère simplement que maintenant que leur identité, aux deux jeunes filles, a fait le tour du monde, qu'elles resteront en sécurité. L'Inde est épouvantable dans ses relations avec les femmes. Le sexe faible, là-bas, c'est l'homme.

Heureusement en Amérique on est dans une vague inverse. Cosby se fait peu à peu pincer les couilles, pas assez à mon goût, mais ça s'en vient, je le sens. Je peine encore à croire qu'il puisse exister des "délais" rendant des causes du genre caduques, alors que tout le monde sait qu'il est extraordinairement difficile de confesser une agression sexuelle.

Les élèves de l'UQAM se dressent, Ghomeshi est fouetté, les députées du NPD ont dénoncé des Libéraux harceleurs. Un bon vent se lève.

Mais vous avez déjà déjà entendu parler des maroquinades?
Ou Marocchinate?

Entre avril et juin 1944, des membres du corps expéditionnaires français, constitué d'une moitié de goumiers marocains et d'une autre de soldats algériens, tunisiens et des tirailleurs sénégalais, sont de passage en Italie Centrale et méridioniale, principalement dans les environs du Mont Cassin, une région appelée Ciociarie

En mai, ces soldats avaient commis l'impossible. ils avaient réussi à contourner les lignes de défense allemandes dans la valleé du Liri. Une zone réputée infranchissable. Ce faisant, ils avaient permis aux soldats britanniques d'avancer jusqu'à la ligne suivante appelés la ligne Hitler. Ce fait d'armes avait été salué par toute la famille militaire anti-Nazie.

Ils allaient à nouveau commettre "l'impossible".

L'histoire veut que les marocains ne voulaient plus se battre. Et que les GI's leur avaient promis 50 heures de "liberté totale" si ils traversaient la ligne victorieusement. Plus de 2000 femmes (et enfants) de la région, ainsi que 600 hommes, ont auraient été violés et dépossédés d'à peu près tout. De leur dignité assurément. Alberto Moravia a écrit un livre qu'il a adapté pour le ciné pour De Sica sur le sujet en 1960.  Plusieurs en sont carrément morts. Des victimes de viol, mais aussi des agresseurs, pris sur le fait. L'Armée a noyé tout ça et la vérité est allée se faire voir ailleurs. Ce n'est qu'en 1996 qu'on a admis du bout des lèvres une certaine responsabilité. Maintenant que tout le monde était mort.

Cette époque est loin. On ose croire que violer impunément, ça se passe ailleurs et il y a longtemps. Quand l'ignorance était plus grande que les moyens pour se défendre.

Toutefois on se tourne vers la Virginie, sur Rugby Road, un nom de rue virile qui mène à la fraternité universitaire Phi Kappa Psi. Une chanson aussi, une chanson pour boire et conquérir.

Conquérir...

Il s'agit bien d'une histoire de conquête. États-Unis et conquête rime presque toujours avec horreur.

En somme, pour tout ceux qui ne veulent pas lire l'anglais ou qui n'ont pas le temps de lire un long article, voici les faits:
Une jeune fille de 18 ans, est invitée par un camarade à la fraternité Phi Kappa Psi, la plus huppée, la plus "fashion" avec les gars les plus cools. Presque tous des fils de familles extrêmement riches. Elle y est invitée pour célébrer le premier vendredi du weekend du congé de l'action de grâce en 2012. Son camarade, qu'elle trouve intéressant depuis qu'ils ont travaillé ensemble comme sauveteurs quelques temps auparavant, l'invite à une intimité plus personnelle à l'étage (où c'est plus calme, dans toute cette cohue"). C'est une grosse fête, tout le monde s'amuse, tout le monde boit. La jeune fille aussi. Un punch servi à l'entrée qu'elle ne finira jamais. Une fois à l'étage, elle est accueillie par 7 complices du gars qui la violeront pendant trois heures.

Elle quittera la soirée la robe déchirée, dans l'indifférence générale et morte de l'intérieur.

Quand elle voudra porter plainte, on recommandera fortement de laisser tomber. Les parents de ces jeunes sont extrêmement fortunés et tiennent la fraternité à bout de bras. Ce n'est pas le type de publicité dont voudrait l'établissement.

C'est un second viol.

L'une de ses co-locataires lui demande le plus sérieusement du monde:
"Tu veux être la raison de la mauvaise réputation de l'université et peut-être provoquer sa chute?"
Une autre a rajouté:
"Tu seras la fille qui aura crié au viol! et qui fera en sorte qu'on ne sera plus jamais admises dans une fraternité."

Avec des amies comme ça...

La pauvre fille ne rencontrera pas beaucoup d'empathie. En tout cas pas un an après les faits, quand elle reconstruit, morceau par morceau ce qui l'a détruite, et dénonce ses agresseurs. L'école lui propose lâchement de parler à la police ou de régler ça avec les garçons. Elle s'en lave les sales mains.

29 des 38 accusations d'agressions sexuelles sur ce campus universitaire sont restées lettres mortes. Seulement 4 ont suivi un processus judiciaire. Les conclusions sont restées confidentielles.

La dignité de l'établissement écrase celle des jeunes filles.
La fraternité en question a sur sa murale cette incroyable image (ici à gauche) qui trahit la culture et l'esprit des lieux. Une jeune femme dénudée au sol, reprenant son soutien gorge d'un mâle qui semble vouloir cacher la présence de l'autre.

Le magazine Rolling Stones a bien tenté de déterrer cette sale histoire, les eaux bougent. mais à peine.

Il semble exister des intouchables et des touchables.
C'est épouvantable.

Dans nos relations avec les femmes, il y a beaucoup de chemin de parcouru.
Mais l'homme des cavernes tirant sa femelle par les cheveux semble encore bien en vie.

Dans mon Amérique, c'est la lie.

Ce ne sont pas seulement des crimes contre les femmes, ce sont des crimes contre l'humanité.

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