mardi 24 mai 2016

Bob Dylan en 15 Moments Précis

15 échos sur galette qui me plaisent bien.

1963
The Freewheelin's Bob Dylan
Le second album de Robert Zimmerman fera oublier le premier, composé principalement de reprises. Le rapport sera complètement inversé et 11 des 13 morceaux seront signés de sa main. L'influence de son amoureuse Suze Rotolo est majeur. Du premier au second album, Dylan se développe une conscience politique et sociale grâce à elle. En calquant un de ses morceaux sur une ballade médiévale, Dylan vise juste puisque Kennedy s'engage dans une crise de missile avec l'U.R.S.S. qui donne la chair de poule à toute l'Amérique. Il s'inspire de morceaux du 19ème siècle pour deux autres morceaux, dont un composé pour Rotolo en voyage en Italie. Ce second album s'inscrit déjà dans l'histoire de l'Amérique du Nord.

1964
The Times They Are A Changin'
Tom Wilson était un producteur principalement de jazz avant Dylan. Comme le dernier album était aussi sous sa direction et qu'il émerveille toute le monde, on ramène Wilson en studio au mois d'août suivant pour cet effort qui sera axé sur le racisme, notre regard sur la pauvreté et les changements sociaux. Bob est un jeune homme de 21 ans allumé et qui voit sa société changer. Il le chantera de toute sorte de manière. Et sur toute sortes d'airs. En moins de 6 mois, Dylan est passé de poète à vecteur de changement social. L'écho d'une génération. Il n'aime pas l'idée. Il ne se veut le porte-parole de personne.

1964
Another Side of  Bob Dylan
Dylan est bon ami des poètes Ginsberg et Sandburg. Grossman est maintenant son agent. Il lui fait verser une forte avance par une maison d'édition pour que Dylan écrive un livre. Ça ne se fera pas tout de suite, mais sa plume change. Dylan s'éprend de la prose de Rimbaud.L'humour est de retour. Il se sépare de Suze Rotolo. Il découvre aussi les Beatles. Et comprend qu'ils indiquent la direction à suivre en musique. Dylan veut définitivement faire autre chose que du folk. Pourtant, cet album colle encore au folk. Le 9 juin 1964, bouteille de Beaujolais en main, il enregistre en une seule session studio 14 morceaux. 11 seront retenus pour l'album final. Dylan veut sortir du folk avec un bang. Le dernier album a été plus ou moins aimé et il voudrait celui-là différent. Son écriture épate encore. Ses mélodies aussi. Plus clairment encore, il scande qu'il n'est pas le prophète recherché. Il retourne le miroir vers le public. Regardez-vous, ne me cherchez pas.

1965
Bringing It All Back Home
L'album par lequel le scandale arrive. Bob vire électrique. Bob a principalement été seul sur ses albums précédents. Cette fois, il veut un band avec lequel il s'amuse. Il compose toutefois toujours seul. Et tout le temps. Il entre dans une période extrêmement faste de son oeuvre. Il passe le plus clair de son temps sur sa machine à écrire à Woodstock. Où réside son gérant, Grossman. La pochette en sera tirée avec la femme de Grosmman sur le dessus. Dylan rencontre les Beatles, rencontre Warhol. fréquente Edie Sedgwick, rencontre Brian Jones. Il veut faire du blues. Dylan est toujours réfractaire à l'idée d'être la voix du folk, il veut être ailleurs. Il compose boulimiquement et est en tournée tout le temps. Le titre de l'album trahit une authenticité qu'il ne se reconnaissait pas encore.

1965
Highway 61 Revisited
La pochette suggère un Bob Dylan vidé. Le titre enracine Bob dans le Blues des Robert Johnson, Bessie Smith, Muddy Waters et Charley Patton. Dylan, dans un délire hallucinogène, écrit un feuillet de 10 pages sur sa déception des attentes du public qui l'adule, mais Dylan est crevé et ne s'aime pas du tout. la chanson qui en sera tirée le placera au sommet du monde musical. Il révolutionne la durée des chansons sur les ondes radio et qu'il aime ou non. fait écho à son époque. Mike Bloomfield du Paul Butterfield Blues Band et Charlie McCoy sont à la guitare. Le premier électrique, le second principalement acoustique. Al Kooper improvise une partition à l'orgue sur Like a Rolling Stone que Dylan ordonne que l'on entende plus fort. L'album offre seulement 9 morceaux mais ce sont tous des chef d'oeuvre. Dylan se rapproche des étoiles. Tout ce qu'il touche est fait d'or.

1966
Blonde on Blonde 
Quand Dylan se fait huer au Newport Folk Festival, Paul Bloomfield choisit de retourner avec le Mike Butterfield Blues Band. Al Kooper, principalement un guitariste mais que Dylan voulait à l'orgue, quitte aussi. La secrétaire de Grossman ainsi que John Hammond Jr suggèrent tous deux le band canadien Levon & The Hawks pour seconder Dylan. Robbie Robertson à la guitare et Rick Danko à la basse participeront à l'effort de ce généreux album double. Kooper y sera aussi un peu à l'orgue et à la guitare, Quand peu fonctionne à New York, on se transporte à Nashville et le fun commence. Bob blues. Bob a des visions. Bob a des amours perturbés. Bob fait la rencontre de Sara Lownds. Bob nargue Edie Sedgwick.  Bob a un talon d'achille. Bob est sexuellement métaphorique. Bob fait un clin d'oeil au Norwegian Wood de Lennon. Bob rocks. Bob se marie avec Sara Lownds et brise le coeur d'Edie Sedgwick. Grossman lui booke une tournée mondiale de l'Australie aux États-Unis, Dylan est à bout de nerfs, réalise que Grossman le vole depuis longtemps, se plante en moto, se retire de partout. En décrochant la lune quand même.

1967
John Wesley Harding
Dans sa "retraite", il s'installe en famille à Woodstock et jamme entre amis avec les gars qui deviendront The Band. Ils ont du plaisir et enregistrent tout ce qui leur plait. On y reviendra dans 8 ans. Bob se sauve en douce de Woodstock et entre en studio pour un album tout ce qu'il y a de plus doux, musicalement splendide, aux saveurs de l'americana et acoustique à 80%. Les références religieuses commencent à pleuvoir. Bob se spiritualise. Les Beatles et les Stones ont lancé cette année-là des albums très travaillés en studio, avant-gardistes. Bob (du moins pour les Stones) leur fait comprendre qu'il faut rester aux sources.

1969
Nashville Skyline
Bob Johnston avait atterri à la production avec Highway 61 Revisited. Ici il pousse le côté rustique choisi par Dylan sur l'album précédent et celui-ci prend un virage presque complètement country. Il change aussi sa voix pour tenter d'imiter les crooners. Une de ses chansons est proposée pour la trame sonore du film qui sera sacré meilleur film aux Oscars cette année-là. Une autre est chantée en duo avec Johnny Cash. Alors qu'entre 1968 et 1969, les États-Unis vivent les assassinats de MLK et RFK, les violences à la convention démocratique de Chicago, les Black Panthers, Charles Manson, la guerre du Vietnam à la télévision en continue, Dylan arrive, tout doux, et nous parle toujours en métaphore (Country Pie=Héroïne).

1975
Blood on The Tracks
Bob se perd dans les projets douteux et erre sur disque pendant 6 ans. Mais quand le disco frappe, Dylan arrive avec un album très personnel, créé dans le tumulte d'une séparation d'avec Sara. Tous les morceaux parlent de l'effondrement de leur couple. Jakob Dylan, un de leur fils, dira plus tard que lorsqu'il écoute cet album, il entend ses parents se parler. L'album est si formidable que Hootie & the Blowfish en vole un air et des accords pour en faire leur unique succès. Dylan sera rarement aussi intime.


1975
The Basement Tapes 
Puisque l'album Blood On the Tracks réussit très bien à tout les niveaux, on choisit alors de tenter de capitaliser sur le succès et de lancer ce que Dylan & the Band avaient enregistré en 1967 dans la grosse maison rose louée par Danko, Richard Manuel et Garth Hudson à Woodstock à l'époque, The Band rajoute 8 chansons bien à eux. Les 16 autres comprennent Dylan. Dylan, toujours convaincu en 1967 que les Beatles indiquent la voie à suivre, n'aime pas la production de Sgt Pepper's...et revient à la musique traditionnelle de l'Amérique. Ce seront plus de 100 chansons que Dylan et The Band produiront ensemble. Dylan refuse en 67 que l'album ne sorte car il se sent à contre courant. Comme ses problèmes avec Grossman sont principalement réglés. Dylan donne son accord pour que Robertson, Levon Helm, Danko et Hudson fassent une sélection des morceaux qui composeront cet album double culte....à contre-courant du disco et du punk naissant...

1976
Desire
L'année d'avant, Dylan a fait une tournée carnavalesque: la Rolling Thunder Revue, Dylan reprend de la tournée les charmantes chanteuses Emmylou Harris et Ronee Blakey. Dylan veut raconter des histoires. Il s'adjoint les services du psychologue et directeur de troupe de théâtre Jacques Lévy pour écrire l'entièreté de cet album qui passe de la lutte contre une injustice sociale, à l'hommage à un criminel, en passant par un aveu amoureux à Sara Lownds, enregistré en une seul prise, devant Sara, qui redeviendra son amoureuse un temps. Le temps que Dylan ne la retrompe.


1989
Oh Mercy
Après un long passage à vide chrétien, Dylan revient en force à la fin des années 80, avec Daniel Lanois qui funke certains de ses morceaux avec succès. En 1989, plusieurs retours sont marquants. Paul McCartney, les Rolling Stones, Neil Young, Tom Petty. Bob Dylan retrouve une partie de son flair 


1997
Time Out Of Mind
Après des albums négligeables et une demie tonne de compilation, on commence à comprendre que le meilleur de Dylan est derrière lui. Mais Bob renoue avec Daniel Lanois à la production, mais cette fois, il s'entend moins bien avec le prodige Québécois. Dylan est déçu de constater que la technologie prime sur le produit. Voilà pourquoi il trouve que la beauté du temps "nous est sorti de l'esprit". Son album est doux et la voix de Dylan, bien que poussiéreuse, est aussi spectrale. Les thèmes, et même les mélodies rappellent les plaintes de Blood on the Tracks.

2001
Love & Theft
Dylan fait un autre retour, après encore 300 compilation, cette fois produisant lui-même son album, une exploration des mythes, des mystères, du folklore du sud, des racines du rock et du blues, du mardi gras de la Nouvelle-Orléans, de la mort, des voyous, escrocs, marginaux, parias, joueurs, desperados, tous avec plus rien à perdre, jouant souvent leur dernière carte, dans une Amérique aussi barbare que sale. Un bijou sonore avec un super band (dont Charlie Sexton à la guitare).

2006
Modern Times
Le 32ème album studio de Bob Dylan prouve à nouveau que Zimmerman est un maillon de ce qui relie le folk, le blues, le rock, le country. Dylan est macabre par moments, mais c'est qu'il n'est plus tout à fait jeune, le vieux renard. Il doit voir la mort dans les yeux de temps à autre. Il a connu des temps moins modernes. Dylan joue l'anthropologue musical et sonore et il le fait bien.

Moi, je mange de ce pain là.

Bob a 75 ans aujourd'hui.

Aucun commentaire: