dimanche 11 février 2018

L'Armée des "Beautés" (re-bootées)

La meneuse de claque (cheerleader) est, dans sa nature même, une forme de propagande.

Il y a ceux et celles qui profitent de la jeunesse et de la perfection de leur corps et qui veulent l'exhiber, faisant naître le désir ou l'envie dans l'oeil d'un(e) fan de football, il y a ceux et celles qui en font un sport de gymnastique chorégraphié, puis, il y a le programme Nord-Coréen.

Aux Olympiques est atterrie une troupe de jeunes femmes nord coréennes tirée d'un monde surréaliste. Les Coréens du Sud, hôte des Jeux, les ont baptisées "l'armée des beautés".

Les cheerleaders Nord-Coréennes sont comme des poupées militaires téléchargées synthétiquement et programmées par informatique. On les choisit là-bas, dans leur adolescence où dans la jeune vingtaine, choisies en campagne ou dans les universités principalement à l'oeil pour leur beauté. On s'assure qu'il n'y a pas de traces de dissidence ou de résistance au régime dans la famille proche ou étendue et on s'assure aussi que madame ne sera jamais une déserteuse. Elles doivent mesurer au minimum 5'3.

230 cheerleaders sont à Pyongchang afin de supporter deux douzaines d'athlètes de la Corée du Nord.

Elles sont souvent habillées comme des caddys de golf. Elles ont quelque fois des casquettes et des portent des polos rouges et bleus, aux couleurs du drapeau. Les plus modernes ont des tenues...enfin...plus marinières? (photo)

En 2002, elles étaient habillées en chanteuse de télégramme pour un tournoi de basket. Elles chantent beaucoup. C'est un spectacle parallèle de celui sur le terrain. Au lieu de faire des routines en marge du terrain ou au coeur de celui-ci, à la mi-temps, elles chantent à l'unisson, brandissent des petits drapeaux, jouent du tambourin, agitent des fans, chantent dans des mégaphones en forme de fleur. 288 d'entre elles se sont présentées à Busan, toujours en 2002, pour les Jeux Asiatiques. L'année suivante, elles étaient 300 aux Universiades Games de Daegu.

"QUE VOULONS NOUS?" chantent-elles dans la foule Sud-Coréenne.

"L'UNIFICATION!"

Agitant le drapeau Nord Coréen, elles chantaient "HABILETÉS, TECHNIQUE! FOCUS!"
Elles conseillent.

Dans le même voyage, 6 autobus de cheerleaders se sont arrêté près d'une affiche de Kim Jong-Il (alors vivant) et comme il pleuvait beaucoup, l'affiche menaçait d'être abimée. Une trentaine de cheerleaders sont alors sorties du bus pour se ruer, en pleurs et hystériques, sur l'affiche et l'arracher du mur afin de la sauver. Elles auraient perdu un proche qu'elles auraient pleuré autant. Ils ne comprennent eux-même pas pourquoi elles réagissent ainsi. Un bug dans la programmation. Toutes confirment que ça leur donne des frissons.

En 2005, 101 de ces robots cheerleaders ont été envoyées en Corée du Sud pour les Championnats Athlétiques Asiatiques. Parmi elles, Ri So Ju, 16 ans, fille d'un officier supérieur du régime. Quatre ou cinq ans plus tard, elle marierait le pouffi Kim Jong-Un. On raconte que c'était même une pré-qualification pour le mariage. L'année suivante, 26 cheerleaders sont emprisonnées pour avoir parlé de leur expérience, ce qui est formellement interdit. Les cheerleaders ne sont jamais retournées en Corée du Sud depuis.

En 2013, 12 joueurs de basket Nord-Coréens ont affronté 4 Harlem Globetrotters à Pyongyang. Dans une contre-vérité toute construite par le gouvernement, le match se serait terminé 110 à 110...

En 2014, la Corée du Nord a refusé de se présenter aux Jeux Asiatiques en Corée du Sud car ils ne voulaient pas couvrir les frais autour des cheerleaders, condition essentielle à la participation de la Corée du Nord aux Jeux.

C'est donc un peu un retour public pour ces pauvres femmes.

Le cheerleading est toujours sujet à une vive discussion genrée. Je trouve la chose excessivement rétrograde sous toute ses formes, personnellement. C'est toujours comique de se rappeler que le cheerleading est né chez les hommes d'abord, en 1911. Être un cheerleader était, après le quart-arrière au football, le sport le plus populaire au collège et à l'université. Franklyn D. Roosevelt et Dwight Eisenhower étaient deux fiers cheeleaders, jeunes. Ce n'est qu'en 1923 qu'on ouvre les portes aux femmes. Le sport deviendra plus décoratif et docile. Voire soumis au désir de l'homme. Là où la Corée offre des costumes conservateurs, la cheerleader d'Amérique est toute en peau, bottes, bobettes, soutifs, spandex.  Elles sont choisies d'abord parce qu'elles ont de belles courbes et sont belles. Et un homme cheerleader devient une sorte de risée avec le temps.

Un certain cheerleading est redevenu un sport. Mais étrangement, comme tiraillé entre les filles des lignes de côté au football et les gymnastes, ont y voit souvent un difficile mariage entre l'athlète et la poule de luxe. On déguise des enfants en femmes vulgaires. Mais ce sujet est une autre chronique.

Ironiquement, le cheerleading lobotomisé que propose le Corée du Nord avec ses pauvres ambassadrices pré-programmées, représente aussi une grande soumission féminine.

Une nation répressive et totalitaire offrant des femmes souriantes, coordonnées et synchronisées comme carte de visite diplomatique mondiale.

Du bluff.

Surréaliste.

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