jeudi 20 octobre 2016

Grouilles Pas

Je sais maintenant comment gosser de l'électricité.

Mes trois derniers jours ont été occupés par la chose. Beau-père comme enseignant. Mais un enseignant fort habitué à travailler seul. Donc à peu communiquer. Faut lui accorder que je communique encore moins. Je ne lui nourris rien de la conversation quand nous travaillons car, bien souvent, mentalement, je suis ailleurs. Je suis avec Réjean Ducharme dont j'ai revisité les oeuvres chronologiquement (sauf La Fille de Christophe Colomb-introuvable). Je suis rendu à mon préféré: L'Hiver de Force. Quiconque me connait, sait que mes hivers ne sont jamais acceptés "de force". Mais quiconque me connait mieux encore, sait que Réjean Ducharme est pour moi un frère de sang.

J'ai réalisé sur le tard que Ducharme n'avait publié que 8 romans. Et que j'en avait 5. Je me suis procuré L'Océantume, publié en 1968, mais écrit entre 1964 et 1966. Si je voulais lire Ducharme dans l'ordre, il aurait fallu que je lise ensuite La Fille de Christophe Colomb, un ovni littéraire, peu populaire, écrit en prose et en vers, croisant les époques et les personnages, morts et vivants, et publié en 1969, mais il est "en réimpression" selon les libraires. Faudra que je m'informe sur ce que cela veut dire. Arrivera ou pas? Le fantôme de Ducharme, quand il mourra, je soupçonne qu'on lui fera des concerts d'éloge et qu'on s'arrachera ses 8 livres. Il ne m'en manque que 2. Le plus con et frustrant est qu'en allant manger sur Mont-Royal avec l'amoureuse, il y a trois semaines et demi, je mettais la main sur La Fille de Christophe-Colomb, à 7 gros dollars, usagé, avant de le remettre en section dans le coffre au trésor au magasin de livres d'occasion. Et je faisais la moue puisqu'on venait de payer 58 $ de bouffe asiatique. Quand j'y suis retourné dimanche passé, le livre était bien entendu vendu. Une rage de dents m'est née. Depuis, j'obsède sur la question. Faudra que je mette la main ET sur La Fille de Christophe Colomb un jour ET sur Les Enfantômes. Il est disponible celui-là, mais à 37,99$. C'est affreux comme prix. Et chez Gallimard, qui se fait un devoir de ne jamais offrir de couverture intéressante. Non, merci. Je rêve de Folio et de couverture de Götting, que j'adore aussi.

"Les marettes"

"hein?" dit le teneur de lumière. À défaut d'être plutôt éclairé sur l'électricité, je suis celui qui tient la lumière ou la lampe de poche, pendant que le beau-père opère. Il est chirurgical. D'une précision parfaite, Jamais je n'atteindrais une telle perfection. Par manque d'intérêt principalement. Mais j'ai beaucoup vu sa manière et maintenant, je saurais faire. Ce qui ne reste pas d'arriver bientôt. On a changé 22 des 26 prises de courant et leur connexion enfichable, installé deux autres kits d'éclairage, pour éclairer la cuisinière et éclairer le comptoir de la cuisine, et avons sacré après des "threeways".

Oh pas moi, lui, moi je m'en...

Mais voilà, vers 21h00, mardi soir, il n'était plus arrêtable. Il ne voulait visiblement pas étirer son passage chez nous trop longtemps. Il voyait bien que je ne prenais que des photos mentales, photos dont je perdrais peut-être les négatifs sans trop m'en soucier, mais qu'il faisait presque tout, tout seul. Et que je ne tenais que la lumière et passait les outils. Je trichais aussi du regard vers le match d'ouverture des Canadiens à domicile, en direct à la télé. Et ait fait, dans la joie toujours, le taxi pour mes ados trois fois dans le même jour qui était raccordé sur une autre fiche par le beau-père. On avait visé un weekend pour tout ça à l'origine, mais bon, on ne critiquera pas la disponibilité de la généreuse main d'oeuvre.

"Grouilles pas!" me disait-il constamment. Mais avec le temps, j'ai compris que certains "Grouilles Pas" sont à prendre au premier degré, comme dans "ne bouge pas de cette planche sur lequel tu te tiens afin de faire contrepoids et que je puisses scier le bout de la dite planche avec ma scie électrique"; tandis que plusieurs autres "grouilles pas" sont plutôt à traduire par "Tasse-toi" ou "ne fais pas ça".  Ou mieux "laisse-moi faire" qui sont autant de délivrance pour moi, qu'ils sont de probable déceptions pour lui.

J'ai, dans mon sous-sol chéri, temple du film et laboratoire de composition écrite, 4 des 9 films de Kim Nguyen. Deux que je n'ai pas, sont en fait des courts métrage, un autre est tourné pour la télévision, un autre n'est pas disponible encore (Le Nez, devenu L'Odorat en France, un documentaire) et cet intérêt pour Nguyen est né de son dernier, sorti en salle très récemment et qui y traîne encore, et qui m'intéresse beaucoup Two Lovers & a Bear.

L'hiver de choix.

Je vais tenter de les écouter, quand je serai sorti des fusibles et des dénudeurs, dans l'ordre, comme je fais avec Ducharme en livre en ce moment. Le Marais d'abord (2002), Truffe (2008), La Cité (2010) puis Rebelle (2012). Pour me tremper dans l'esthétisme Nguyen. Je crois que c'est ce qui m'attire d'abord de Two Lovers & a Bear. Nos caméras sont timides face à l'hiver.

"Grouilles pas! Grouilles Pas!"

Je travaillais pas bien. En tout cas, pas en chirurgien.
Le beau-père voulait faire chirurgien. Il aurait fait un fameux chirurgien.
C'est son propre père qui ne voulait pas payer des études de médecine et qui l'a poussé vers le fonctionnarat. Dans le 418, tout le monde est payé par le gouvernement.

Le beau-père a pris la relève de la drill.
"T'es pas drêtte!"
Non, toujours ambidextre. Et gauche à ce niveau.
Il a complété pour moi. Pour nous. Pour elle. Sa fille.

Parce que tout ce qu'on a fait entre lundi et mercredi était pour elle.

Juste pour elle.

Moi je n'ai besoin que de Ducharme ou Nguyen...

Avec eux, je grouilles pas.

Mais, je voyage en bonyenne.

Au départ du beau-père, j'ai mis ma montre et mon bracelet de Puerto Rico.


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