mercredi 30 novembre 2016

Beckett 10+1

Samuel Beckett était un écrivain avant-gardiste irlandais, auteur de théâtre, dans la langue de Molière tout comme dans la langue de Shakespeare, directeur de théâtre, poète, traducteur, essayiste et biographe.

Travaillant pour James Joyce sur le touffu Finnegan's Wake, et issu du même pays que Joyce, Beckett réalise qu'il n'arrivera jamais à la cheville de celui-ci. Il choisit de s'exiler à Paris. C'est là que la langue française lui prend à la bouche et à l'oreille. Il écrira toute sa vie (83 ans) dans les deux langues, sera Prix Nobel de littérature en 1969 et sera considéré comme l'une des plus influents écrivains du 20ème siècle.

N'ayant rien à envier à James Joyce.

Sombre, austère, glauque, tragicomique, grotesque, absurde, avec un regard morose sur la condition humaine, souvent accompagné d'humour noir dans des comédies toute aussi noires, son oeuvre, à forte saveur minimaliste, le place facilement parmi les auteurs dits modernes de son époque (1930-1989).

Figure importante du théâtre de l'absurde, il fût le tout premier à être élu "sage barde" en Irlande, (Saoi of Aosdana) en 1984.

En cette ère devenue de plus en plus absurde depuis l'insensée accession à la présidence de Donald Trump, je suis tombé tout naturellement dans la marmite des oeuvres de Ionesco et plus encore dans celles d'un frère de sang, Samuel Beckett, dont je me suis procuré les complètes oeuvres dramatiques.

Voici 10 oeuvres, +1,  parmi des tonnes, qui retiennent particulièrement mon attention.

Proust (Publié en Anglais) 1930
Commande exigée par l'École Normale de Paris. L'essais sur Marcel Proust vend 2600 copies  sur 7 ans avant d'épuiser les stocks à partir de 1941. Beckett rejettera cet essai qu'il considérera écrit dans un jargon cheap philosophique voulant impressionner. Beckett a 24 ans. En effet, on y lit davantage un manifeste esthétique, épistémologique et philosophique, où on y entend davantage la voix de Beckett que celle de son sujet. Beckett y parle de son focus moral sur l'existence humaine s'inspirant d'oeuvres de Pedro Calderon de la Barca et d'Arthur Shoepenhauer, allant jusqu'à les citer tous les deux.

Murphy (Publié en Anglais) 1938
Premier roman de Samuel Beckett, il raconte le quotidien d'un infirmier dans un asile psychiatrique y découvrant une valeur de non-existence consciente, style de vie qu'il avait toujours privilégié avant d'y travailler. Un match d'échec devient un moment hilarant d'absurdité. Les échecs seront souvent présentes dans ses oeuvres. Comédie sur la terreur de la non-existence.

L'occupation Nazie viendra s'immiscer dans la vie de Samuelk Beckett et lui vaudra la croix de guerre et la médaille de la résistance pour son rôle dans le conflit qu'il qualifiera avec le temps de travail de scout.

Watt (Publié en Anglais) 1942 (mais publié 11 ans plus tard en raison de la Guerre)
Satire sur son Irlande natale, Beckett y raconte les aventures d'un servant d'un vieil homme reclus. Le servant passe de l'anxiété à l'isolement mental, le forçant à être interné. La dernière partie est intemporelle, Godardienne. Puisque Watt, le servant, prend le train pour entrer à l'asile lui-même, là où il se trouve déjà dans la partie précédente.

Molloy (Publié en Français) 1951
Premier volet d'une trilogie romanesque. La structure se veut nihiliste car le récit est écrit en deux volets, présentant des choses et leur contraire. Ce passage en est un exemple:
"Il est minuit, la pluie fouette les vitres. Il n'était pas minuit. Il ne pleuvait pas."
On y trouve tout de même de la poésie et de l'humour noir. Dans la première partie nous suivrons
Dans la première partie nous suivrons Molloy errant, voulant rejoindre sa mère, sans savoir si elle est morte avant de terminer dans un fossé près des bois, tandis que dans la seconde, on suivra Moran, tout aussi handicapé d'une jambe, qui a la mission, avec son fils, de trouver Molloy.  Les 2 récits semblent indistincts mais se répondent, se font écho et forment une boucle.

Malone Meurt (Publié en Français) 1951
Seconde partie de sa trilogie sur la déchéance de l'homme, d'un homme, Molloy, qui ne prend plus nom de Molloy mais devient Malone, le lien ou la raison restant vague. Malone se questionne sur la vie, la mort, l'absurdité de la condition humaine, l'inadéquation au monde. La syntaxe reste approximative, expérimentale, et peut en dérouter quelques uns.

En Attendant Godot (écrite entre 1948 et 1949 publiée et jouée en Français) 1952

L'Innommable (publié en Français) 1953
Dernier volet de la trilogie débutée par Molly, suivi de Malone Meurt. L'Innommable est un homme incapable de bouger, incapable de parler et incapable de ne pas parler. Ça donne le ton. Indice d'absence et de présences de vie, mais grand désir d'immobilisme. Suite logique de la personnalité développée chez Molloy, Moran et Malone.

Fin de Partie (publiée et jouée en Français) 1957
Seconde pièce de Beckett, mettant en scène 4 handicapés vivant dans la même maison située dans un monde désert, dévasté, apocalyptique, dystopique avant l'heure. Parodie du théâtre classique. La fin est annoncée en début de pièce et les personnage s'adressent parfois au public afin de leur signaler qu'ils s'ennuient.

Krapp's Last Tape (publiée et jouée en anglais) 1958
Beckett traduira lui-même sa pièce en Français deux ans plus tard. D'abord destinée pour la radio, cette pièce très courte d'un seul acte met en scène un seul homme, Krapp, écrivain raté et clochardisé, dans un monologue sentimental, réminescent sur un journal sonore, sur bande magnétique du temps où il témoignait du bonheur, en amour entre autre chose, et de sa désolante rupture. Patrick Magee, grand acteur Beckettien, et mémorable en horrible victime dans A Clock Work Orange, y sera tout aussi mémorable sur scène dans la peau de Krapp.

Comment C'est (Publié en Français) 1961
Un narrateur raconte sa vie avant Pim, avec Pim et après Pim. Rampement solitaire, le narrateur se traîne dans la boue et le noir, avec son sac en jute dans lequel il transporte des vivres, tout en s'interrogeant sur l'existence, sur Pim, qu'il a rencontré et torturé, et sur l'immobilité solitaire.

Happy Days (publiée et jouée en Anglais) 1961
Roger Blin, mythique metteur en scène et premier à avoir mis en scène (et joué) Beckett fera un coup de génie en réunissant mari et femme, Jean-Louis Barrault et Madeleine Renaud, dans les rôles de Willie et Winnie. Celle-ci est à moitié enterrée dans un mamelon géant, ombrelle à la main et monologue sur la vacuité de la vie tentant de communiquer avec un peu coopératif Willie. Dans la seconde partie, elle est maintenant enterrée jusqu'à la tête, Elle monologue toujours sur son identité, son environnement, ses souvenirs. le temps. Tentant toujours de communiquer avec Willie sans succès. Celui-ci lui donnera un vague espoir. En fin de partie...

Déjà essayé. Déjà échoué. Peu importe. Essaie encore. Échoue mieux. Dit il dans Cap au Pire.

Donald & cie, cap vers le pire.





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