samedi 28 janvier 2017

Pinocchios en Mer

Encore cette année, en croisière avec des gens qui se l'étaient méritée parce qu'ils avaient fait faire de gros sous à leur banque, je me suis senti l'anomalie.

Tout d'abord, je lis. Tandis que les autres résautent. On m'a beaucoup cru de "leur gang" et on a tenté, comme les 4 dernières fois, de résauter avec moi, mais je coupais vite l'élan en précisant que je ne pouvais pas parler banque,  et n'étais que l'invité. En effet, les meilleurs banquiers au pays ont cette croisière/congrès au mérite, mais ils sont tous accompagnés. Et les vraies vacances sont pour nous, les invités. Nous somme gâtés pourris. C'est la 4ème que se(nous) gagne l'amoureuse. Et chaque fois, mon statut d'observateur a toujours été plus fasciné par ces gens qui ne seraient plus mes amis du tout, hors croisière.

Question de valeurs.

Je ne suis pas obsédé par l'argent. Ma vie n'en est aucunement définie. L'argent est pour moi un outil, et je n'ai pas de coffre à outil. Ça devrait tout dire. Le congrès se passe en mer, en croisière, avec 3 escales (contrairement à 4 les années précédentes) les méritants, comme l'amoureuse, ont quelques réunions et activités obligatoires chaque jour et un gala qui est en quelque sorte une remise d'Oscar des meilleurs de la profession. Même si on ne veut pas résauter, on le fait quand même, tout le monde, jasant avec tout le monde sur un bateau de croisière qui ne contient que des gens de la banque.

Ce type de choses se passe aussi au gouvernement et dans de grandes entreprises internationales. Jamais plus que cette année le côté artificiel de la chose ne m'a autant attiré l'attention. Il y a ces deux soirées de torture, la soirée de remise de prix, et celle de la photo de groupe de congrésistes par région, qui fait en sorte que les couples veulent tous se faire prendre en photo éternellement ensuite, pendant que je veux mourir d'inconfort. Deux soirées affreusement pénibles pour moi. Ces soirées-là, je me rapproche mentalement des terroristes.

Parce que je suis vrai. Et rien n'est plus trompeur que moi, en complet-veston-cravate-souliers-qui-font-clac-clac-sur-le-sol. Alors pourquoi l'immortaliser sur pellicule? C'est un mensonge!

Puis j'ai compris que cette croisière nageait en eaux mensongères.

Dans les premiers jours, une banquière m'a dit qu'elle s'était classée 11ème au Canada, avant qu'autour de la table, un autre, devant tout le monde, ne souligne que celle-ci avait été la dernière choisie pour la croisière, se classant 20ème au pays. Ce qu'elle n'a pas niée.

Une autre, a parlé de son portefeuille de 16.5 millions. Quand plus tard dans la semaine, des confrères parlaient d'objectifs de leurs patrons, elle a dit que le sien avait été fixé à 16 millions... moins que ce qu'elle avait déjà?

Un autre prétend que son portefeuille est de 138% plus important que celui des autres. Comment ne peut-il pas être premier au pays avec de tels chiffres?

Deux hommes se parlaient de moto marines. Le premier a demandé si il avait le modèle X. Le second a dit un oui, assez peu convaincant. Plus la conversation a avancé, plus le premier s'est rendu compte que l'autre ne participait pas beaucoup et ne pouvait pas vraiment alimenter l'échange, ayant menti la première fois. Au point que l'homme lui a demandé enfin : "Tu l'as le seadoo ou tu le veux?". Il a été forcé de concéder "que j'y pense... que j'aimerais l'avoir..." en riant. Les deux restant en suspension, tout en sourire devant le mensonge éventé.

Finalement, une invitée, impressionnée par mes 7 croisières, dont une seule payée (2009-payée par ma famille, 2010-invité de ma mère en remplacement de mon père décédé, 2011-Invité de la banque 2014-invité de la banque, 2015-(payée) avec l'amoureuse et nos 2 enfants, 2016-Invité de la banque, 2017-invité de la banque ) m'a parlé de ses 9 croisières pour faire bonne mesure. Mais elle restait vague sur les détails. Puis, deux fois, je l'ai surprise à se tromper dans le nombre de croisière (en en parlant à d'autres- 5 à l'une puis 6 à l'autre) dans les lignes utilisées, et dans les escales. Elle semblait avoir assez mal pratiqué ses menteries et son chum se sauvait toujours quand elle parlait des croisières passées, comme quelqu'un qui se dédouanait des menteries de sa blonde. Qui devenait de plus en plus saoûle, plus la semaine avançait. Ce qui lui servait de bon abri et de défense en cas de confrontation sur ses propos.

Je rigolais par en dedans. L'amoureuse et moi nous échangions toujours plus de regards complices entendus et stupéfaits en même temps.

Puis, vers la fin, on s'est mis à penser à nos enfants. Moi, beaucoup. Pas vu notre fils pendant 20 jours. Ça n'était jamais arrivé en 17 ans. Pensait beaucoup à notre fille aussi. Quand quelqu'un a demandé en quoi étudiait notre fils au CEGEP, l'amoureuse a tout de suite sauté dans la conversation avant que je ne réponde et dit "Sciences Naturelles!"...

Ce qui est complètement faux.

À fréquenter les tromperies, devient-on Donald Trump?

On s'est expliqué par la suite en privé et elle a dû concéder que la vanité l'avait étouffée.

Le mensonge est contaminant.
Suis-je naïf de souhaiter 2017 plus sincère?

Je suis peut-être une vraie anomalie.

Mais dire n'importe quoi de nos jours, c'est probablement faire partie de l'élite.

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