mardi 15 décembre 2015

Proches

Certains (lire plusieurs) arriveront au Canada sans éducation. Leur pays est dans un chaos si anarchique que la simple idée de se rendre à l'école est superflue depuis longtemps.

Certains (la plupart) arriveront sous préparés au travail en Amérique. Il est déjà extrêmement difficile de place le Québécois scolarisé au travail, alors le réfugié inexpérimenté, vous imaginez...

Certains (tous) ne connaissent pas l'hiver canadien. Même nous, ne le goûtons pas encore, puisqu'il est en retard.

Les mers tranquilles ne font pas de bons marins dit le dicton. C'est vrai.

160 réfugiés Syriens sont arrivés au Canada il y a 5 jours. 58 pour Willowdale, 33 à Toronto, 16 à Scarborough, 5 à Étobicocke, 4 à Hamilton, 4 à Windsor, 1 à New Westminster, 3 à Coquitlam, 4 à Kelowna, 20 à Calgary, 15 à Edmonton.  Le Canada a promis d'en accepter 10 000 avant le 1er janvier 2016, et un autre 15 000 avant la fin de février.

Un avion est atterri à Montréal samedi soir. On totalise 300 réfugiés arrivés depuis peu et 100 de plus depuis l'arrivée des Libéraux au pouvoir le 4 novembre.

À Montréal ce soir là, il y avait pratiquement autant d'accueilleurs que d'accueillis. C'était un beau signal que le pays renoue avec des traditions de générosité, mais du même coup s'était aussi assez grotesque. Il s'agissait d'un gigantesque moment de narcissisme à coup d'autoportraits, mais aussi un spectacle d'auto satisfaction huileux comme un gros beigne de chez Tim. Un gros beigne un peu dur à avaler.

Oui c'est extrêmement noble tout ça et je ne cherche pas à minimiser la générosité canadienne sur le sujet des réfugiés syriens. Il y avait pratiquement autant de politiciens que de nouveaux arrivants, ce qui a fait dire à plusieurs, "tiens, des néo-arrivistes et des néo-arrivants", et peut-être que c'était une bonne chose que de montrer qu'il y aurait peut-être une personne par nouvelle tête, ce qui donnerait un sentiment d'assurance aux timides nouveaux venus.

Mais l'excès de photo de soi-même m'a un peu rendu mal à l'aise.

Beaucoup de monde, normal. Beaucoup de photos: moins.
Ce n'était pas les Syriens qui prenaient les photos.
N'oubliez jamais qui sont les réalisateurs de ce film.
Ça puait l'auto-publicité.
"Instawhat?" ont peut-être dit certains réfugiés.

 Ce n'était 300 réfugiés.  L'Allemagne en prendra plus d'un million. Il en existe 4,3 millions de réfugiés dans le monde, et l'effort canadien en soi n'était pas surhumain. Ce qui m'a agacé c'est cette envie de vouloir s'aimer. soi-même. Se trouver bon et généreux.

Laissez-donc les autres le dirent de vous.
D'ailleurs ils le font. Avec un piège à la clé.  

Les pays étrangers ont parlé du Canada avec admiration en disant "qu'ils étaient un exemple à suivre". Ils ont flatté le Canada. Puis, le piège a été tendu.

Vous êtes si généreux, donnez plus encore!

Comme l'obscène attire l'obscène, on s'est vite empressé de leur demander d'en prendre maintenant le double que ce qui était prévu: 50 000.

Mais comment se fera cette intégration ici?  30% des maghrébins francophone de la région de Montréal sont sans emploi en ce moment même. Avant même les réfugiés syriens.

J'ai hâte de voir, quand les décors tomberont et que les acteurs seront sur scène, quel genre de texte il débiteront au public.

En public.

Au travail.

Partout.

Souvent, avec nos immigrants, on a un problème de rétention. On les place à Joliette, ils n'aiment pas ça parce qu'ils réalisent que vivre en français c'est trop dur et quitte pour l'Ontario, Ça aussi, ça sera à étudier. L'ouverture des Québécois sera-t-elle réelle ou feinte? Intéressant à suivre aussi.

Hâte de voir tout ce monde sans maquillage.

  On apprenait lundi que des "proches" du petit garçon retrouvé noyé sur la plage, cette image qui a fait le tour du monde et changé des milliers d'attitudes, se retrouvaient maintenant à Montréal.

Mais quand vous immigrer vous quitter loin, mais vous voyager proches. Entre exilés, vous êtes sensationnellement proches. Vous vivez le même déracinement en même temps.  Vous vous soudez l'un à l'autre. Pour vous rapprocher d'un monde meilleur. D'un soleil que vous ne voyez plus chez vous.

Tous les immigrants sont proches l'un de l'autre.

Un brillant penseur de chez nous, un immigrant, dit ceci de la culture de l'immigrant:

"...une culture qui bouleverse l'être  profondément, culture de survie, de résistance, de repli, de défiance, culture que je pourrais résumer en une toute petite phrase: vous ne m'aurez pas mes tabarnaks. "

Ça inclut les artistes de cirque qui les ont accueillis j'espère.

Aucun commentaire: