samedi 14 mars 2015

Révolution #9

Entre le 30 Mai et le 25 Juin 1968.

Depuis la mort de leur gérant, les Beatles ne sont plus complètement une unité. Paul a pris le contrôle du leadership pour l'album qui suivrait, mais le voyage en Inde, au début de 1968, a littéralement scindé les Fab Four en 4 individualités distinctes.

Même que la présence soudaine de Yoko Ono dans les studios avec le groupe allait faire peu à peu exploser les tensions internes.

L'un des éléments de discorde pendant l'enregistrement de l'Album Blanc, était la cinquième pièce du dernier côté de l'album double. Pendant les sessions d'enregistrements, John n'aimaient pas les morceaux proposés par Paul. Trop propres et conventionnels. Paul n'aimaient pas Yoko, qu'il trouvait une mauvaise influence sur son ami John.

Bonne ou mauvaise, Yoko transformait en effet beaucoup John. Ensemble, ils expérimentaient à tous les niveaux. Et au niveau sonore entre autre.

Bien que le morceau Revolution #9 allait être crédité Lennon/McCartney, en réalité le collage sonore allait être fait par John Lennon et Yoko Ono, appuyé de quelques effets créés par George Harrison.

Porté sur les essais sonores d'Edgar Varèse, John Cage et de Karlheinz Stockhausen que Yoko lui avait fait découvrir, John tentait de peindre la texture sonore d'une révolution. Le résultat allait être si incongru que Paul insisterait beaucoup pour que cette...chose... ne soit pas incluse sur l'album. Il finit toutefois par céder.

Étude d'un morceau d'avant-garde.

Paul n'était pas complètement fermé à l'idée de morceaux expérimentaux. Pendant l'enregistrement de Penny Lane, il avait dirigé un long morceau de plus de 14 minutes pour le Million Volt Light & Sound Rave, un évènement expérimental tenu au Roundhouse Theater du 28 janvier au 4 février 1967.

Après que John & Yoko eût enregistré un premier essai sonore d'avant-garde sur disque en mai 1968, principalement arrangé par Yoko, John avait fortement envie de créer le sien. Le 30 mai, John enregistre son morceau Revolution, un morceau de plus de 10 minutes, dont le premier 3 minutes 40 est une chanson tout ce qu'il y a de plus appréciable.
Ce premier 3 minutes 40 avait pris vie en Inde.  Le 8 minutes et quelques secondes suivant est un chaos absolu ou principalement John crie et Yoko dit à peu près n'importe quoi, dont "you become naked" des extraits oraux qui seront gardés au montage final. Si Paul aime la première partie, la seconde lui donne la nausée. John accepte donc de scinder le morceau en deux, ce que fera George Martin, le cinquième Beatle. Il y aura Revolution 1 en ouverture de la quatrième Face de l'album double et Revolution #9 en avant-dernier morceau.

Plusieurs des morceaux sur lesquels des sons ont été chirurgiquement implantés et passablement modifiés en studio principalement par John & Yoko, sont des morceaux de musique classique. Vaughan Williams, Sibelius, Schumann (à l'envers)Beethoven, James Thornton, les violons d'A Day in the Life, Farid al-Atrash et George Martin disant "Geoff, put the red light on" sont incorporés dans le collage. Lennon a aussi réutilisé ses cris "Right!" et Alright!" que le triste Charles Manson comprenait comme "Rise!". Yoko dit n'importe quoi et Lennon & Harrison récite des vers poétiques ici et là, Harrison jouant de sa guitare à l'envers.  Un vieux disque d'Elektra reproduisant des effets sonores a aussi été repiqué pour plusieurs segments. Le chant de football, scandé par une foule d'amateurs, "Hold that line! Block that kick!" a aussi été utilisé.  Plus de 45 sources sonores différentes composent ce 8 minutes de son.

Le leitmotiv #9 répété par un technicien non identifié de la compagnie EMI, n'était qu'un test de son, trouvé sur une des bandes traînant en studio. Lennon aimait son ton, sa voix, et trouvait rigolo de faire répéter ce chiffre qui était aussi le chiffre chanceux de Lennon, étant entre autre né un 9 (décembre).
Charles Manson comprendra une référence au chapître 9 du livres des révélations annonçant l'apocalypse et évoquant une guerre de races. ("Rise! Rise!")
Manson, avant ses macabres et inopinées tueries, parlera sans cesse de ce morceau comme un signe annonciateur de la fin des temps, obligeant une intervention (malheureuse dans son cas).

McCartney est très peu impressionné par le résultat, n'en veux pas. Il ne sera pas le seul. Les amateurs sont nettement déconcertés et arrêtent bien souvent le disque avant la fin. Effaçant de leurs oreilles du même coup le dernier morceau en épiloque Good Night chanté par Ringo.
Quelques uns disent avec amertume que cet album double comprend 29 morceaux des Beatles et un morceau non-beatle. D'autres, en écoutant à l'envers les mots #9 répétés en boucle, entendent "turn me on, dead man, ajoutant à la légende urbaine de la mort de Paul.

Ce pastiche d'exercice sonore est pardonné par le public parce que les Beatles sont en 1968, à moitié canonisés.

Ils ont trop fait de bien aux collectivités mondiales pour qu'ils n'aient pas le droit de s'amuser un peu.

Et Lennon s'amuse ferme avec cette "profonde médiocrité alors que le monde change dramatiquement en 1968 et que le plus band le plus aimé sur terre se contente de faire un collage de bruits au lieu d'y amener leurs voix" (dixit des critiques de l'époque).

D'autres y verront justement une petite révolution, là où les 4 garçons sont devenus des champions: dans le son.

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