dimanche 29 mars 2015

Tu Dors, Hunter

Parfois il faut tout simplement vivre.

Depuis quelques années, j'ai la nette impression que le train de la vie, pour un gars comme moi, est passé depuis longtemps. Que j'ai beau tenter de vouloir y grimper, je ne serai toujours que celui qui court en marge des rails à tenter de regagner ce véhicule de transport qui était déjà plus lent vers 1992, et qui me donnait la chance d'y monter avec peut-être légèrement plus de facilité.

Peut-être...

Entendu à la radio trois fois cette semaine en parlant du budget. "Ça fait 40 ans que l'on repousse les paiements, il est maintenant temps de payer".

Vous réalisez à quel point une phrase du genre rend les revenus d'une homme de 43 ans utiles principalement pour les autres? Travailles Hunter afin de payer le Québec d'hier. Tu n'est qu'une vis. Un écrou. Quand le déficit sera réglé, tu pourras penser à "piler" pour ton avenir. Ha! Ha! une avenir. On n'aura jamais cessé de nous faire rire!

Je dors mal depuis toujours. Mais j'en ai pris pleinement connaissance et commencé principalement à en souffrir, vers 1994. Ça coïncide avec mon arrivée sur la marché du travail. Avec le temps, j'ai compris que le stress était à l'origine de mes nuits agitées.  Je l'ai compris extrêmement lentement. J'étais occupé à vivre.

Jeudi dernier, bien que je n'en avais aucunement le temps, j'ai mis mes espadrilles de kilométrages et me suis rendu pour un bon deux heures sur la toujours bien aimée rue Mont-Royal. D'abord pour constater de visu l'état des commerces d'une de mes rues préférées sur terre. L'économie est dure pour elle aussi, plusieurs de mes repères préférés d'antan ont fermé boutique ou changer d'adresse. Bref, ils n'y sont plus. Les plus belles femmes sur terre y sont toutefois toujours.

J'ai marché, dans le but très clair aussi, de mettre la main sur les dvds L'Année Dernière à Marienbad d'Alain Resnais, Masculin/Féminin de Jean-Luc Godard ou The Cook, The Thief, His Wife & Her Lover de Peter Greenaway. Je cherche ces trois-là depuis des années. les deux premiers, je les emprunte une ou deux fois par année à la bibliothèque, aussi bien les avoir pour moi une fois pour toute. Le dernier, de Greenaway, je ne l'ai qu'en VHS. Ce Chef d'oeuvre musical, visuel et qui stimule tous mes sens devrait un jour être ramené en version DVD convenable un jour.
J'ai erré comme j'aime le faire dans les magasins d'échanges et de vieux stock, dans le but aussi, de mettre la main sur un vieux cd (double) de la chanteuse Nellie McKay qui est discontinué depuis trop longtemps.  Parfois il était placé dans le jazz, ce qui rend ma recherche plus compliquée. Dans ces endroits de vieux matériel, souvent rien n'est classé organisationnellement. Mais je m'en foutais. Ce jour-là je prenais le temps par les couilles et le gardait pour moi. Deux heures.

Vivre.

Je n'avais pas beaucoup d'espoir mais simplement marcher dans une ville qui m'illumine me faisait un bien énorme. Gigantesque. Je comptais surtout sur une boutique comme celle de La Boîte Noire pour trouver mes films. McKay, je n'y crois plus vraiment. L'ancienne boîte noire sur St-Denis, celle située au deuxième étage, presqu'au dessus de la boutique Champigny, au même niveau en tout cas, celle qui m'a accueillie mainte et mainte fois plus jeune, mon agence de voyage préférée à l'époque. n'existe plus. L'ancienne Champigny non plus. Mes repères s'effacent. On m'efface, Ha! Ha! n'est-ce pas dans les plans depuis toujours de toute façon?

À la boutique de la Boîte Noire sur Mont-Royal, je n'ai rien trouvé de mes trois films. Un simple coup de téléphone aurait pu m'empêcher le déplacement, mais c'était justement sur le déplacement que se situait mon placement.

J'ai en revanche mis la main sur le film Tu Dors, Nicole de Stéphane Lafleur.

On me dit souvent, et je l'ai confirmé avec le temps, que j'ai parfois du flair. Pour la quatrième fois en l'espace de 15 mois, j'ai fait quelque chose que je n'ai jamais fait: acheter un film que je n'ai jamais vu. Je ne me suis pas trompé avec Inside Llewyn Davis des frères Coen qui reste un de mes films préférés à vie, je ne me suis pas trompé sur La Vie d'Adèle, sur la seule foi de la bande annonce et de ce que j'y lisais et pour Spartacus de Kubrick, je m'en moque, il s'ajoute à ma collection,maintenant complète, du grand réalisateur.

J'ai maintenant un Stéphane Lafleur dans mon sous-sol. Que j'ai rapidement voulu consommer sur-le-champs.

Je ne me trompais pas encore.

Lafleur, c'est un bonheur renouvelé chaque fois. C'est Jean-Luc Godard, sans l'ego ou l'arrogance. J'adore Lafleur qui tourne toujours avec finesse, originalité et intelligence. Ce film ne fait pas exception. Il s'inscrit nettement dans tout ce que je sens, dans tout ce que je suis.

Julianne Côté et Catherine St-Laurent sont les filles les plus agréables à regarder sur écran. Un délice visuel. Des babouches dans le lave-vaisselle, une clôture de métal surpeuplée de vélos, un garçon de 10 ans avec la voix d'un homme de 34, la musique...du bonheur, juste pour moi. J'étais content de donner un peu d'argent à Luc Déry et Kim McGraw. À l'équipe autour de Lafleur. Un génie qui n'a pas encore 40 ans.

Il filme la vie comme je la sens.

Merci Lafleur de me faire vivre.
Un geyser de plaisir.

Je ne suis pas des leurs moi non plus.

Avant je peinais à dormir, maintenant le sommeil m'enveloppe souverainement.
Peut-être pour me piéger une nuit et me plonger vers la mort.

Peu importe, j'aurai joui à quelques reprises.

Comme jeudi, quand j'étais vivant.
Le cul dans le divan.



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