vendredi 25 novembre 2016

Perdre Pied dans sa Tête

"I love those boots, this one is squeaky, the other one's fine. Must be open somewhere under. Is it possible to fix this? I love to wear them, but I hate to announce myself with that squeak"

...quoi?...Pour kessé faire que je lui ai tout dit ça en anglais?

Je parlais à mon cordonnier préféré. Un vieil italien, Gepetto Scestellini, et il a toujours été plus simple par le passé de passer du français à l'anglais avec lui. Mais là, j'étais tout seul au comptoir et j'ai tout de suite foncé dans la langue de Catherine McKenna à l'ONU. Tout de suite sans hésiter. Bientôt je me mettrai à rêver et à pleurer en anglais. Y a déjà assez de Yannick Nézet-Séguin qui fait de la musique en anglais, si il faut que je putasse aussi, ainsi...

"Ready in an hour" m'a soufflé l'italien avant de partir dans un parfum de cuir et de cigare.
Ce sont des bottes d'un vert kaki rare que j'aime beaucoup, mais porte peu en raison de ce squeak.

Ce serait une drôle de journée. Payante pour les garages parce que c'était la folie de la première neige et déprimante pour les haïsseurs d'hiver. Comme j'adore la neige, j'irais la marcher en ville. Rien ne me plait plus que de marcher en ville. Je suis un urbain heureux facile. J'y rencontre toujours des choses et de gens que j'aime, c'est débile.

Et comme un bonheur n'arrive jamais seul, j'y ai croisé Rutabaga Syékon, un ami d'il y a longtemps, qui a travaillé pour la télé un brin, mais qui a surtout glandé à travers le monde comme si il avait participé à La Course Destination Monde, mais sans aucun des avantages. Et toujours sans le sou.

"Hey!!!!!!!!! Baga!, comment il va?"
"Djooooooooooooooooooooonz! ça fait un bail! Koss tu deviens?"
"Un chat, je deviens honnêtement un chat. C'est-à-dire une preuve que tout n'a pas besoin d'être utile sur terre. Et toi? toujours en télé?"
"Ouinonenfin des fois. woo! T'as vu le cul de la fille qui vient de passer?..."

Non, ça il ne me l'a pas dit comme ça. Mais il me l'a dit des yeux. Les deux dernières fois que j'ai jasé avec Baga, il peinait à ne pas me faire sentir qu'il avait un urgent besoin de cul. Une de ces fois, il m'avait même montré un petit bout de film qu'il avait tourné, un bout bien anodin, mettant en vedette des gens tout aussi anodins. et il avait passé son temps à dire "regardes-y le cul" "T'as vu son beau petit cul?". Ça m'avait rendu extrêmement inconfortable. Il ne baisait visiblement pas au rythme que sa testostérone le souhaitait et cette misère sexuelle qu'il me projetait me pesait. Tout ça me revenait quand il a plongé, sans scrupules, son regard sur le cul d'une fille qui passait à contre-courant tout en me parlant. Je n'écoutais rien. Je pensais à tout ça. Il n'était pas que sans le sou Il était encore sans le cul.

Lui: "...quand j't'allé en Colombie..."
Moi: "Oui, la Colombie. J'ai une amie qui vient de Lima..."
Lui: "Lima est au Pérou..."
Moi: "Er...oui,.. je connais peu la Colombie..."
Lui: "Shakira est bandante"

Inconfort.

Moi: "La Colombie est un magnifique pays à ce qu'on dit, La Pampa..."
Lui: "Shakira est magnifi...La Pampa est en Argentine!..."
Moi: "Bien entendu, je le sais, je le savais...encore récemment je m'informais sur les anciennes pyramides de Colombie..."
Lui" Il n'y a pas de pyramides en Colombie! au Mexique et au Guatemala, mais pas en Colombie"

Je pense avoir dit "Café cel Café" sur le ton du Colombien Don Jairo qui est le premier qui m'est venu à l'esprit. Don Jairo c'est celui qui fait le dur face à Françis Reddy dans les annonces de café à la télé. Et je me suis poussé coin Clark et Laurier.

Sans mes bottes, Me suis retrouvé sur le cul trois fois.

Aussi heureux que j'avais été de retrouver Rutabaga sur la rue, maintenant je souhaitais qu'il disparaisse par le caniveau.

Ce con ne pensait qu'au cul, qu'il se commande une fille de l'Europe de l'Est sur le net, bordel!

Puis, réfugié dans un café gothique, j'y ai retrouvé Pétunia Palfeu, la fille la plus passive que je connaisse. On avait travaillé ensemble dans un cinéma plus jeune. Elle était resplendissante autrefois, elle l'était encore maintenant. Sosie de Sarah Michelle Gellar, elle en avait même adopté le look avec sa robe courte et ses bottes. Et à cause de Rutabaga, je portais maintenant un regard sexuel sur Pétunia. Ce que je ne souhaitais pas faire du tout. La présence de son chum (le même que dans le temps, Dédé Nièze, moins mon ami) y était pour quelque chose. Les deux ne semblaient même pas avoir vieilli en plus.
Je me trouvais mentalement déplacé de la désirer. Après quelques éclats de "Oh! et de Ha! kesstudeviens?" enthousiasmés de ma part, de la part de Pétunia, mais pas de la part de Dédé. notre conversation a été tout aussi courte.

"Vous avez des enfants? comment qu'ils se nomment?*" leur ai-je demandé.
"Copain et Fidèle"
"Oh!...Er...Ok..." Je pense avoir fait la face de celui qui anticipe qu'un ballon à l'hélium explose.
"On pourra pas te parler longtemps, il faut aller nourrir Jean-Christophe Maheux..." m'a dit Dédé Nièze. Lisant peut-être mes pensées, et en étant peut-être secrètement jaloux.
"Jean-Christophe? vous avez un deuxième fil...un troisième fil..un autre enfant?"
"Non Jean-Christophe Maheux, c'est notre chien" m'a dit Petunia.
"Faut aussi réviser le verbe "Faut que je pisse au bon endroit" avec lui, à tout les temps, avant de passer à autre chose" a rajouté, Dédé, sombre.

Grammairien était devenu Dédé. Fonctionnaire était devenue passive Pétunia.

"es tu en train de me désirer sexuellement?" m'a soudainement dit Pétunia.
"Hein? Non?"

Puis je me suis rendu compte, dans le long silence qui a suivi, qu'elle ne m'avait pas dit ça, mais qu'en revanche j'avais bien dit haut et fort:
"Hein? Non?" Pour rien. Devant leur deux visages stupéfaits.

Ce qui a plombé la conversation. Ils ont quitté le café, j'ai plongé mon nez dans mon thé au jasmin. leur ai souhaité bonne continuité dans leurs études. De la vie je présume. Je ne savais plus. j'étais confus.

Je perdais la main avec la conversation simple en ville. J'étais maintenant banlieue. Je n'étais plus des leurs. Et ça commençait à drôlement paraître.

J'ai finalement croisé St-Jean-Baptiste Tremblay, un ancien voisin de Montréal-Noir.
"Hey Djoooooooooooooooooonz!!! t'habites tu encore Montréal-Mort?"
Mais là, j'ai carrément paniqué.

"Sorry sir, I have an appointment in the north and I need to get those boots back. My brain is now squeaking. Gotta leave now"

Il y avait une combine qui devait se matérialiser en moi. Tout comme Mario Tessier et José Gaudet, séparés, sont deux variables négligeables et sans saveur, je me devais d'avoir le trio, Neige-ville-bottes kakis.

Sans mes bottes, en ville enneigée, je n'étais plus de taille.

J'étais le Samson du pied, toute ma journée me l'avait rappelée.

Quand j'ai repris mes bottes à Scestellini, il ne me chargeait que 2$,
Lui en ai donné le double.

Il me redonnait des forces et ne le savait même pas. C'était mon Obi-Wan Kenobi.

Maintenant je pourrai aller faire le chat de nuit sur St-Laurent.
Et tout sera me ferait comme un gant.

  

*quel suicide social cette stupide question!!!

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