vendredi 6 avril 2018

Cheminots

Le mot cheminot a d'abord été péjoratif.

Il désignait, dans la langue française, un ouvrier parcourant les chemins pour trouver du travail. Un homme (ou une femme, mais c'était plus rare) à moitié vagabond, errant et mendiant afin de se gagner un meilleur sort.

Ce n'est que lorsqu'on se mit à construire des chemins de fer, qu'on fût forcé de constater que ceux qui le faisaient, cheminaient, justement, ce qui en faisaient de parfaits cheminots. Aujourd'hui, ce terme général désigne toute personne employée par une entreprise de transport ferroviaire.

Le métier de cheminot englobe: L'aiguilleur, l'atteleur, l'employé aux aiguillages et aux écluses, le cantonnier, le conducteur, le chauffeur, le chef de service, le chef de manoeuvre, le chef de train, le contrôleur de circulation ferroviaire, le garde-barrière, le garde-frein (ou serre-frein), le mécanicien de locomotive, l'opérateur télégraphiste, le piqueur, le poseur de voie ferrée, le saboteur, le signaleur, l'agent de services en gare et le wagonnier.

Mon grand-père maternel était cheminot. Roméo. Il travaillait pour le CN. Comme il soudait souvent les rails, on l'appelait même Méo-penché. Il est décédé j'avais un mois ou deux. Je ne le connais qu'en photos. Et raconté par mes oncles et ma mère.

Ces métiers ont atteint un certain statut particulier un peu partout. Ils ont été considérés comme des métiers sacrés de bâtisseurs de pays.  Quand le train à vapeur est mort, le rôle du chauffeur devenait caduc. Mais aux États-Unis, on a fait durer ce poste jusque dans les années 80. Le syndicat y avait mis son nez et il n'était pas question d'abolir un tel poste. En France, entre 1938 et 1974, on a jumelé le chauffeur au mécanicien afin que les trains soient toujours conduits en tandem par un chauffeur et un mécanicien, titulaires d'une machine. Le chauffeur s'occupait de la conduite de feu et de production de la vapeur en fonction des besoins, mais c'était néanmoins le mécanicien qui était le chef de bord.

Emmanuel Macron avait promis de réformer la SNCF (Société Nationale des Chemins de Fer) de France pendant sa campagne électorale qui l'a mené au pouvoir. Héritage des années 20, les accords autour des privilèges des cheminots ont en réalité été déjà bien vidés de leur substance.

Parmi ces dits privilèges, entre 114 et 132 jours de repos par année, selon le poste. Retraite, en moyenne à 57 ans. Possibilité de consulter les médecins généralistes tout à fait gratuitement, des médecins que le SNCF garde sous son aile. On leur avait accordé tout ça en 1920 pour service rendus à la nation, particulièrement lors de la Première Guerre Mondiale. La SNCF naît, pour sa part en 1937. C'est l'État qui nationalise les chemins de fer. L'emploi des cheminots devient ainsi, aussi, garantie à vie.

Les jours de repos ne sont pas anormaux. On a nos samedis et nos dimanches bien souvent. Ce qui fait...104 jours + en moyenne deux semaines de vacances: 119 jours. Et, au Québec, 13 congés fériés payés: 132 Les cheminots n'ont que 12 weekends de garantis sur 52 semaines. Nous, souvent, 40 de plus.

La réforme de retraite a déjà été mise en place en 2013. Les agents nés après 1961, ne peuvent désormais toucher leur plein salaire de retraite qu'après 42 ans de service. Pour ceux nés en 1973 ou après, il faut un an de plus, 43.

Depuis le 22 mars, les cheminots paralysent une bonne partie de la France en cessant toute activité. Plusieurs autres revendicateurs se sont joints à leur cause.

La tension monte au pays de Manu.

Mais il chemine.
Tout le monde chemine.

Simplement pas dans la même direction.   

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