dimanche 30 avril 2017

Local

Récemment, j'ai croisé un groupe de touristes français qui parlait de son séjour ici, entre eux. L'un d'entre eux, en racontant une anecdote, a dit "...alors j'ai demandé à un local, mais il n'avait pas plus de réponses pour moi...".
J'ai ri de l'intérieur.
Un "local". Je me demandais à quoi ça ressemblait un local. Si il m'avait parlé à moi, j'aurais eu un réflexe de mauvaise foi et lui aurait dit: " C'est certain que si on demande à un local, particulièrement si il est vidé de gens, on aura pas de réponse..."

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J'ai accepté un contrat de travailleur pour la ville pour quelques semaines. Un contrat payant d'implantation. On livre "du matériel" à toutes les adresses de Terrebonne. Je ne serai pas plus précis afin de ne pas m'exposer à du repérage facile qui pourrait blesser l'un ou l'autre.

On bosse de 7h le matin à 19 heures le soir, 5 jours sur 7. Même que les deux gars avec lesquels je bossais, faisaient du 7 sur 7 puisqu'ils sont de Québec, la région du 418, et qu'ils étaient tous deux avec nous que pour 9 jours (ou moins). Ils voulaient revenir à la maison au plus tôt, donc travaillaient le plus possible.
Équipe Mtl 
J'étais la cinquième roue de 2 équipes de 2. Tif et Tondu, étaient de l'équipe de Montréal. Et les deux gars de Québec, Mutt (le boss) et Jeff arrivaient du 418 avec un camion beaucoup plus gros. Alors que j'étais originalement prévu avec l'équipe de Montréal, avec laquelle je m'étais vite lié d'amitié, j'ai finalement atterri dans l'autre équipe. Celle de Mutt & Jeff. Celle de Québec. Parce que leur camion était justement plus grand, et avait une banquette arrière, tandis que le camion des boyz de Mtl n'avait que 2 bancs en avant. Très vite aussi, on est devenu chummey/chummey.
Équipe Q-Bec

Mutt est un agressif. Il porte fièrement le t-shirt "intimidateur naturel" et en porte aussi le chapeau. Aussitôt arrivé dans l'entrepôt de Montréal, il n'a cessé de critiquer les manières d'opérer (critiquables, je le concède) haut et fort et a à peu près tout remis en question. Sa manière n'était pas la leur et il tenait à le faire entendre, quitte à dire des choses qu'il n'aurait pas dû dire. Et j'avoue que j'ai apprécié sa manière efficace d'opérer sur le terrain, mais dans les bureaux je comprenais tout le monde qui l'avaient dans le cul.
Dans les rues: efficacité, pas de niaisage allright. On se couchait brûlé en fin de journée, on avait souvent opéré plus de trois fois plus que l'équipe de Tif & Tondu (bien que ce ne fût pas une compétition). J'étais content d'être de l'équipe qui livrait bien et encore plus content qu'eux-mêmes, entrepôt de Montréal et Mutt & Jeff, soient contents de moi.

Reste que j'ai un peu souffert et pas physiquement comme je le pensais.

Chaque matin, je devais subir le discours de l'ignorance, D'abord de la part de Mutt & Jeff sur Montréal et ses maudites rues one way,  ses conducteurs fous, ses gens qui se parlent pas, ses races de toute sortes, son trafic... le traditionnel chant de l'habitant qui arrive en ville. PIRE! grâce à son système radio, il insistait pour écouter Dominic Maurais ou Stéphane Dupont...la radio du matin de Q-Bec...

...tabarnak...

Je ne rapporterai pas toutes les stupidités entendues, mais j'avais l'impression d'entendre la radio étudiante de mon école secondaire de 1987.  Les animateurs ne semblaient s'intéresser qu'à des sujets glauques, sexuels ou motorisés. J'ai laissé tombé plusieurs soupirs intérieurs, exactement là où Mutt & Jeff éclataient de rire après qu'un propos juvénile eût sévi.
Oh! Je m'entendais très bien avec Mutt & Jeff, ce sont de bons bougres, mais ce sont aussi des boyz comme je ne suis pas du tout et ne serai jamais. De ceux qui s'excitent en voyant une voiture et qui se mettent à parler en lettres comme MX7 ou G55 AMG. Qui bavent en voyant une pépine qu'ils rêveraient de conduire ou un "mag". Qui savent tout de la couette de remorque et qui peuvent se mettre à parler du salon de l'auto pendant des dizaines de minutes, me larguant complètement, niveau conversation. C'est pas avec eux que je parlerai d'Antonioni, mais c'est très bien comme ça. Je ne peux pas prétendre que je ne savais pas dans quoi je m'embarquais. Si on était tous pareil, on s'ennuierait.

Je connais bien le 418 pour y avoir passé 16 ans de ma vie. La plongée dans cette eau de libeurté était tout de même un caillou dans mon soulier. Je souhaite toujours rester en apnée de ce genre de moments.
Vous connaissez l'univers de Bob Bissonnette? Je ne connaissais rien de lui, sinon sa mort, je baignais dans son monde.   J'avais aussi ma propre ignorance.

J'étais aussi entre l'arbre et l'écorce. Un matin où le fournisseur avait laissé très peu pour livrer. Une tension s'est créée entre les deux équipes.
Je n'avais rien contre les Tif & Tondu, l'équipe de Montréal. Plus la semaine avançait, plus Mutt & Jeff se moquaient d'eux dans leur dos. Et je freinais leurs élans de médisance. Un matin, Mutt leur volerait le peu de stock à livrer, s'offrirait le meilleur parcours ("parce que je travaille plus vite" (et mieux a-t-il rajouté en privé pour notre attention)) et proposerait à Tif  et Tondu de venir travailler avec nous. Ce qu'ils refuseraient promptement, trouvant ridicule que la compagnie ait offert les heures à des gars de Québec. au lieu d'eux. Humiliés.

Les 2 gars de Québec voulaient travailler tout le temps et longtemps pour, au bout du compte, en finir avec les quantités à livrer et retourner voir leur proches à Québec le plus vite possible.
Les 2 gars de Montréal évaluaient leur travail sur ce que l'on avait reçu et voulaient combler leurs journées du plus d'heures possible en ne faisant qu'un seul voyage par jour si le fournisseur offrait si peu à livrer.

Rien à livrer? pas grave! on va étirer notre journée et nos heures disait Montréal.
Rien à livrer? On va bouger mer et monde pour que le fournisseur se grouille le cul et nous amènent du stock nous faisant livrer 1020, là où l'autre équipe livrera 300, disait Québec.

Inconfortable pour moi qui m'entendait bien avec les deux duos. Et qui n'était pas en mode compétition.
Tif et Tondu ont tous deux préféré retraiter à la maison, au lieu de nous aider à 5. trouvant que l'on finirait trop tôt, aussi bien être payé 3 heures pour le déplacement, à rester à la maison que de subir le tempérament de Mutt. (ou de finir franchement trop vite) était leur raisonnement.
Équipe Roxboro

J'étais dans une guerre d'attitudes.

Quand mon duo de Québec a finalement quitté après 9 jours, il restait du travail à faire. Je croyais tomber systématiquement dans l'équipe de Montréal, mais on m'a greffé à un autre duo en raison du même problème d'espace dans la voiture. Un duo de Roxboro. Qui eux, avaient une relation amour/haine, passive/agressive. J'étais assis entre les deux en avant et voyait passer sous mon nez des "va chier salope!" et des "J'irai pas chier, je garde mon cul pour toi chérie" et autre poésie du genre. Mais au moins, avec eux, une nouvelle radio sur l'administration Trump pouvait susciter une discussion.

Le duo de Roxboro s'est trouvé extrêmement fier de livrer autour de 600. Il n'en croyait pas leurs yeux et ne cessaient d'en parler, textant même la chose, le torse bombé à leur sous-boss.

...on livrait entre 750 et 1020 avec l'autre duo...  

Je ne leur en ai pas glissé un mot sur la chose quand ils se tapaient dans le dos en fin de journée.

Je suis resté en apnée.

Et je crois savoir à quoi font référence les Français en parlant de "local".


samedi 29 avril 2017

Le Fruit Ultime, Le Vieux Pommier Dégeulasse et La Pomme

La racine d'une France honteuse, s'est manifestée il y à peine quelques années, quand ils ont investi les rues afin de dénoncer le mariage homosexuel.

Ce qui avait autant de valeur que de dénoncer la mort de Jimi Hendrix.

Les homosexuels qui se marient ne vous enlèvent absolument rien, bande de pleutres. Ce n'est même strictement pas de vos affaires. Discute-t-on de votre impotence? Laissez les amoureux aimer. Quand ces marches de la honte son nées en France, Marine Le Pen et son triste père ont pris leur envol. Leur haine, leur jalousie, leur méfiance face à celui ou celle qui aime,  avait maintenant un écho. Il est assez facile de voir un fil conducteur entre la haine du terroriste et celle du Front National.

Xavier Jugelé a été tué par un absolu désaxé français, le 20 avril dernier. Jugelé était un policier modèle. Un amoureux modèle aussi. Son compagnon était Etienne Cardiles. Un homme. Qu'il avait même marié. La femme qui présentait Étienne avant son allocution suite à l'assassinat de son copain a même semblé hésiter en disant A...avant de rétracter et de dire conjoint de Monsieur Xavier Jugelé.
A comme Ami...ou Amoureux.

Xavier, 
Jeudi matin, comme de coutume, je suis parti travailler et tu dormais encore. Nous avons échangé au fil de la journée sur nos projets de vacances, dans un pays si lointain, que tu m'avais dit, très impatient, et que tu n'avais jamais été aussi loin. Des détails de visa, nos préoccupations d'hébergement envahissaient nos messages d'une frénésie d'autant plus joyeuse que nos billets d'avion étaient réservés depuis mardi. Tu as pris ton service à 14h, dans cette tenu de maintient de l'ordre, dont tu prenais tant soin. Parce que ta présentation devait être irréprochable. Tes camarades et toi aviez reçu la mission de rejoindre le commissariat du 8ème arrondissement, où vous deviez, comme si souvent, assurer la sécurité du public sur cette belle avenue des Champs-Elysées. On t'as désigné comme point de stationnement le 102, avenue des Champs Élysées, devant l'institut culturel de Turquie. Ce type de mission, te plaisais, je le sais. Parce que c'était les Champs et l'image de la France. Parce que c'était aussi la culture que vous protégiez. 
À cet instant, à cet endroit, le pire est arrivé. Pour toi et tes camarades. Un de ses évènements que chacun redoute et dont tous espère qu'il n'arrivera jamais. Tu as été emporté sur le coup. Et je remercie ta bonne étoile. Tes camarades ont été blessés, l'un d'eux gravement, Ils se remettent progressivement et nous en sommes soulagés. Tous ont été choqués. 
Je suis rentré le soir, sans toi. Avec une douleur extrême et profonde, qui s'apaisera peut-être un jour, je l'ignore. Cette douleur m'a donné le sentiment d'être plus proche que jamais de tes camarades qui souffrent. Comme toi, silencieusement. Comme moi, silencieusement. Et pour ce qui me concerne, Je souffre sans lui. J'emprunte cette formule à Antoine Lérisse, dont l'immense sagesse face à la douleur a tant fait mon admiration que j'avait lues et relues ses lignes, il y a quelques mois. c'est une leçon de vie qui m'avait fait tant grandir qu'elle me protège aujourd'hui, lorsque sont parus les premiers messages informant les Parisiens qu'un évènement grave était en cours sur les Champs-Élysées et qu'un policier avait perdu la vie, une petite voix m'a dit que c'était toi. Et elle m'a rappelée cette formule généreuse et guérisseuse:
"Vous n'aurez pas ma haine" 
Cette haine, Xavier, je ne l'ai pas car elle ne te ressemble pas. Parce qu'elle ne correspond en rien à ce qui faisait battre ton coeur, ni ce qui avait fait de toi un gendarme, puis, un gardien de la paix. Parce que l'intérêt général, le service des autres, la protection de tous, faisant parti de ton éducation et de tes convictions, et que la tolérance, le dialogue et la tempérance étaient tes meilleures armes. Parce que derrière le policier, il y avait l'homme et qu'on ne devient policier ou gendarme que par choix. Le choix de protéger les autres, d'aider les uns les autres et de lutter contre les injustices. Cette mission noble que la police et la gendarmerie assurent et qui sont régulièrement mises à mal, moi, en tant que citoyen, avant même de te connaître, je l'admirais déjà. Cette profession de policier est la seule à laquelle la déclarations des droits de l'homme et du citoyen fasse allusion. Dans son article 12 elle indique cette évidence: "la garantie des droits de l'homme et du citoyen nécessite une force publique." Avec une précision utile, en cette période politique importante, cette force est instituée pour l'avantage de tous et non pour l'utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée. C'était cette vision que nous partagions de cette profession, mais une facette seulement de l'homme que tu étais. 
L'autre facette de l'homme était un monde de culture et de joie où le cinéma et la musique prenaient une immense part. 5 séances de cinéma dans une magnifique journée ensoleillée d'août ne te faisaient pas peur. Et bien entendu les versions originales étaient privilégiées, pour le puriste que tu étais et pour cette langue, l'anglais, que tu voulais parler à la perfection. Tu enchaînais les concerts, suivant parfois les artistes sur une tournée complète. Céline Dion était ton étoile, Zazie, Madonna ou Britney Spears et tant d'autres faisaient vibrer nos fenêtres. Le théâtre te transportait et tu le vivais pleinement. Aucune expérience culturelle ne te faisait reculer. Le pire des films était vu le jour de sa sortie. Jusqu'au bout. Quelle que soit sa qualité. Une vie de joies et d'immenses sourires, où l'amour et la tolérance régnaient en maîtres incontestés. 
Cette vie de star, tu la quitte comme une star. Je voudrais dire à tous tes camarades combien je suis proche d'eux. Je voudrais dire à ta hiérarchie policière combien j'ai vu la sincérité dans ses yeux et l'humanité dans ses gestes. Je voudrais dire à tous ceux qui luttent pour éviter que ces évènements se produisent que je connais leur culpabilité et leur sentiment d'échec et qu'ils doivent continuer à lutter pour la paix. Je voudrais dire à tous ceux qui nous ont témoigné leur affection, à ses parents et à moi, que nous y avons été profondément sensible. Je voudrais dire à ta famille que nous sommes unis. Et à tous les plus proches, qui ont été si soucieux de moi, qui ont été si soucieux de nous, qu'ils sont magnifiquement dignes de toi. 
À toi je voudrais dire que tu vas rester dans mon coeur pour toujours. 
Je t'aime.
Restons tous dignes. 
Et veillons à la paix.
Et gardons la paix.

Ceci est l'intégral du discours d'Étienne Cardiles amoureux du sacrifié.
Vous y lisez quelque chose de choquant, vous?
7 minutes 26 secondes d'Amour avec un grand A.
A comme Ark pour certains.

Jean-Marie Le Pen, racine de l'intolérance, a trouvé le moyen d'être choqué par les propos de l'amoureux, les trouvant plutôt hommage à l'homosexuel qu'au policier.

Jean-Marie voit le titre avant l'homme. Ça en dit long sur la pourriture que sa race représente.
Jean-Marie Le Pen a trouvé le moyen d'être choqué par l'amour, la dignité et la tolérance.
Qui lui sont peut-être inconnus.

Jean-Marie, père de Marine.
Marine, a eu l'intelligence de ne pas en remettre sur les propos de son ordure de père et de se contenter de dire que l'hommage était très digne.

Sur 50 pays d'Europe, il n'y en a que 28 qui ont accepté le mariage de conjoint de même sexe et 7 des 9 pays dépendants ont fait la même chose.  La France a été le 14ème pays à le faire en 2013.

François Hollande aura été un historique président impopulaire, mais voilà une décision qu'il aura prise qui lui redonnera du lustre pour les siècles à venir.

À moins que Marine en mai...

La haine des Le Pen fait pitié à voir.

L'ignorance est ténèbre et cécité.

vendredi 28 avril 2017

À La Recherche Du Temps Perdu*************************Les Bienveillantes de Jonathan Littell

Lire c'est penser, prier, parler à un ami, entendre la voix d'un autre, l'écouter, c'est se confesser, exprimer ses idées, forger les siennes, les confronter, c'est écouter de la musique, suivre un rythme, vivre des moeurs qui ne sont pas les nôtres, adverses ou nouvelles, c'est explorer sous une nouvelle lumière, c'est s'ouvrir les sens et en agrandir l'espace. C'est découvrir de nouveaux angles, marcher sur une plage de la vie s'ouvrant sur le monde et les gens qui le compose. Lire c'est apprendre la vie par les yeux, par la tête et le coeur. Lire c'est la vie des autres et la sienne aussi.

Chaque mois, vers la fin, je vous entretiens d'un livre qui m'a bouleversé par son auteur, son contenu, son sujet, parfois les trois. J'essaie de vous dire pourquoi.

J'ai toujours un livre ou deux à la main. Lire, c'est un peu aussi mon métier.

Lire pour moi, c'est apprendre à mieux respirer.

LES BIENVEILLANTES de JONATHAN LITTELL

Grand prix du roman de l'Académie française de 2006, c'est sur cette seule base que j'avais acheté, dans un moment de noirceur mentale, la brique de 1403 pages en 2009. Je l'avais lue en très peu de temps. Totalement absorbé par cette histoire en 7 parties, du durée inégales, racontant Maximillien Aue, officier SS ayant participé aux massacres de masse nazis, et la chronologie morbide de la guerre sur le front de l'Est, dans la Seconde Guerre Mondiale, de la Shoah par balles en 1941 aux camps d'extermination des juifs, en passant par la bataille de Stalingrad pour s'achever sur la chute de Berlin en 1945. On suit le manque de remords de Max, ses crimes, les jeux de pouvoirs, la saleté de la guerre.

Le livre a été inspiré à Littell par une photographie (attention: graphique) de Zoya Kosmodemianskaya, partisane russe assassinée par les nazis, par le documentaire fleuve de Lanzmann sur la Shoah,  et la lecture de Raul Hilberg et David Rousset. Il s'est aussi rendu au Caucase, en Urkaine, à Stalingrad, en Pologne, en poméranie afin de goûter les lieux et s'imprégner de l'univers de l'action de son livre. Comme travailleur humanitaire, il a aussi été sur place pour les conflits en Boznie-Herzégovine et en Tchétchénie. Il s'est aussi plongé deux longues années dans les archives sur la Seconde Guerre Mondiale, afin d'y inclure le plus de situations réelles dans ses moments de fictions. Une manière qu'utilisait son propre père, écrivain lui aussi, dans son livre, entre autre, sur l'espionnage et les premières années de la CIA, The Company.

Le personnage de Max Aue est suivi de l'âge de 25 à 31 ans. Il assume pleinement son engagement nazi et y participe aussi. On suit les rouages de la solution finale et sa bureaucratie. max veut naïvement faire travailler les prisonniers de guerre, ce qui obligerait de meilleures rations alimentaires pour les garder en vie, et qui détonne de l'attitude des SS qui préfèrent les affamer, les massacrer et les affaiblir. Les 7 parties du roman son titrés de morceaux de Jean-Philippe Rameau, musicien apprécié de Littell.

La partie 1 (Tocatta) est une sorte de prologue Faustien qui nous présente le personnage, fier nazis, croyant en la mission nazie jusqu'au bout, aujourd'hui (probablement dans les années 70) industriel spécialisé en France, sous une fausse identité. Les nazis n'ont jamais été des bourreaux pour lui, mais bien des frères humains.

La partie 2 (Allemande I & II) suit Aue dans les batailles en Ukraine, en Crimée, dans le Caucase et les massacres qui s'y produisent à ciel ouvert contre les Juifs et les Bolchéviques. Suite à un affront à ses supérieurs, il est envoyé en punition à Stalingrad, où on prévoit une lourde défaite, ce qui équivaut à une condamnation à mort de Aue.

La partie 3 (Courante) Siège de Stalingrad.  Aue échappe à la défaite de Stalingrad même si une blessure aurait dû lui être fatale.

La partie 4 (Sarabande) Convalescence de Aue et présentation d'une partie de sa famille.

La partie 5 (Menuet en Rondeaux) Chapître le plus long du roman qui présente Aue travaillant auprès d'Himmler, Eichmann et Speer. La mort des prisonniers n'est jamais moralement discutable pour Aue, mais une erreur selon lui. Ce n'est pas un crime dans son esprit. C'est simplemenent une mauvaise stratégie de guerre. La mère de Aue ayant été assassinée, 2 policiers détectives harcèlent Aue, le croyant matricide.

La partie 6 (Air) Aue rejoint sa soeur et son beau-frère, se livre à des obsessions sexuelles en solitaire, chapitre court et onirique ou l'alimentation et l'alcool offrent de nouvelles vertus au narrateur.

La partie finale (Gigue) raconte la fuite suite à l'avancée soviétique, le séjour dans Berlin assiégée, Aue quitte pour la France, son billinguisme (Littell est lui--même franco-Étatsunien) lui sauvant la peau.

On y croise des dizaines d'événements réels et personnages ayant vraiment existé dont entre autre:  Rudolf Hess, Ernst Jünger, Reinhard Heydrich et Adolf Hitler lui-même.

Le regard sur les horreurs est froid et clinique bannissant toute forme poétique à un récit qui ne devrait par ramener de réelle beauté. La sexualité du personnage y est très crue. L'écriture ne se contente pas que d'expositions d'horreurs. Le grotesque et le burlesque s'y trouvent, dans le rapport entre Hitler et Aue ainsi qu'avec les 2 détectives, se trouvant en des terrains absurdes, pourchassant Aue, comme une mauvaise conscience se rappelant à lui, de partout. Littell y parle des paysage ukrainiens avec une certaine poésie et on passe de considérations intellectuelles aux considérations les plus terre-à-terre où sang, excréments et fragments de crâne se côtoient.

Le titre fait référence à L'Orestie, trilogie dramatique d'Eschyle.

Pour amateur de poétique de la cruauté, de littérature Russe (duquel Littell s'inspire beaucoup aussi), de crimes commis par devoir, de philosophie, d'histoire de la Seconde Guerre Mondiale, de sémiologie, du pamphlet, du polar, de politique économique et de grandes aventures brutalement guerrières.

J'ai commencé à lire, sans comprendre d'abord qu'il s'agissait de son père, The Company, de Robert Littell.

jeudi 27 avril 2017

6 Raisons De Ne Pas Écouter 13 Reasons Why

Je vous ai déjà parlé de mon visionnement de la série Riverdale qui prend un peu les personnages des BD Archie Andrews & Betty & Veronica et prend beaucoup beaucoup beaucoup (trop) de l'univers de 2017. La série est sombre là où le comic était soleil.

On a troqué la vitamine C pour le prozac et ça ne me plait pas complètement.
Mais je me rendrai jusqu'à l'épisode final. Par curiosité.

À la fin de chaque épisode, Netflix me conseillait de visionner aussi 13 Reasons Why. Un autre série produite par le réseau, avec l'appui financier de Selena Gomez, cette fois.

Au Baseball on dirait une fausse balle.
Dans les centres de préventions du suicide on dirait: un désastre.

13 Reasons Why raconte l'histoire d'une jeune fille, suicidée, et qui nous explique en 13 cassettes/épisodes pourquoi, avec de multiples retours dans le temps, nous la montrant tout à fait parmi les vivants. Ceux qui veulent voir la série et ne veulent pas de divulgâchis doivent s'arrêter de lire ici.

Récemment, deux jeunes filles de 15 ans, de milieu différents, nous ont confessé être mordues de la série. Je ne l'avais pas encore vue. Je trouvais la prémisse douteuse et malsaine. Puis, je l'ai écoutée.
Je me trompais peu.

La télévision n'est pas la science, ni la médecine. C'est du divertissement parfois, de l'info parfois aussi. C'est le mariage des deux qui ne fait pas toujours bon ménage.

Divulgâchis commence ici.

La série nous montre "pourquoi" la jeune fille de 17 ans choisit de s'enlever la vie. Il y a traumatisme suite à un viol. Traumatisme et viol explicites à l'image. il y a aussi tentative d'en parler aux adultes. Le seul avec lequel la jeune fille trouve la force de parler de son mal se plante royalement dans sa réception de la chose. Il mets du poids sur son "pourquoi".

Le suicide est nettement plus complexe que ça. La santé mentale y est pour beaucoup. Cette question est peu étudiée dans la série. J'ai eu l'impression qu'on avait laissé un sujet dangereux à des enfants. Il y a une certaine banalisation du geste très grave du suicide au profit de l'intrigue, Le suicide n'est jamais la solution. Et la série débute et se termine avec l'idée contraire. Voici comment j'ai géré mon problème pourrait en être la traduction.

Voici 6 raisons, selon moi, gens fragiles, de garder vos yeux loin du produit.

1. C'EST D'UNE LOURDEUR PHÉNOMÉNALE.
Dans la vie, vous aurez tous des problèmes. Adolescents, vous les vivrez plus difficilement puisque vos corps, vos cerveaux, seront en pleine mutation. Les choses difficiles se doivent d'être discutées. A-t-on besoin de Netflix pour nous dire de parler et d'être à l'écoute de nos ados? non. A-t-on besoin de fuir nos problèmes du quotidien en se plongeant dans des problèmes de la même trempe qui ont comme solution la suppression de sa propre vie? Pas plus. "L'écoute de la série a aggravé leur état" à dit la Docteure Johanne Renaud, chef médical du programme de pédopsychiatrie à l'institut universitaire en santé mentale Douglas. "Ils y pensent encore plus". Bien entendu, ils y voient une validation de leur malaise. Et une option brevetée et potentiellement populaire pour tout ce qu'ils n'auront jamais été pour leur proches. Selena est d'accord avec tout ça. The Heart wants what it wants.
La télé n'est pas conçue pour nous downer davantage.

2. Les avertissements.
Il y en a peu. Il y a bien un avertissement de "contenu mature pour un public adulte", mais rien de bien flagrant avant les derniers épisodes. Et bien que le sujet du suicide adolescent ne soit pas un sujet angoissant pour la plupart des adolescent, il s'agit d'un sujet très troublant pour quelques uns d'entre eux. Et quelques uns, c'est bien assez. Presque tous, nous passons vite par dessus un avertissement, et il existe même des recherches qui confirment que les avertissements peuvent être tout aussi dangereux que ce qu'ils tentent de faire. Netflix n'a pas de portier à la salle pouvant filtrer l'enfant de 12/13 ans voulant voir le contenu. Donc pendant que vous cuisiner pour vos amours, dans le sous-sol, votre adolescente est peut-être en train de regarder une de ses soeurs mourir par ses propres moyens à la télé, le pourquoi, la méthode et le raisonnement derrière exposé pour ses petits yeux chéris. Elle, elle a pris les choses en mains, pensera-t-elle peut-être. When you're ready come and get it, na na, na na.

3.Le suicide doit être discuté, mais pas comme ça.
On a beaucoup parlé de la glorification de la violence. 13 Reasons Why m'a paru exactement comme la glorification du suicide. De bout en bout. C'est notre narratrice, notre personnage principal, et elle est morte par choix. La vie d'adulte ne sera que choix. Une des raisons pourquoi l'adolescence est si difficile à gérer pour l'adolescent lui-même, c'est justement parce qu'il a, souvent pour la première fois, à faire de nombreux choix. À prendre des décisions par lui-même. La série offre un choix. Condamnable.
On montre beaucoup ceux qui restent et qui la pleurent. Qui l'ont aimée et qui se demande pourquoi et comment ils auraient pu la sauver. Ce type d'adulation post-mortem peut être séduisant et extrêmement dangereux. Et si plusieurs visaient ce type d'adulation de leur vivant et faute de le trouver, choisirait de s'enlever la vie pour au moins la créer post mortem? Dan-ge-reux. Kill'em With Kindness.

4. Ce type de série est profondément lourde pour une consommation en rafale.
Netflix se consomme facilement en rafale. Il ne s'agit pas des Gilmore Girls, ou Sex in the City où vous pouviez écouter 3 épisodes en ligne en oubliant d'aller aux toilettes ou de manger tellement vous étiez absorbés. 13 heures de "pourquoi j'ai choisi de mourir" vous habitera d'un sentiment de noirceur. Parler de suicide pendant une heure est intense. En parler pendant 13 heures de suite, pendant 6 heures, pendant 3 heures...effroyable. Lire un seul article sur le suicide d'un(e) ado peut nous habiter longtemps. 13 x 1 heure du sujet. Ouf! Comment j'ai fait? Quel effet ceci aurait sur des gens moins bien armés mentalement? It Ain't Me.

5. Ce type de mort graphique n'est pas du tout bienvenue à l'oeil.
On a peut-être justement voulu le choix de la mort si brutal pour ne jamais la rendre sexy, mais le traumatisme est transféré directement de l'image au cerveau du divan du salon. Ta-bar-nak. She's dead alright. Regardez Hannah, les jeunes, mourir dans une fiction, d'une manière qui n'a aucunement l'air fictive. Vous vous rappelez quand votre jeune de 5 ans et moins était terrifié par la baleine qui menaçait d'avaler Dory et Nemo? Ce n'était qu'un dessin animé, mais pour un enfant de 5 ans et moins, ça faisait parti du vrai. La série, pour certains ados investis dedans, fera aussi parti de leur vrai. La scène du suicide est tout ce qu'il y a de plus réaliste. Aucun ado n'a un jour besoin de voir un des siens dans cette position aussi clairement. Can we take it nice and slow, slow?.

6. L'argument que la série est justement éducative est éclipsée par l'idée qu'il pourrait s'agir d'une solution souhaitable.
Les jeunes sont intimidés tous les jours (un autre "pourquoi" de son choix). Ils sont habitués de voir des vies inventées sur Facebook, Instagram ou Twitter. Ils voient des corps qui ne sont pas vrais sur des adultes sur des plus jeunes, sur des gens de leur âge. Ils s'inventent des amis et des amoureux. Ils vivent dans une ère assez facile, ou tout peut aller très vite. et où ils n'ont plus besoin de la bibliothèque pour faire un devoir, mais ils vivent aussi dans un ère très compliquée. Tout le monde sait tout de vous sur le net et vous êtes exposés et "vulnéralisables" en tout temps. I'm on my marquise diamond, I'm a marquise diamond.

On a léché, en surface, un sujet très profond. Et qui ne s'explique pas simplement comme ça.
Le contenu existait déjà en livre (la série est adaptée du livre de Jay Asher). L'idée de l'adapter pour la télé suggère une envie de sexyfier la chose.

De mettre un glaçage sur le gâteau santé.
(Mentale)

Le suicide n'est ni sexy, ni un moyen, ni une solution.

C'est une plaie de la vie.

Québec, maintenant, s'en inquiète aussi de cette série.