mardi 6 décembre 2016

Marcel Mordekhaï Gottlieb (1934-2016)

Nés de parents émigrés juifs hongrois à Paris, son père est arrêté par la police française sous occupation en 1942 et envoyé en camps de concentration. Il n'en reviendra jamais. Prévenue d'une rafle allemande, la mère du petit Marcel réussit à le cacher, lui et sa soeur,  chez un agriculteur. La mère disparaît toutefois, elle aussi. En orphelinat, il découvre "les filles du sexe opposé" et confessera ce moment de sa vie, plus tard, dans un livre appelé J'existe, Je Me Suis Rencontré.

Marcel travaille à l'Office Commercial Pharmaceutique tout en suivant des cours du soir à l'École Supérieure des Arts Appliqués Duppéré. Il se trouve une place comme lettreur chez Opera Mundi qu'il quittera à son retour de son service militaire de 28 mois.

Il tente sa chance comme dessinateur pour des contes, des albums à colorier, des livres pour enfants.

Il se développe en BD vers 1962, dans le journal Vaillant. et créé Gilou, Klop, Puck & Poil, Nanar, Jujube & Piette. Cette dernière série durera 6 ans, et fera naître le personnage de Gai-Luron dont la publication se poursuivra quand Vaillant devient Pif Gadget jusqu'en 1971. C'est par Pif Gadget, acheté à la Pharmacie Demers, que Gotlib entre dans ma vie.

Dans les années 60, il créé dans le périodique Records, le personnage du Professeur Frédéric Rosbif dont certaines idées seront aussi empruntées pour le personnage futur du Professeur Burp dans Rubrique-à-Brac. Il fait toujours de l'illustration de livres pour enfants. Il entre en 1965 au journal Pilote. Goscinny l'adore et ensemble, ils créent les Dingodossiers. C'est lui qui lui donne le go pour des albums en solos et naissent les Rubrique-à-Brac, petite révolution dans l'univers de la BD et dans ma vie d'enfant (bien que découvert dans les années 70-80) .   Son humour intellectuel et caustique, ses gags expressifs, l'intelligence des scénarios de Goscinny, RAB changent nos vies.

Il animera, avec Goscinny, Gébé et Fred, 13 émissions de radio sur Europe 1 entre 1969 et 1970.

En 1972, un ami de Gotlib, Nikita Madryka, se voit refuser son Concombre Masqué par Goscinny, rédacteur en chef de Pilote. Avec l'aide de Claire Brétécher, Madryka et Gotlib fondent L'Écho des Savanes. Gotlib voit son style changer. Il expérimente au niveau des scénarios, en rajoute sur les expressions faciales de ses personnages, devient un peu scatologique, absurde c'est certain, sexuel aussi. Ses gags sont parfois présentés en crescendo d'absurdité. C'est 100% burlesque.

En 1974, il dessine pour les Monty Python.

En 1975, il lance son magazine Fluide Glacial, magazine d'Umour et de bandessinées avec un ami d'enfance. La même année, il co-scénarise un film pour Patrice Leconte, Coluche et Jean Rochefort. Il fera aussi l'acteur au moins 8 fois entre 1970 et 2006.

Depuis Fluide Glacial, il lance des BD diverses: Gai-Luron, Rhââ Lovely, Pervers Pépère, Superdupont, Dans la Joie Jusqu'au Cou.

À partir de 1980, il se consacre presqu'exclusivement à la ligne éditoriale de Fluide Glacial. Il redessinera ici et là, en publicité entre autre, mais peu à peu, pose son crayon. Il cède en 1995, la plupart de ses possessions d'édition, mais publie de temps à autres des éditoriaux. On y découvre un style littéraire remarquable que la BD ne servait pas tant que ça.

En 1982, il co-signe l'affiche du film Elle Voit Des Nains Partout!.

Même si ses personnages sont complexes, les décors sont souvent forts simples. Avec Goscinny, celui-ci exigeait du décor, mais c'est frappant de voir l'absence de décor à partir des Rubrique-à-Brac. La coccinelle est née de cette absence de décor, afin de boucher les trous des cases. Si les personnages sont réalistes, les traits des visages sont fortement exagérés. L'humoriste Michel Courtemanche est un élève direct de ces personnages. Gotlib est parmi les premiers dessinateurs de BD à faire éclater les cases de BD pour que les personnages en sortent.  Même si certains personnages reviennent régulièrement, il n'y a pas vraiment de personnage principal. L'histoire d'Issac Newton et de sa pomme qui lui aurait fait découvrir la loi de la gravité est déclinée de toutes les manières les plus grotesques possibles. Les brocolis sont omniprésent. La blague du fou qui repeint son plafond ne sera jamais complète et toujours contée.

Maître de l'humour noir (tout comme Goscinny), et grand amoureux de l'Amérique, dont les références seront nombreuses et toucheront nos cordes facilement, ceci lui a permis d'aborder des thèmes qui lui étaient chers, tout en se discréditant lui-même, en parlant d'humour fin et sophistiqué, avant de plonger dans l'absurde et le cabotin.

Les références littéraires, cinématographiques et autres sont multiples et il a cité ou dessiné des dizaines et des dizaines d'artistes, passant de Woody Allen à Frank Zappa en oubliant ni Gainsbourg, ni les frères Marx, ni non plus Dali, Adjani ou Bruce Lee.

L'astéroïde 184878 a été nommé Gotlib pour lui.

En 1993, une série sur Canal Plus honore la coccinelle de Gotlib et l'auteur.

Bien qu'il ne dessine plus vraiment depuis déjà plus de 30 ans, mon coeur d'enfant a saigné un peu dimanche et est en liesse.

Gotlib est décédé dimanche à l'âge de 82 ans.

Merci la vie pour Marcel Gotlib.

Tu auras été un stimulant pour ma curiosité, une inspiration pour mes coups de crayons et mes blagues entre amis, un apaisant pour ma ratte, un amour certain de la vie m'est né de ta folie.

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