jeudi 24 décembre 2015

Lumignon

Depuis que je sépare mon 8 heures de travail de nuit en 5h00 heures à l'intérieur suivies de 3 dehors sur les quais, chaque fois que je termine de travailler, j'ai la tête du gars qui termine une journée de ski.

Avec l'exacte même fatigue physique, mais aussi avec les mêmes joues rosées, ainsi que le nez, soit les seules parties exposées quand je décharge du quai.

Pour celui qui ne connaît pas mon horaire du temps, j'ai aussi la tête qu'aurait l'ivrogne. Nez rouge, joues rosées, yeux vitreux et parfois lignés rouges du gars qui a bossé fort dans la nuit et qui a peu/pas assez dormi.

Vous, vous êtes dans la confidence, vous savez comment je me consume le système.
Pas l'homme de la rue.

Alors quand je me pointe dans un commerce. Cherchant des boutons de manchettes, chose que non seulement je ne remarque pas du tout sur les autres, mais que je trouve d'une inutilité et d'une stupidité royale, je vois dans l'oeil de celle qui me conseille une sorte de condescendance, ou si vous préférez, une bienveillance que l'on accorderait généralement à une personne du bel âge. On fait attention, le monsieur, il est rond.

ET BEN NON!

Je n'ai que travaillé dans la nuit, puis exposé ma face au grand vent sur les berges du St-Laurent où il vente tout le temps.

J'ai acheté une belle chemise noire de vampire, il y a un an à l'oeil. Un oeil pas ligné rouge. Je l'ai peut-être essayée, je ne me souviens plus, mais ça m'étonnerait, je n'ai jamais remarqué que la chemise n'avait pas de boutons de manchettes. L'avoir essayé j'aurais bien vu que les manches pendent comme un pirate.

Ou je l'ai essayé et trouvait que ça tombait bien, puisque je suis aussi pirate. Peu importe,

Je m'en sortais toujours depuis un an en la portant là où il fait chaud, en roulant les manches. Mais cette année, pour le temps de fêtes, l'amoureuse me veut bouton-de-manchetté. Elle m'a sommé d'aller m'en acheter.

C'est un peu comme si je lui avait demandé d'aller me magasiner un poster de "bon" joueur de hockey.

Non seulement je ne connais RIEN des boutons de manchettes, mais je ne les ai jamais remarqués sur un autre, je ne sais donc pas reconnaître le "beau" bouton de manchette du "laid".

Je suis si novice en la matière que le jour où je les ai magasiné, j'ai pris en photo ceux qui me plaisaient le plus et, incertain, je les ai envoyés à l'amoureuse pour validation. Afin qu'elle confirme ou infirme mon choix. Elle n'a rien fait de tout ça, trop occupée cette journée-là. Tant mieux car j'ai réalisé par la suite (Mon fils m'a fait réalisé en fait) que mon choix allait s'arrêter sur l'arrière d'un bouton de manchette et non sur un bouton de manchette en soi. La fille ensuite nous as confirmé que ça pouvait se porter des deux côtés, mais le doute à subsisté et j'ai finalement choisi un autre tandem de boutons de manchettes.

Quel achat nul. 41$ qui ne me seront jamais remis. Je les ai choisis noirs pour qu'ils se fondent avec la chemise. Pour qu'on ne les remarque donc pas. On ne devrait jamais remarquer les boutons de manchettes. La vie est ailleurs. Dans les yeux pas fatigués entre autre.

Nous étions le 22 décembre. Il y avait 100 fois trop de monde partout. J'étais impatient. J'ai attendu plus de 20 minutes à la caisse dans une file pour un achat qui ne me tentait en rien. J'étais fatigué d'être fatigué. Je trouvais les filles du 450 épaisses de faire des achats qu'elles n'aimaient plus et qui les retournaient avec complications et caprices. Je ne voulais qu'être ailleurs.

Je n'aime pas cette période de l'année, Encore moins quand il n'y a pas de neige.

Une caissière a eu pitié de nous et a ouvert une nouvelle caisse. Bien entendu j'étais trop près de passer pour changer de file à temps et tout le monde a fini par passer sauf moi car la cliente devant moi étirait son temps avec la caissière comme ce n'est pas permis à ce temps-ci de l'année.

J'ai fini par passer avec l'autre caissière qui a eu un sourire de sympathie complice à mon égard. Où étais-ce ma face de lumignon qui lui faisait rosir ses pommettes à elle aussi.

"J'ai tu l'air impatient?" que je me suis surpris à lui dire.
"Non, au contraire, je vous trouve très calme, on a des clients des fois..."
"J'ai travaillé toute la nuit, dehors au grand vent, je suis crevé..."que je n'avais pas besoin de lui dire, mais que je lui ai dit quand même.
"...C'est pour ça que j'ai une face d'après-ski"

Voilà que je trahissais une certaine vanité un peu futile.

"je sais que j'ai une tête de lumignon" que je lui ait dit en rapport avec ce qu'elle venait de me dire.

Elle n'avait aucune raison, elle non plus, de me dire ce qui allait suivre. Ou du moins d'insister.
 "Non, j'ai dit : Moi je trouve ça mignon" a-t-elle précisée, prenant à son tour les joues rosées que j'avais moi-même sur ma propre face. "...à quelle nom je fais la facture?" a-t-elle ensuite rajouté plus professionnelle.

"Rudolph, Rudolph De Raidnozrhêndir"

J'ai pris du rouge en soirée pour honorer ma face.

Magasiner quelque chose de con comme des boutons de manchettes n'était pas si souffrant après tout.

Simplement vaniteux.




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