mardi 13 décembre 2016

Retrait Sur Trois Prises pour Warren Beatty

Warren Beatty est une légende du cinéma. Il a été nommé 14 fois aux Oscars, 4 fois pour le meilleur acteur (Bonnie & Clyde, Heaven Can Wait, Reds & Bugsy), 2 fois pour la meilleure réalisation (Heaven Can Wait & Reds), 4 fois pour le meilleur film (Bonnie & Clyde, Heaven Can Wait, Reds & Bugsy), 3 pour le meilleur scénario original (Shampoo, Reds, Bulworth) et 1 fois pour le meilleur scénario adapté (Heaven Can Wait).

Il a filé avec l'Oscar de la meilleure réalisation pour Reds en 1982. Fait peu connu, le petit frère de Shirley MacLaine est à moitié canadien, leur mère étant originaire de la Nouvelle-Écosse et y a été enseignante.

Très tôt dans sa carrière. Warren Beatty apporte des suggestions aux films dans lesquels il tourne. À un tel point qu'on lui dira "...et tu voudrais produire le film aussi?". Ce à quoi il admet que oui. Donc dès 1967, il devient producteur (autant que possible) des films dans lesquels il tourne.

Bonnie & Clyde sera le premier et sera un triomphe. Le mythe du couple de gangster mis en images rapporte gros et il fait aussi scandale alors que le l'on juge la tuerie finale comme étant la scène la plus violente jamais montrée sur grand écran alors. La prochaine fois que Beatty sera producteur, il en écrira aussi le scénario, avec Robert Towne. 8 ans plus tard.

Shampoo raconte, la veille de l'élection de Nixon en 1968,  une satire des moeurs sexuelles de la fin des années 60. Beatty y incarne un coiffeur/séducteur et une jeune Carrie Fisher y fait sa première présence au cinéma. La comédie, lancée au moment même où le président Nixon est déchu, est un vif succès puisque le côté féroce de la satire vise juste. Deux productions, deux gros hits pour Beatty.

En 1978, Warren adapte la pièce d'Harry Segall sur grand écran. La chose a déjà été faite en 1941, adapté par Sid Buchman & Seton Miller pour Alexander Hall et mettant en vedette Robert Montgomery, Evelyn Keyes et Claude Rains. Beatty se joint à Elaine May pour réécrire l'histoire d'un boxeur amené au paradis trop tôt et à qui on accorde une seconde chance sur terre. Beatty Voulait Muhammed Ali dans le rôle principal, mais il est alors trop actif encore dans l'univers de la boxe et Beatty se ravise. Il incarnera le rôle principal et fera du boxeur une star de football, ce que Beatty a été plus jeune, se voyant offrir pas moins de 10 bourses collégiales pour continuer sa carrière de joueur, ce qu'il a refusé de faire. La comédie est un très grand succès, Beatty à la production, et à la réalisation puisqu'il réalise ce film-là avec Buck Henry, est une valeur certaine.

Tout ça sera confirmé au début des années 80 avec son meilleur film, à mon avis, qui était aussi un grand risque. Depuis 1966, Beatty s'amuse avec l'idée d'adapter la vie rocambolesque de John Reed pour le cinéma. Il documente des entrevues avec des gens qui ont déjà côtoyé le journaliste, poète, activiste social, très investi dans la crise d'Octobre 1917 en Union Soviétique. Reed est le seul Étatsunien enterré sous le Kremlin. D'abord appelé Comrades, le film avorte une première fois vers 1969. Beatty retravaille le script avec Trevor Griffiths, mais la femme de ce dernier péri dans un accident d'avion et le tournage prévu pour 1974 achoppe. En 1978, tout semble prêt, mais Beatty choisit de faire appel à son amie Elaine May pour raffiner son script. Beatty ne veut pas jouer le personnage principal et pense offrir le rôle à John Lithgow, mais se ravise et portera presque tous les chapeaux. Il est en couple avec Diane Keaton, sa partenaire à l'écran et le tournage, de plus de deux ans, sera douloureux sur leur union. Keaton incarne un personnage extraordinaire qui passe par toutes les émotions. Le film est son meilleur à mon avis et je lui trouve assez peu de défauts. Croisement entre la documentaire et la fiction, peu de films se sont aventurés sur ce terrain depuis. Beatty pourra avoir carte blanche sur ses prochains projets.

Et il sera là le premier problème.

Se sentant redevable à Elaine May qui l'a beaucoup aidé avec ses deux derniers films, Warren en fera son prochain projet. May veut faire un film du genre de la série On the Road... comédies mettant en vedette Bing Crosby, l'homme à femmes, et Bob Hope, le burlesque clown. Elle signe le scénario qui placera deux mauvais chanteurs pris entre les tirs de conflits de la guerre froide dans le désert du Maroc. Beatty, pour une fois le clown et Hoffman l'hommes à femmes. Isabelle Adjani, alors copine de Beatty sera aussi du film. Tout ira mal. May est perfectionniste, déteste le soleil, ne s'entend plus avec le directeur photo, ne s'entend plus avec Beatty, ne s'entend plus avec Adjani. Hoffman en est déconcerté, c'est normalement lui qui fout le bordel sur un plateau. Des rumeurs circulent que des factions palestiniennes pourraient kidnapper le juif Hoffman. La tension du tournage est atroce. Le tournage coûtera 51 millions. Ishtar ne fera que 14 millions de ventes. Un titanesque four. Première prise.

Mais trois ans plus tard, Dick Tracy ramène Beatty dans les bonnes grâces d'Hollywood. On lui redonnera le feu vert très vite, tout le monde pouvait se tromper au moins une fois, après tout.

L'histoire de Bugsy Siegel attire Beatty de partout, Il aime l'époque, il aime le genre, il voulait parler d'Howard Hughes depuis les années 70 , mais la violence autour du truand qui a presque fondé à lui seul ce qu'est devenu Las Vegas, prend le dessus, Cette fois Beatty sait qu'il doit jouer Bugsy. Jean-Luc Godard avait écrit une histoire inspirée de Siegel, mais rien n'en est né. Beatty demande à James Toback de lui scénariser l'histoire de cette étrange icône des États-Unis et non seulement le film sera très bon, très réussi, et très bien accueilli de toute part, mais Beatty y trouvera l'amour de sa vie, Annette Bening. Barry Levinson en assure une fort soignée réalisation.

Mais trois ans plus tard, une grosse fausse balle. Beatty considère le film A Love Affair de 1939 comme le déclencheur de son envie de faire du cinéma. Il en fera une nouvelle version, ringarde, tournée par le réalisateur télé Glenn Gordon Caron, et mettant en vedette Annette Bening. Le film est un terriblement amorphe. Ancien à tous les niveaux, Jeu, éclairage, mise-en-scène, narration. Très 1939. En 1994...

En 1998, Jeremy Pikser et Beatty signent un excellent scénario racontant la vie d'un sénateur fictif en campagne électorale afin d'échapper à un tueur à gage. La critique d'un politicien populiste est nettement en avance sur son époque et la comédie rejoint peu le public. Beatty fait son âge et étrangement, Beatty filme Halle Berry d'une manière qui nous laisse croire qu'elle a une moustache dans plusieurs séquences. Malaises.

En 2001, Deuxième prise. En plein coeur de la marde du marbre. Le fiasco est pénible. L'histoire, dont le ton se trouve entre Freddie Got Fingered et Hannah & Her Sisters est un vaudeville fameusement coûteux qui soulagera le studio de 80 millions. En effet, si il en coûte 90 millions à tourner, il ne rapportera que 10 millions lors de sa sortie. Catastrophe. Beatty prendra 15 ans avant de revenir sur grand écran.

Ce qu'il vient de faire, mettant enfin sur pellicule son fantasme d'incarner Howard Hughes. Cette fois Warren est retiré sur 3 prises. Travaillant 40 ans sur le projet, il offre un produit qui est un curieux mélange de plaisir nostalgique, de tristesse et de fatigue. J'irais personnellement le voir simplement pour voir la splendide Lily Collins pendant 126 minutes. Le film coûtera 25 millions et en rapportera...3,5 en trois semaines, alors qu'on souhaitait faire cette recette le tout premier weekend...

Le rideau semble tombé sur l'acteur de 79 ans.

Ouais, mes yeux seront sur le futur quand je verrai le film, car je le verrai, quoi qu'on en pense.

J'aurai alors les yeux sur Lily Collins.

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