vendredi 17 mai 2024

Blonde & Idiote Bassesse Inoubliable**********In The Wee Small Hours of the Morning de Frank Sinatra

Chaque mois, vers le milieu, tout comme je le fais pour le cinéma (dans ses 10 premiers jours) et tout comme je le fais pour la littérature (dans ses 10 derniers) je vous parles de l'une de mes 3 immenses passions: la musique.

Le titre de la chronique est inspiré de 4 albums que j'ai tant écouté dans ma vie que j'en connais tous les sons, tous les tons, toutes les paroles, toutes les nuances et toutes les vibrations, bref, cette musique est désormais composante de mon ADN.

Par ordre de création:

Blonde on Blonde de Bob Dylan

The Idiot d'Iggy Pop

Low de David Bowie

The Unforgettable Fire de U2

B.I.B.I c'est moi. C'est aussi la terminaison du mot habibi voulant dire en langue arabe Je t'aime

Musique, je t'aime.

IN THE WEE SMALL HOURS OF THE MORNING de Frank Sinatra.

Vers 1951, Frank Sinatra a perdu de son attrait populaire. Il a maintenant dans la fin trentaine et n'a plus la fraicheur d'antan, du jeune charmeur. Si bien que lorsqu'on offre un show télé le mettant en vedette, le résultat est si ordinaire, que l'étiquette Columbia laisse tout simplement tomber l'artiste musical. Frank tenterait "de se suicider" en avertissant tout le monde et en se maquillant pour les photos une fois mort. 

Fred Zinneman prépare le tournage de son chef d'oeuvre From Here To Eternity, et dans le rôle de Maggio, il a choisi Eli Wallach. Toutefois Sinatra milite très fort pour avoir le rôle de Maggio. Il écrit de longues lettres disant qu'IL EST Maggio. Il en a le fatalisme absolu. Quand la production le refuse poliment, ce sont ses amis de la Mafia qui s'imposent. Auprès de producteurs, l'influence passera peu. Toutefois, l'intimidation auprès de Wallach lui-même sera très efficace, il finit par laisser sa place. Et Ava Gardner y met son mot auprès de Harry Cohn, co-fondateur de la maison de production qui tourne le film. Non seulement Sinatra jouera le rôle, mais il gagne aussi l'Oscar du meilleur second rôle masculin. On ne sais pas si on a eu la main lourde en coulisses, là aussi. Tout le monde niera, mais qui tient à respirer aura toujours tendance à regarder ailleurs quand des marchands de la mort rôdent autour. Tout ça sera évoqué dans The Godfather.

Chose certaine Sinatra revient au goût du jour. Contre l'avis de ses collègues, le vice-président de la branche A&R de la maison de disques Capitol le signe pour 7 ans. La même année de la sortie de From Here To Eternity. Pari audacieux. Mais réussi. Songs for Young Lovers, mélancolique à souhait, fait écho à son rôle de Maggio. Swing Easy, lancé un an plus tard, atteint aussi le #3 des palmarès. Ol'Blue Eyes is back!.

Mais son mariage avec Ava Gardner est très houleux. Les deux se reprochent leurs fréquentations hors mariages qui deviennent des affaires. Encore marié à Nancy Barbato, il avait commencé sa liaison avec Ava, en 1950. Il se sépare à la St-Valentin de 1950. Divorcera Nancy en 1951. 10 jours plus tard, il marie Ava Gardner. Mais la jalousie les ronge. trois ans plus tard, la relation est très détériorée. Deux mois après la sortie de From Here To Eternity, Ava avait quitté Sinatra

En 1955, Sinatra joue dans The Man With The Golden Arm, ce qui lui vaut une nomination aux Oscars, mais cette fois dans la catégorie du meilleur acteur. Mais il vit toujours séparé de Gardner. Ils divorceront officiellement, deux ans plus tard. Entretemps, il vit de mélancolie. Il est alors largement compris que son assemblage de chansons d'amour virant mal, est directement lié à l'échec de sa relation amoureuse avec Gardner. Dans le milieu, on parle même des chansons de ce 9ème album de l'artiste comme de ses "Ava songs". 

Chantant avec une sorte de langueur émotive il se présente comme un artiste plus sérieux. Un oiseau blessé. Une boule de sentiments affectés. L'album est volontairement pensé comme un album concept. En enregistré en monophonic, une technologie alors avancée de production studio qui rendait le son chaleureux pour les oreilles modernes, on enregistre à Hollywood, à 20h, 5 soirs en février et au début d'avril, jusqu'à passé minuit, ne serais-ce que pour justifier les wee hours. Les incarner. Les 4 premiers morceaux sont pianotés de Bill Miller, les arrangements seront tous de Nelson Riddle. Frank aurait craqué en larmes à la fin d'un de ses morceaux. Frank est méticuleux sur cet album, refusant de chanter quand il sent que sa voix n'est pas à son meilleur. Il en parlera ouvertement comme de son Ava Album

Bien que déséquilibré émotivement, son album est plutôt livré très équilibré dans la performance de son artiste. Aussi intime qu'impressionniste, avec des morceaux jazzy cet album sera une grande influence sur un jeune Lester Young. 

Inspiré des films noirs, voulant évoquer les heures du matin, la pochette sera si séduisante qu'on lui rendra hommage, au moins une fois, presque 20 ans plus tard. 

Harmoniquement simple, vocalement délectable, entre la fumée du soir et la vapeur du matin.

Entre cicatrices et chagrin. Spleen et brumes d'écorché sentimental.

Pour amateurs de crooners, jazz vocal, pop traditionnel, mélancolie, voix basse, big band, d'ombres dans la nuit, de parfum alcoolisés dans la nuit, de blues intérieur, de matins ébouriffés.  

jeudi 16 mai 2024

13 Films Noir Jugés Parfaits

Par du monde qui aiment le ciné comme moé. Le site de cinéma Collider. De passionnant(e)s passionné(e)s.

Le film "noir" n'a jamais eu rapport à la couleur de la peau. Les cinéphiles "sachent". C'est un ton. Sombre. Anti-héros, faillibles détectives au passé trouble, narrateur en voix hors champs de temps à autres, fusils qui vont finir par tirer au moins une balle, femmes fatales, trahisons entre gens troubles, esthétique et exagération dans les ombres projetées sur les murs, narration compliquées, ou pas du tout, mort toujours au rendez-vous. 

Le film noir croise souvent d'autres genres comme le folk verse vers le country. Romance, espionnage, kidnappings, rançons, action, horreur, souvent avec de fameux effets visuels et de savoureux dialogues épicés. 

J'ai vu 10 des films mentionnés plus bas. En possède 6. Ce seront les titres bordés d'un astérisque. J'ai donc réservé les trois pas encore vus, à la bibliothèque. (Chuuuuuuuuuuut! c'est toujours gratuit là où je suis) Ce seront ceux bordés de (). 

13. The Night of The Hunter de Charles Laughton. 1955

Mélange de crime psychologique, de film de crime et de pure horreur gothique, l'unique film tourné par l'acteur Charles Laughton est classé comme l'un des meilleurs au monde, tous genres confondus. Presque toujours placé second derrière Citizen Kane. Des enfants y jouent ce qui donne une sorte de ton de conte en même temps. Conte horrifiant. Cauchemar animé par Robert Mitchum au meilleur de sa forme, dans le rôle d'un révérend se liant à une veuve dont les enfants ont hérité d'une fortune. La seule présence de l'actrice du muet Lilianne Gish suggère une part de silence hantée. James Agee a adapté l'histoire vraie de 1932 du sale Harry Powers. Beaucoup d'hommages ont été rendus par d'autres réalisateurs autour de ce film. Dont Spike Lee.  

12. L.A. Confidential* de Curtis Hanson. 1997

Adapté d'un roman de James Ellroy par Hanson et Brian Helgeland, on nous raconte deux détectives aux habitudes très différentes, le bouillant Russell Crowe et le plus "by the book" Guy Pearce devant faire équipe pour faire tomber une toile étanche de corruption, en se rendanr au sommet de la pyramide cirminelle dans le Los Angeles des années 50. Plusieurs films noirs jouent dans les ombres tandis que celui là expose le soleil de la Californie en surface avec la part obscure de l'homme tout en profondeur. Portrait d'immaturités malades, de violente corruption et de bel amour. Kim Basinger gagner l'Oscar de la meilleure actrice dans un rôle secondaire tellement elle crève l'écran. C'est aussi un brillant film sur la fraternité. Et avec tout ce qu'on sait maintenant sur Kevin Spacey...une couche de saleté s'installe toute seule. Fameux casting aussi.    

11. The Maltese Falcon de John Huston. 1941

C'était le premier film de John Huston et il l'avait entièrement adapté du roman de Dashiell Hammett. Le MacGuffin du titre réunit autour de lui Humphrey Bogart, Peter Lorre, Mary Astor, Gladys George dans une exposition d'avarice et de sa futilité. Ce film est presque une reprise d'un film de 1931 qui adaptait aussi la même histoire, mais qui avait été censurée parce que trop "racée" et ce, jusqu'en 1968. Cette version de 1941 est souvent considérée comme la meilleure histoire de détective du genre. Il a d'ailleurs été parmi les 25 premiers films acceptés à la Librairie du Congrès des États-Unis parce que reflétant adéquatement, esthétiquement et avec talent, des réalités Étatsunienne bien représentatives du peuple.  

10. Drive de Nicholas Winding Refn. () 2011

Ironiquement, pas plus tard que hier, je vous parlais de Jodorowski et des réalisateurs qu'il avait influencé. J'ai censuré Winding Refn que je ne connaissais en rien. Je ne connais pas plus son film. Mais comme j'aime bien Carey Mulligan, j'ai déjà la curiosité bien aiguisée. Ryan Gosling n'est jamais plus intéressant que lorsque muet. Poseur. Parce qu'aussi charmeur que menaçant. Avec une présence presque fantôme dans le rôle d'un chauffeur mêlé au milieu criminel en compagnie d'une veuve qu'il doit protéger. Avec des effluves de Pulp Fiction, le film aurait aussi des échos de David Lynch. Je suis vendu. Film a écouter passé minuit, sans contredit.  

9. Sunset Boulevard* de Billy Wilder. 1950

6 ans après avoir lancé l'ultime film noir, le d'abord scénariste, devenu réalisateur, tourne une satire Hollywoodienne avec Wiliam Holden qui a besoin d'un film pour le relancer, ce qui habite fameusement son personnage de scénariste plus ou moins raté. La vedette du muet Gloria Swanson y trouve un rôle historique d'artiste déconnectée. Von Stroheim est croisement de Dr Frank Einstein et de valet de grande classe. Ce chef d'oeuvre a une scène d'ouverture saisissante. Film sur la nature désillusionnée de l'Homme avec un grand H. Pathétisme et racontars envers soi-même. Film fétiche dans la confrérie des scénaristes dans laquelle j'ai été formé.                   

8. Laura d'Otto Preminger. () 1944

Style avant la substance ici, mais aussi triomphe du style sur la santé mentale. Dana Andrews, Vincent Price, Clifton Webb, Gene Tierney composent ce formidable carré d'As d'artistes qui rendent ce film si intéressant. Un détective tombe amoureux de la victime d'un meurtre sur laquelle il enquête. Histoire d'amour et de fantômes teintée d'un peu de la touche Hitchcock. Depuis 1999, c'est aussi dans la Librairie du Congrès des États-Unis. Truman Capote en avait écrit une adaptation pour la télévision en 1968. 

7. Blue Velvet* de David Lynch. 1986

Tant de gens ont tenté de copier le style Lynch. Quand je sortais de mes classes de cinéma, TOUT LE MONDE citait Lynch (ou les X-Files) pour parler du style qu'ils voulaient créer. Il n'y en aura jamais eux deux comme lui. Il est unique. Ce film noir présente un étudiant découvrant une oreille en banlieue ce qui le plonge dans un univers criminel déséquilibré où Dennis Hopper "s'oxygène" à même une bonbonne. Frank Booth est probablement un des vilains les plus déséquilibrés présenté sur pellicule filmée. Sombre et dérangeant comme Lynch est capable de nous déstabiliser. La musique de Roy Orbison n'a jamais paru aussi tordue. Autre fameux casting.

6. Notorious* d'Alfred Hitchcock. 1946

La plus élégante démonstration du style du maitre du suspense selon le mythique critique Rogert Ebert (qu'il repose en paix). Cary Grant, Ingrid Bergman, un fameux verre de lait, Claude Rains, sont à leur plus sombre, parfois cynique, profondément romantique dans une histoire d'espionnage dans la foulée de la fin immédiate de la Seconde Guerre Mondiale. Ce film est aussi dans la Librairie du Congrès comme culturellement, historiquement, esthétiquement  significatif dans l'histoire des États-Unis. Ben Hecht méritait sa nomination aux Oscars pour la meilleure histoire originale. Humaniste à souhait. Trait pas toujours présent dans les films noirs.

5. The Last Seduction de John Dahl. 1994

J'avais beaucoup aimé Red Rock West qui offrait probablement le meilleur rôle à Lara Flynn Boyle qu'elle n'aura jamais eu. Mais Linda Fiorentino dans cet autre bon film de John Dahl, est encore plus exceptionnelle. Mais comme le film avait été diffusé à la télévision en premier, il n'était pas candidat pour les Oscars. Où elle aurait au moins dû avoir une nomination. Ce thriller érotique des années 90 raconte l'histoire d'une femme fatale prenant la route avec l'argent sale de son homme, tentant de préparer son prochain coup. Excitant road movie, parfois assez drôle, mais tout à fait brutal. Un Coen & Coen style Blood Simple

4. Collateral de Micheal Mann.() 2004

Je n'ai jamais été impressionné par Tom Cruise. Même dans les trois films que j'ai avec lui dans ma vidéothèque, Born on The Fourth of July, Jerry Maguire et Magnolia, j'ai au moins une scène qui me revient en tête où je me dis "c'était vraiment la meilleure prise qu'ils avaient pour cette scène ?". Mais on dit que ce tueur à gages qu'il incarne, qui impose son style de vie à un pauvre chauffeur de taxi, serait sa meilleure performance à vie. Il serait animal, presque loup. Néon, grandes lumières et basses ombres, Mann tourne merveilleusement bien. C'est tout ce que j'avais retenu de lui pour son film Heat. Une scène de coyote dans les rues, une autre de fusillade dans un lieu clos seraient mythiques. Portrait d'une ville impersonnelle, L.A.

3. Vertigo* d'Alfred Hitchcock. 1958

Plusieurs placent ce film parmi les 3 meilleurs peu importe les genres. Plusieurs autres le placent premier dans le genre noir. Le vétéran militaire devenu détective privé devient obsessif autour d'une blonde sur laquelle il a été engagé pour enquêter. La cinématographie couleur relève du rêve. Salvador Dali a participé à une scène, justement tiré du sommeil du personnage de John "Scotty" Ferguson. Déboussolé dans un San Francisco superbement filmé par Robert Burks. La musique de Bernard Hermann est aussi une de des meilleures. Et le générique de Saul Bass est culte. Et annonce les multiples sortes de déséquilibres à venir dans le film. Cyclique et vertigineux.

2. Chinatown* de Roman Polanski. 1974

Un des me films préférés. Autre film culte entre scénariste. Comment faire d'un sujet plate sur papier, quelque chose d'intéressant. Film sur l'impuissance face èa la corruption. 

1. Double Indemnity de Billy Wilder. 1944

 Encore Billy Wilder, avec le film noir des films noirs. Après avoir vu ce thriller à suspense, Hitchcock aurait dit que les deux mots à retenir à Hollywood étaient Billy & Wilder. Quand le maître parle de vous comme ça, vous avez réussi. Ce film est comme le dernier mot sur le genre. Adapté de la courte, mais punchée nouvelle de James Cain, par Wilder & Raymond Chandler, on y voit Fred MacMurray incarner un vendeur d'assurance, sa provoquante femme Barbara Stanwyck incarner la femme fatale, et Edward G.Robinson jouer l'ajusteur des réclamations. La double indemnité double la prime d'assurance quand la mort survient d'une manière inusité. Vous pouvez donc imaginer que ce trio va magouiller. Ce film est reconnu pour avoir jeté les bases du film noir pour les années à venir. Un incontournable.  

J'ai même choisi de le réserver aussi à la Vievliothèque. Pour le revoir. 

Parce que oui, la bibliothèque c'est respirer autrement et respirer, c'est vivre. Donc vievliothèque

Je m'étais commandé deux versions d'adaptation de la nouvelle de 1927 The Killers d'Ernest Hemmingway sur un même DVD. 1946 tourné par Robert Siodmak avec Burt Lancaster et Ava Gardner et 1964, tourné par Don Siegel avec Lee Marvin, John Cassavettes, Angie Dickinson et Ronald Reagan. L'ai reçu. Ça m'a donné l'idée de la chronique. 

mercredi 15 mai 2024

JKGL

Ceci sera presqu'une publicité pour 4 comptes.
Non il ne s'agit aucunement d'une fréquence radio. 

Il s'agit d'une esthétique. D'une "vibe". 

Qu'une station de radio pourrait offrir, oui. 

C'est dans la nature des stations de radio, la vibe.    

Jodorowski, Kubrick, Gilliam, Lynch.

4 réalisateurs de films. 

Alejandro Jodorowsky

Réalisateur Chilo-français, on le connait pour les films El Topo, un western sur l'acide, et The Holy Mountain, conte mystico-spirituel se rapprochant du culte, peut-être inspiré par Le Mont Analogue, livre surréaliste de René Daumal, paru en 1952. C'est aussi lui qui était à l'origine des univers visuels des films Dune, dans les années 70-80, mais surtout au coeur de tout le visuel de The Fifth Element de Luc Besson. Adepte de la psychomagie, il a tenté toute sa carrière (il est encore vivant, à 95 ans) de recréer le tarot de Marseille original dans ce qu'il fait. Citant Fellini, Godard, Leone, Keaton, Von Stroheim, Artaud et Bunuel comme influence, admiré par Marilyn Manson, David Lynch, Darren Aronofsky, Taika Waititi, Guillermo Del Toro, Dennis Hopper, la formation musicale Suicide, Peter Gabriel, Lady Gaga, son cinéma est si surréaliste, ses univers si dépaysant, sa direction artistique si originale que pas moins de 11 livres dans les 40 dernières années ont été écrits sur ses oeuvres. 4 en Anglais, 4 en espagnol, 2 en français et 1 en italien. Visuellement, il est stupéfiant. Au civil, très dérangeant. Avec des propos déséquilibrés sur le respect envers les femmes. Il est d'une autre époque. A toujours semblé d'une autre planète. 

Stanley Kubrick

Stan était d'une intelligence supérieure. TOUS ses films sont savamment calculés et brillamment travaillés. Personnalité sombre, épanouie, sérieuse et appliquée, je l'aurais facilement retrouvé dans mes classes "d'enrichi" au secondaire. Et compris. Workaholic perfectionniste, si je suis le premier, je ne suis pas le second. Son cinéma me parle tant que j'ai obtenu avec le temps ses 12 films en DVD dans ma collection personnelle. Photographe d'abord, il devait être un enfer pour les directeurs photos qui travaillaient pour lui, parce que constamment inquisiteur. Mais il arrivait à soutirer le meilleur d'eux-mêmes comme il le faisait avec les acteurs et les actrices avec lesquels il travaillait. John Alcott qui a travaillé avec lui 4 fois a gagné l'Oscar de la meilleure cinématographie pour Barry Lyndon. L'unique Oscar de ce géant du cinéma a été pour les effets spéciaux, auxquels il avait porté une main importante sur 2001, A Space Odyssey. Il était fameusement hypnotique et excitant. Pratiquement tous ses films sont des chefs d'oeuvre. Il a adapté un réputé intournable livre et son épineux sujet, tourné une satire politique, tourné l'espace comme personne avant lui en donnant des émotions aux machines de manière existentielle, il a tourné la violence sociale et la violence guerrière, il a tourné une des meilleurs histoires de guerre à vie, il a tourné du film noir, de l'érotisme mystique, de l'ascension sociale, de la glissade dans la folie, a relevé Anthony Mann et y a trouvé l'amour. Il était fantastique jusqu'à la fin. Il reste un des plus grands de tous les temps.  

Terry Gilliam

Ancien Monty Python, les angles de caméras choisis par le Britannique fait en sorte que ses mises en scène paraissent plus surréalistes que traditionnelles. La psychologie largement étudiée est faillible chez tous ses personnages. Ses univers tournés sont en constant déséquilibres. Les sujets qu'il aborde sont toujours abordés avec distorsion. Adepte des textes du sociologue Max Weber, particulièrement son concept de la cage de fer, les mondes qu'il expose sont souvent hallucinatoires. Il a même vécu un cauchemar Don Quichottien, au civil. Dont le simple tournage aurait fait un excellent film de fiction aussi. Ce qu'il devrait tourner, afin d'exorciser, ce qu'il a presque fait, refaisant entièrement, juste à temps pour que le Covid vide les salles. Son 3ème film, fantastique, a rapporté 8 fois son budget de tournage, seulement aux États-Unis. Son 4ème est devenu culte. The Adventures of Baron Munchausen n'a pas été un succès mais fût nommé pour 4 Oscars et a gagné 3 BAFTA Awards en Angleterre. Cette trilogie non officielle traite de nos désordres sociaux face au progrès, toujours dans la tragicomique. Son premier film aux États-Unis et premier sans impliquer un membre des Monty Pythons, a fait le double de son budget aux États-Unis seulement et donné un Oscar à une de ses interprètes. Le clin d'oeil à Chris Marker a généré plus de 141 millions de revenus et donné un des meilleurs rôles à Madeleine Stowe. The Brothers Grimm a fait plus de 105 millions de recettes. The Imaginarium of Doctor Parnassus a été fait pour 30 millions et a généré le double en profit. Gilliam pourtant peine à réussir à tourner. Sa tête est si créative et pleine d'idées. Elle serait aussi difficile. Mais son regard et ce qu'il fait passer par sa caméra est toujours magique.  

David Lynch

Inspiré de Fellini, Godard, Hitchcock, Polanski, Bergman, Tati, Herzog, Kubrick ou Wilder il aime aussi Herk Harvey et Jerzi Skolimoski, DL est un explorateur du subconscient de son sombre premier film au dernier. Il est aussi capable d'étonnante sobriété. Ses films sont souvent des morceaux de puzzles qu'il donne envie d'assembler, mais qui ne sont pas toujours un vrai puzzle. Mais toujours une vraie évocation. Vague et diffuse aussi. Impression de rêve permanent. Il y a une véritable esthétique surréaliste dans ce qu'il tourne et l'humour passe souvent par l'absurde et le déstabilisant. Les trames sonores sont aussi assez formidables. Le monde que se choisit Lynch est souvent celui du rêve qu'on ne contrôle jamais. Ce qui ouvre la porte à la magie réaliste. Qui est en quelque sorte l'ADN du cinéma en général. La machinerie dans ses films est souvent présente. Que ce soit en voiture (qu'il affectionne particulièrement) ou encore en mini tracteur. Il aime le tordu. Le difforme. L'inexpliqué. Tourne la supercherie de la banalité banlieusarde, les galaxies fictives, les impuretés du cinéma Hollywoodien, le dédoublement de personnalité, le road movie, le sordide, Lynch y laisse ses empreintes. C'est toujours très original et pas pour tout le monde. Il n'a que 10 films de tournés j'en ai 8. Je ne suis pas 100% intéressé par son film le plus traditionnel et par son dernier. Mais sa série télé reste un bijou. Saison 1, 2 et même celle de 2017

J'ai les trois saisons aussi en DVD. Lynch travaillerait avec Netflix sur quelque chose depuis 2021. 

Rien de ces 4 réalisateurs n'est complètement grand public. Mais leurs univers ont quelque chose de commun. Que j'ai trouvé, par hasard, dans pas un mais trois comptes Tik Tok auquels je me suis abonné. Qui ne fot que présenter des images générées par l'intelligence artificielle sur une musique aussi mystérieuse que les images offertes. Deux comptes qui semblent mélanger l'esthétique des 4 réalisateurs nommés plus haut. J'aurais même pu ajouter Tim Burton. 

Toutes les images de la chronique du jour sont issues de ces 4 comptes. 

Myst.cult, Glumlot, Voidstomper, TeaPot.


Voici quelques autres images.   

mardi 14 mai 2024

La Bombe

On a toujours des nouveaux au travail. Et des nouvelles. En janvier, on avait aucune femme dans le bureau. Nous étions une douzaine d'employés. Nous sommes maintenant 18 et on a 4 femmes, 5 mois plus tard. Comme nous utilisions les deux salles de bain, homme et femme, un bol chacun, pendant 8 mois, au lieu d'en cochonner une seule, on en a cochonné deux. Des employés de garage, ça salit vite. L'entreprise a donc choisi de faire rénover de fond en comble les deux salles de bain. 2 bols chaque salle. 

Je vous ai parlé récemment de ce que j'imposais comme paranoïa à mon covidiot de patron. Ça fonctionne un peu trop bien. Je le sens fébrile, voire nerveux. Souvent en train de regarder au dessus de son épaule. Regardant par la fenêtre au loin dans son bureau. Comme si il appréhendait un tireur. 

Il est si tata, que lorsqu'il a envie d'aller à la salle de bain, il l'annonce toujours, même si ça fait à peu près une heure que personne ne lui a parlé. Il l'annonce comme le ferait une maturité d'enfant. "J'ai besoin de faire caca". "Avant tout ça, laisse-moi chier", "bougez-pas, je dois faire caca" et ainsi de suite. Je ne sais pas si il veut faire rire ou quoi, mais c'est toujours inadéquat. Il faisait donc caca quand il a remarqué qu'un panneau de styro-mousse du plafond était légèrement déplacé. Prenant un petit escabeau, il est monté pour la replacer et est resorti de la salle de bain affolé.

"Hey les gars ! aidez-moi!"

Personne n'a voulu comprendre qu'il avait besoin qu'on le torche où je ne sais quoi. Il a continué, agité:

"JE...JE PENSE QU'IL Y A UNE BOMBE AU PLAFOND DE LA TOILETTE DES GARS!"

On a tous pris une fraction de seconde pour enregistrer tout ça dans nos têtes. Une bombe ? Vraiment ? Quoi? Hein ?

"..en replaçant un panneau du plafond j'ai vu quelque chose qui ressemblait à une bombe, là, dans le plafond." Sa voix tremblotait. 

On s'est tous levé de nos cubicules sans trop savoir quoi faire, ni dire. Quelqu'un a finalement dit:

"Ben là, 'faut faire quelque chose!"

J'ai ajouté plus sobrement et trop calmement "Pourquoi quelqu'un aurait posé une bombe dans nos bécosses?"

"Pour se venger de s'être fait prendre à voler chez nous en décembre" a dit le covidiot patron.

Ok, cet homme avait peur pour vrai, on le voyait dans ses yeux et dans sa voix. Comme j'étais le dernier à avoir parlé, trop calmement ce qui lui a donné que je n'avais peur de rien, il m'a sommé d'aller valider ce qu'il pensait avoir vu. 

"MOI ? Mais pourqu...? Pourquoi tu penses avoir vu une bombe ? c'était écrit "bombe" dessus ?" j'ai dit, très incertain de vouloir faire la tâche.

"Il y avait comme un décompte numérique..."

Avec courage mais surtout calcul stratégique d'entreprise, j'ai donc proposé Pavlov Pavelski, un nouvel employé d'origine Russe, qui en était à sa première journée de le faire à ma place. Car après tout, si ça lui sautait au visage, ce ne serait pas un sacrifice tellement gros au niveau du staff. Moi, avec mes 7 années d'expériences...

Ça n'a pas passé. Covidiot a gémi et m'a ordonné d'aller voir si c'était une bombe plus fermement.

Je lui aurais pété la gueule, fermement. 

"Mais je ne suis pas spécialiste des bombes! Si c'en est une, serais-je capable de l'identifier comme telle, et si tel est le cas, je fais quoi je vous dis tout le monde dehors? On ne devrait pas faire intervenir une escouade..."

"C'EST TOI L'ESCOUADE HUNTER!"

Ok. J'ai monté l'escabeau. En revisant mentalement tous les noms d'oiseaux que j'aurais qualifié mon covidiot de pas intelligent à ce moment précis. Tout le monde était entassé dans un coin du bureau comme si un tireur leur avait ordonné de la faire. J'étais au haut de l'escabeau et Twit Complotiss m'a montré quel panneau vérifier, avant de se pousser comme une fille face à une araignée. 

J'ai tassé le panneau et je suis resté stupéfait. Une sorte de boule qui aurait ressemblé effectivement à une bombe, avec un décompte qui maintenant disait 5, 4, 3...

ÇA Y EST, J'ALLAIS MOURIR! EXPLOSÉ ! WHAT THE FLYNG F..."

Le décompte maintenant à zéro, après que toute ma vie me soit mentalement passé dans la tête et que mon décédé père m'ai souri du ciel la main tendue, je suis resté là, soumis au sort qui m'étais réservé et me demandant si mon cerveau éclaté irait bien loin. On ne pourrait jamais étudier le cerveau d'un parfait ambidextre qui a sauté une année scolaire "par en avant" (ma 4e année) parce que trop fort dans ses résultats scolaires au primaire, se trouvant ainsi toujours le plus jeune de sa cohorte jusqu'à la deuxième année d'Université.  

À zéro...pas d'explosion...

Toutes les chaines de toilettes ont "flushé" en même temps. Les deux de la toilette des femmes à côté et les deux de la nôtre. C'était une connerie de minuterie pour tirer les chasses d'eau de manière synchronisée. Pourquoi ils ont mis un décom...enfin...

Mon idiot de patron a pensé un complot de synchro.

On m'a laissé retourner chez moi.

Pas pour mon courage forcé.

Pour changer mes sous-vêtements. 

lundi 13 mai 2024

Chet Baker

 Vie et mort d'un jazz junkie.

Né le 29 décembre 1929, en Oklahoma, Chesney Henry Baker Jr avait un père guitariste de swing western et une mère pianiste, employée d'usine de parfum. Suite à la Grande Dépression, la famille est forcée de se rélocaliser en Californie, et son père de se trouver un job plus payant. Enfant, son père lui achète un trombone, mais à 13 ans, il change pour la trompette. En moins de deux semaines, adolescent, il semble toujours avoir joué de la trompette. C'est un talent naturel. 
Toute sa vie, il ne semblera ne jamais pratiquer. Il commence simplement à jouer. Comme si c'était le prolongement de sa voix.

Après deux passages dans l'armée, Chet se choisit une carrière en musique, où il fait des stages chez Charlie Parker et Gerry Mulligan. Sa belle tête de James Dean croisée avec celle de Frank Sinatra lui ouvre des portes. Il ne sera jamais complètement aimé de son vivant. Entre autre, parce qu'il est blanc. Quand il gagne le prix d'un magazine comme musicien jazz de l'année, battant Miles Davis, une idole pour lui, quand Baker le croise, il lui dit "j'allais t'écrire une lettre m'excusant d'avoir gagné ceci,  tu es nettement meilleur que moi!" Ce à quoi Miles lui a vachement répondu: "Tu as au moins 15 autres lettres à écrire à d'autres avant que celle-ci ne se rende à moi". Prix de l'arrogance: Davis. Coeur brisé: Baker. 

Dans les années 50, Chet brille, il chante même de sa voix frêle, il charme. Il fera du cinéma. 2 cassettes de lui peupleront la trame sonore de mes années 80. Des albums des années 50 toutefois. Mais dans les années 60, sa réputation le précède. Quand il ne joue pas de la trompette ou ne chante, il consomme de l'héroïne, comme ses héros. En tournée, whateverthefuck city devait avoir ses points de vente. Et Chet savait trouver son héroïne. Tout le temps. Et il aimait frauder les gens. Ça n'aidait pas à se faire aimer. Quand il avait vu le film To Catch a Thief avec son bassiste Bill Withlock, ils avaient tous deux convenu qu'ils étaient meilleurs voleurs que Cary Grant. Les habitudes face à l'héroïne étaient extrêmes pour Chet. Et on faisait des larcins ici et là pour compenser l'argent des spectacles 100% investi dans la drogue. on quittait les restos sans payer. On pillait les pharmacies avec des fausses prescriptions pour des substituts se rapprochant de l'héroïne. Il flirtait aussi avec les infirmières afin de mettre la main, sous leur jupe, oui, quelques fois, mais surtout, pour avoir des équivalents pour l'héroïne. Pourtant Baker était capable de tellement de génie musical. Il émanait de lui sur scène une image de cool. 

Cool est un mot de 4 lettres qui dessine une sorte d'aura autour de vous, là où pour les autres un paragraphe servirait à les décrire. Et ne convaincrait pas. Miles Davis était cool. Plus cool encore. Miles était noir. Dizzie, Bud, Charlie, Max, étaient cool. Ils étaient noirs. Chet était blanc pâle. Se sentirait toujours parenthèses autour des grands du jazz. Mais la drogue faisait oublier le gars sur les lignes de côté. Et l'enracinait dans un monde moins compliqué. Tout en le compliquant. Il est parfois obligé de donner un instrument de musique (parfois volé) en échange de l'héroïne qu'on lui donnait. La vulnérabilité de sa voix était une réelle vulnérabilité de junkie trop accro pour réaliser parfois que Mitchum, Monroe et Jane Russell sont dans les premières tables pour venir l'entendre jouer dans les bars. 

Il se fera arrêter au moins deux fois aux États-Unis pour des questions de drogue. Fera du temps à la prison de Riker's Island avant de quitter pour l'Italie parce que là, on le connait moins. Mais il ne s'aide pas.

En août 1960, il se fait arrêter en Toscane pour importation de narcotiques, pour avoir forgé une fausse prescription, et pour consommation de drogue. Il passera un an complet en prison. Sera aussi expulsé de l'Allemagne et banni de l'Angleterre pour des crimes de drogue. 

Quand il est emprisonné aux États-Unis, il offre des spectacles aux prisonniers. 


Il est battu en 1966 par un groupe anonyme qui savait ce qu'il faisait. Baker a beaucoup d'ennemis. c'est un raconteur non fiable. On ne peut aucunement lui faire confiance. Le gang lui casse les dents stratégiquement. On ne peut souffler, trompettiste, de la même manière sans dents. Vers 1969, il doit se faire remplacer les dents si il veut continuer. Pour se les payer, il travaillera dans une station service pendant 3 ans. 

Vers 1973, il retourne vivre chez sa mère et forge des prescriptions. Se fait encore prendre. Devra accepter d'être libéré seulement si il suit un régime de méthadone pendant 7 ans. Il débute alors une période très prolifique jusque dans les années 80. Elvis Costello l'engage pour l'un de ses plus beaux morceaux. Baker intègrera un morceau de Costello à son répertoire de tournée, morceau qui, ironiquement, était inspiré de la version de Chet de The Thrill is Gone. Il collabore aussi avec Van Morrison

Une session photo se transforme ensuite en projet de film sur sa vie. Film qui sortira 4 jours après sa mort. À 58 ans. Dans un corps de 72.

En 1988, il perd les clefs de son appartement d'Amsterdam et, intoxiqué, croisé de cocaïne et d'héroïne, tente de passer de l'appartement vacant voisin au sien, mais perd pied et est retrouvé mort, deux étages plus bas, sur le trottoir.

Aujourd'hui, il y a 36 ans. 

On s'est perdu avec Chet. Il s'est perdu aussi. Tout seul.