jeudi 29 janvier 2015

L'Ultra-Terrestre

L'enchanteuse, La fée septentrion, l'étoile des neiges, la sirène boréale, l'exubérante elfe, cette radieuse femme a attiré tous les sobriquets outre atlantique et extra-terrrestre tellement ses sons nordiques semblaient hors de ce monde.

Et pourtant, Björk est bien femme.

Femme dont je suis tombé amoureux des yeux bridés dès 1988 alors qu'elle était cube de sucre. Elle avait alors 23 ans. Moi, 16,

Mais Miss Guomundsdottir a commencé dans la bizz très tôt. Elle avait déjà un disque en banque au tendre âge de 11 ans. Pendant qu'Abba propulsait les artistes de pays nordiques sur la scène internationale, la petite Björk se laissait pousser par le vent du showbizz musical.
Ce vent nordique la ferait passer du groupe punk entièrement féminin Spit & Snot au groupe de jazz fusion Exodus, au groupe JAM80. Belle manière de passer son adolescence. Moi j'explorais des oreilles la musique, tandis qu'elle y participait activement. (Ses parents étaient d'ailleurs deux animés activistes). 

Elle est l'une des composantes importantes de la scène musicale grouillante de Reikjavik et son joli minois fera même la pochette d'un documentaire islandais sur le sujet, dans lequel elle est aussi intégrée. 

Mon premier contact avec Björk me vient de RBO: Rock & Belles Oreilles. N'oublions pas que ces finissants en communication de l'UQAM sont d'abord en avant tout des animateurs de radio, trippeux de musique comme moi. Et la toute première saison télévisuelle de RBO sur la naissante station TQS nous présente des sketchs comiques des 5 lurons (+Chantal Franke) entrecoupés de pièces musicales de leurs choix en présentées en vidéoclips. De là, le mot "Rock" dans le nom du groupe. Les gars de RBO avaient 20 ans. J'en avais toujours 16. Je découvre le félin visage de l'islandaise.
Je ne sais plus si j'achète ou si je ne vole une cassette des Sugarcubes, mais la cassette verte se retrouve dans mon walkman, Et y séjournera longtemps. Au moins deux chansons m'obsèdent et ne me lâcheront jamais.

À l'aube des années 90, je découvre le jazz. Drôle de hasard, Björk, alors que son groupe se prépare à se séparer, enregistre un projet jazz, que je découvre innocemment. Et que j'achète aussitôt l'année suivante, l'année de parution en Amérique. Björk me plait davantage. Elle apparaît dans toute sorte de projets dont quelques uns ouvrent ses horizons sur le bidouillage musical.

Björk rencontre la harpiste Corky Hale et une session commune en studio se rendra jusqu'à son premier album solo. Je reconnecte avec elle par le biais d'un impressionnant vidéo dirigé par le tout aussi impressionnant Michel Gondry.


Je suis toujours amoureux.

La nef islandaise est partout l'année suivante. Trop. Elle est le toast of the town, Même Madonna lui colle au cul et Bjork lui écrit un morceau (que la Madonne retouche aussi).

Björk devient tant la chouchou des critiques que je m'en lasse un peu. Je sens que ceux qui l'aiment, l'aiment "parce que ça fait cool de le prétendre". Elle ne m'est plus exclusive. Je snobe son second effort qui sera pourtant meilleur. Je trouve un côté "phony" à tout ça et plante mes oreilles et mes yeux ailleurs. De plus, l'attention que l'on porte sur Björk est devenue presqu'exclusivement visuelle et de moins en moins auditive.

Quand en 1997, Björk lance son troisième album solo, il se trouve que je m'abonne au catalogue Columbia qui nous demande d'acheter 12 albums, dans un catalogue précis pour 1$ (1 Cent?) avec obligation d'acheter par la suite un album, plein prix, par mois. Le truc est vieux comme le monde. On achète les 12 albums pour la ridicule somme, on écrit "décédé" sur les enveloppes qui suivront ou encore on existait sous un pseudonyme, ou on est en âge de déménager chaque 1er juillet ou tout ça à la fois, mais on se fait 12 albums vite faits et on fuit Columbia est ses avocats qui ne parlent pas français et qui en resteront effrayés comme tout le monde.
Nettement accroché par son morceau Bachelorette. qui est secondé par cet art qu'elle maîtrise maintenant très très bien: le support visuel, je choisis alors, pour atteindre mon total de 12 albums, de me commander la trilogie de ses trois premiers albums.

Je ne serai jamais déçu de ce trio d'album que j'écoute bien souvent comme un seul triple album.

J'aime le froid, j'essaie de vous emmerder le moins possible avec ça et Björk est tout ce qu'il y a de nordique. Froide dans ses musiques, plus cliniques que chaleureuse, mais grise et lêchée comme cette pochette Homogénique lancée en 1997. J'ai 25 ans. Dans  2 ans, je serai heureux papa.

Björk est mère d'un garçon depuis ses 20 ans. Garçon conçu avec le guitariste des Sugarcubes en 1986.
Elle est aussi mère d'une fille depuis 2002. Crée avec le concepteur visuel Matthew Barney dont elle est la compagne depuis 15 ans.

Les deux artistes habitent ma ville préférée; New York.

J'ai perdu de l'ouïe Björk quand mes enfants sont entrés dans le décor. La suite de Björk je veux dire, Je ne la suivais plus. Trop expérimentale pour l'expérience familiale terre-à-terre qui m'attendait. Les trois premiers albums me suffisaient pour l'oreille. Et ici et là dans un coffret regroupant les meilleurs efforts visuels de Michel Gondry.

Je l'ai même haïe dans un film de Lars Von Trier. Déplacée à mon avis. Mais en même temps, Lars me fait sortir de mes gonds. Et les comédies musicales me sont d'un désintérêt fatal,

En 1996, elle était au bout du rouleau. Quand une journaliste la pourchasse pendant 4 jours et qu'elle attend à nouveau Björk à son arrivée à l'aéroport, Björk perd la tête. Comme si la fatigue mentale ne suffisait pas, la même année, un désaxé envoie à la chanteuse une vidéo de 18 heures où il explique son obsession de la star, la confection de la bombe qu'il vient d'envoyer à son attention (interceptée heureusement par les autorités) et se suicide à l'image.

Björk en sera, à juste titre, bouleversée à jamais. Elle laisse tomber une image un peu "cute" pour devenir plus expérimentale, moins coquette et plus "chose". Des frontières mentales et physiques tombent.  C'est à cette époque qu'elle quitte l'Europe pour toujours.

Elle a lancé un nouvel album il y a une semaine et on en dit beaucoup de bien.
Je n'ai pas particulièrement aimé le nouveau Björk.

Mais j'avais adoré Vespertine lancé en 2001 mais découvert plus tard.
Par son côté aérien, froid, nordique mais aussi étrangement terrestre.
Ses jeux de voix, de cordes et la blancheur de la pochette qui faisait presque penser à la neige et à la glace que j'aime tant.

Je vous le réservais même pour une Blonde et Idiote Bassesse Inoubliable.

Je l'ai acheté hier.

Depuis, j'erre dans ces airs aux atmosphères glacières.

Ces 4 premiers albums ont tout pour me plaire.

Les autres peut-être un peu plus tard.

Mais la Nordicité de cette belle elfe m'enveloppe complètement dans le bonheur.

En 4 saveurs.

Toutes froides.

Et lumineuses à la fois.



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