jeudi 1 décembre 2016

La Saleté et la Répulsion

1973. New York.

Iggy Pop & James Williamson reviennent d'Angleterre où ils n'ont pas trouvé de bassiste, ni de batteur pour venir prendre les rôles tenus respectivement par les jumeaux Asheton, Ron & Scott. Ils les réintègre donc dans les Stooges pour la sortie de leur 3ème album qui sera produit par David Bowie. La même année, Patti Smith fait fureur dans les cabarets avec ses poèmes chantés, plus rustre que tendre.

L'année suivante, les Ramones, offrent un son minimaliste, brut, empreint d'un nihilisme certain. Les New York Dolls et The Velvet Underground offrent aussi une certaine parenté punk, et ce, depuis facilement 1967, mais on ne leur colle pas vraiment l'étiquette entièrement.

Patti Smith lance son premier album en 1975, qui n'a rien à voir avec le disco qui fait alors rage. Et qui étouffera les autres genres jusqu'au new wave.

Le punk sera une agression sur le disco qu'il honnit. Un style flirtant avec le sommet pendant au moins deux ans.

C'est en Angleterre que se cuisinera peu à peu la culture punk. Le chômage atteint de sommets et quand Thatcher arrivera en 1979, le futur est impossible à imaginer pour une génération entière. Mais en 1976, on le sait déjà. No future est-on déjà convaincus. Les Sex Pistols ont fait des tournées tout l'été. Ils ont déjà eu un impact social et stylistique. La vitrine est toujours en spectacle car personne ne jouera leur musique rageuse à la radio entre deux hits funk, soul ou disco. La Raw Power se mesure sur scène et devant public.
Ces jeunes ne sont pas entendus, on leur fait comprendre qu'ils ne le seront pas avec ces taux de chômage terrorisant, ils choisiront d'être vus. Ils se développent une coupe de cheveux de guerre, soit complètement rasée, militaire, ou encore en mohawk, comme dans ce film dissident en provenance des États-Unis, mais aussi colorée, pour être certain de ne rien manquer dans le noir. Ce sont les filles qui importeront le cuir et le look de la prostituée sur scène, et les gars épouseront non seulement le cuir suggéré par les costumes de putes, mais aussi, peu à peu, le look androgyne que Bolan, Bowie, Queen, Reed avaient déjà emprunté. L'important reste de choquer. On est pas de fameux musicien, mais on sera dans le chemin. Vous ne vous débarrasserez pas de nous comme ça. On sera dans vos faces.

Les Sex Pistols n'ont pas encore d'album. Mais leur gérant, Malcolm McLaren, lance leur premier single le 26 novembre. La mission est claire. 5 jours plus tard, Queen est prévu en ondes au show de 18h00 de Bill Grundy. Toutefois, Freddie Mercury a rendez-vous chez le dentiste et le band ne peut plus s'y rendre. À la dernière minute. ce seront le Sex Pistols qui bénéficieront de cette heure familiale. Et ils en tireront le max-i-mum. Le timing sera tout simplement parfait.

En plus de cracher leur morceau en ondes, ils profiteront d'un Bill Grundy non seulement intimidé par ce band, qu'il qualifie de sale en comparaison aux Rolling Stones, mais aussi saoul comme un polonais, et qui perdra son emploi suite à cette entrevue, ne s'en remettant professionnellement jamais. "Oh shit!" seront ces derniers mots en ondes, mots dits en micro fermé. Grundy, après avoir insulté 4 groupies qui se sont invités derrière les musiciens, invite Steve Jones à dire le plus de grossièretés possible en ondes, ne se doutant pas qu'un Jones relève toujours les défis.Ce qui lui sera fatal, sera pour les Sex Pistols et le punk, un fameux tremplin.

Dès le lendemain de ce moment jugé nationalement disgracieux, on titre en Une The Filth & The Fury par rapport à ce moment d'horreur télévisuelle. "I am the antichrist? I am an anarchist? don't know what I want but I know how to get it, I wanna destroy the passerby? en 4 lignes et en furoncle visuel, c'en est trop pour l'Angleterre travailliste de James Callaghan.

Mais pour les jeune adultes, et les adolescents, on jubile. On roule sur Beethoven comme les Beatles (et Chuck Berry avant eux) nous y invitaient.  La subversion existait depuis longtemps, mais on ne l'avait jamais vue aussi clairement. Ces jeunes veulent non seulement être entendus, ils veulent faire réagir. IN YOUR FACES. IN YOUR FIECES.

Ils sont non seulement une nouvelle esthétique, mais un coup de poing visuel et sonore dans une Angleterre qui ne leur fait aucune place nulle part.

Le punk, né entre le Royaume-Uni et les États-Unis, entre 1969 et 1976 atteint une visibilité qui rendra le style très populaire pour au moins 2-3 ans. Plus populaire qu'ils ne l'auraient jamais souhaité eux-mêmes.

Agressivement moderne pour l'époque, le style prend ses distances de la sentimentalité des chansons pop. On se tanne de longs solos qui ne mènent nulle part et on créé du no bullshit rock beaucoup plus simple. On rejette le modéle social politique, des groupes comme The Clash deviennent très clairement de gauche et exigent leur White Riot, les punks vont aux toilettes se décharger de leur selles quand on joue du disco ou du flower power hippie. L'esprit du DIY, (Do It Yourself) fait en sorte qu'on s'improvise musicien, pas toujours bon, et ce n'est pas grave.

Nihiliste, aliénant, perturbateur, le style n'est pas étranger aux sons futurs du grunge, dont Offspring ou Green Day seront les fiers porte-paroles.

Avant eux, The Kinks, The Who, The Small Faces ont des traces de ce que sera le punk des années 70.

Il y a 40 ans aujourd'hui, les Sex Pistols donnait un sérieux coup de main au mouvement punk sur l'heure du souper, devant une moitié de peuple local médusée, et une autre ravie.

Ce qui était saleté et répulsion pour les uns seraient liberté et révolution pour les autres.


  

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